Pluralitas non est ponenda sine necessitate
(les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité)
Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem
(les entités ne doivent pas être multipliées par delà ce qui est nécessaire)
On appelle ce principe «le rasoir d'Occam» car il «rase» les éléments excédentaires dans une théorie. Aujourd'hui, nous connaissons davantage le principe de parcimonie sous cette forme:
«La plus simple des explications est souvent la meilleure.»
Il est nécessaire, je pense, de résoudre l'ambiguïté à propos du sens des termes «simple» et «meilleure» La «plus simple» ne veut pas dire la plus simpliste ou la plus réductionniste. C'est simplement celle qui implique de présumer l'existence du moins grand nombre d'entités; la moins spéculative. Et «la meilleure» ne veut pas dire «la plus vraie» mais «celle qui a raisonnablement le plus de chances d'être vraie parmi les hypothèses connues». Si, par exemple, on a les deux hypothèses suivantes :
- A- Mes clés ne sont pas où je les ai laissées. Je dois me tromper, j'ai dû les déposer ailleurs par mégarde.
- B- Mes clés ne sont pas où je les ai laissées. Sans doute que les objets ont une volonté propre et ont la faculté de se déplacer.
- A- Toutes les formes de vie sont apparues spontanément par l'action d'un créateur surnaturel.
- B- Des formes de vie extrêmement simples apparurent lorsque des composés chimiques se sont assemblés dans la soupe primordiale. Puis, sous l'action conjuguée des mutations aléatoires et de la sélection naturelle, la vie évolua en engendra des êtres plus complexes et variés.
Aussi, plus on accumule de données et moins la meilleure explication est simple. Par exemple, si au départ il est «plus simple» de croire que le Soleil tourne autour de la Terre plutôt que l'inverse (puisque l'on ne sent pas la Terre bouger et que l'on voit le Soleil traverser le ciel dans la journée), ça devient plus compliqué d'expliquer le mouvement des étoiles et la rétrogradation des planètes sans changer de paradigme en faveur de l'héliocentrisme. Ainsi, si l'on tient compte de toutes les observations astronomiques, l'héliocentrisme devient «plus simple» que le géocentrisme.
Également, toute hypothèse qui fait intervenir l'existence du surnaturelle est nécessairement «moins simples» qu'une qui s'en tient à la réalité telle que la science la décrit. Généralement, l'entité surnaturelle proposée comportera plus d'attributs que nécessaire pour combler notre hypothèse; ce n'est donc pas parcimonieux. Ce qui me donne une nouvelle occasion de citer à nouveau cette phrase du philosophe David Hume (1711-1776) :
«nul témoignage ne suffit à établir un miracle, à moins que (...) sa fausseté en fut plus miraculeuse que le fait qu'il tente d'établir»
S'il est possible de trouver, à l'intérieur de l'univers connu, une ou plusieurs causes probables à un phénomène, il n'y a rien qui justifie de rechercher une explication à l'extérieur de notre modèle du monde. Et si l'on ne peut trouver de cause rationnelle pour un phénomène, dire «je ne sais pas» demeure l'alternative la plus sage.
Par ailleurs, quand on associe arbitrairement un phénomène sans explication (objet disparu ou retrouvé à un endroit inhabituel, lumières étranges dans le ciel, guérison soudaine d'une maladie incurable, coïncidence anodine, etc.) à une explication sans phénomène (Dieu, les esprits, les extraterrestres, etc.) c'est souvent moins pour expliquer l'un que pour justifier notre croyance préexistante en l'autre. Cela va à contresens de la démarche scientifique. C'est partir des conclusions pour aller vers les faits, plutôt que d'établir ses conclusions à partir des faits.
J'aimerais clore cette réflexion en reformulant le principe de parcimonie :
«L'explication qui outrepasse le moins la somme des données observées, est celle qui a le plus de chance d'être vraie parmi l'ensemble des explications proposées.»
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