samedi 20 juin 2009

Nos devoirs pour les gens de demain

Je pense que la plupart conviendront avec moi du fait que nous avons des devoirs envers les générations futures, même envers celles qui ne sont pas encore nées. Comme nos actions d'aujourd'hui affectent le bonheur et la souffrance des gens de demain, nous sommes éthiquement tenu de considérer ce bonheur et cette souffrance dans nos choix éthiques, même si notre estimation des conséquences à très long terme est moins certaines. Par exemple, abîmer l'équilibre des écosystèmes ne peut être justifié par l'argument «Les conséquences de ces actes n'auront d'impact que sur des gens qui n'existent pas encore et l'on n'a aucun devoir envers des êtres inexistants» car, bien que l'on n'a effectivement aucun devoir envers un être qui n'existera jamais (et qui, par conséquent, n'est pas un être), je pense que nous en avons envers ceux qui existeront bel et bien.

Le temps est une dimension, par conséquent le futur peut être traité comme un «lieu» lointain sur l'axe temporel. Imaginons que nous avons deux villages voisins qui se nomment «Aujourd'hui» et «Dans-cent-ans». Il y a une rivière qui irrigue les deux villages, Aujourd'hui est en amont et Dans-cent-ans en aval. Si les villageois de Aujourd'hui jettent leurs déchets à l'eau, cela aura un impact sur les habitants de Dans-cent-ans qui utilisent cette même eau pour s'abreuver et se laver. Cette analogie qui transpose une distance temporelle en une distance spatiale nous permet de prendre conscience que les gens du futur existent… mais dans le futur seulement. Cela ne leur enlève pas le droit au bonheur. Bien sûr, on ne peut pas cerner d'individus particuliers dans le lot, mais on se doute de l'existence d'une population humaine dans cette zone de l'espace-temps. C'est comme si les habitants de Aujourd'hui ne connaissaient personne à Dans-cent-ans mais qu'ils savaient tout de même, en voyant ses lumières s'allumer le soir à l'horizon, que le village est habité.

Mais si j'avorte l'embryon que je porte, j'empêche un humain potentiel de venir au monde, alors est-ce un meurtre? Est-ce que c'est comme de porter préjudice à l'un des habitants du village de Dans-cent-ans? Pas du tout. Puisque, empêcher un être potentiel de venir au monde fait en sorte que cet être n'habite pas le futur. Donc, non seulement il n'existe pas en ce moment en tant qu'être, mais il n'existera jamais. C'est comme si l'un des habitants du village de Aujourd'hui était accusé par ses concitoyens d'avoir assassiné et dissimulé le cadavre d'un homme originaire de Dans-cent-ans, mais que personne dans le village de Dans-cent-ans n'ait été porté disparu. C'est contre-intuitif mais «s'abstenir de créer un être» n'équivaut pas à «détruire un être». Il y a, à chaque instant, des milliers d'êtres potentiels qui pourraient venir au monde mais il est impossible qu'ils viennent tous au monde. Par exemple, si une femme décidait de tomber enceinte ce mois-ci, elle n'engendrait pas la même personne qu'elle aurait engendrée si elle avait attendu un mois de plus avant de se faire féconder. Je ne pense pas qu'amener à l'existence un individu particulier, parmi le pool des inexistants, soit un devoir moral envers cet individu.

1 commentaire:

  1. 2010-04-10
    En te lisant, il m’est venu l’idée suivante : interrompre un grossesse, c’est briser une chaîne d’évolution de deux lignées. Cela affecte certainement le « village cent ans plus tard ». L’effet multiplicateur des 1.5 millions ( ? ) d’interruptions depuis 40 ans aussi. Cependant, la qualité de vie des vivants prime sur la vie à venir tant que les humains n’auront pas mis en place un autre système. J’y reviendrai par la communication d’une réflexion plus poussée.
    Gaïagénaire.

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