Le mot nous – ou son équivalent on – est un pronom personnel désignant normalement la première personne du pluriel. Ça devrait donc vouloir dire «moi et toi», «moi et eux» ou «moi, toi et eux». Mais je constate beaucoup d'usage du nous qui exclue souvent le moi et même le toi; et je ne parle pas du nous impersonnel. En plus, le nous comprend parfois un nombre de personnes tellement élevé qu'il me semble absurde de l'utiliser.
La raison de cette aberration est que l'individu va s'associer à une catégorie ou à une identité collective dont il parlera au nous. Il s'en suivra que lorsqu'il utilisera un verbe dont le sujet serait un nombre pluriel de membres de son groupe mis en interaction avec des non-membres, il fera usage du «nous» même si le «eux» aurait été logiquement plus approprié. C'est le nous identitaire. Par exemple, il pourra dire «Nous, les Québécois…» même si ce groupe est majoritairement composé de gens qui lui sont totalement inconnus. Il pourra également dire «On a gagné la game de hockey hier!» au lieu de dire «L'équipe sportive pour laquelle je prends a gagné!» C'est intéressant comme usage, car ni lui ni son interlocuteur ne se trouvait sur la glace, et il emploie quand même le nous.
En plus de s'étendre trop loin, la frontière du nous sera parfois tracée d'une façon purement contingente et arbitraire, tout en étant floue et changeante. Par exemple, en disant «Nous, les Québécois…», une personne parlera tantôt des francophones résidants au Québec, tantôt de ceux ayant une ascendance française, tantôt de ces derniers en incluant les «immigrants intégrés» et tantôt de tous les habitants de la province sans distinction aucune. Tout cela, dans un même discours en sautant aléatoirement d'une définition à l'autre.
Il y a également le nous historique. Dans un cours d'histoire du secondaire, il est possible d'entendre l'enseignant dire : «Les Anglais nous ont battu sur les plaines d'Abraham.» Le «nous» devrait désigner normalement le professeur et ses élèves. Il est toutefois évident qu'aucun d'entre eux ne se trouvaient sur les plaines en 1759. C'est donc un nous identitaire qui s'étend dans la dimension temps.
Personnellement, j'essaie d'éviter tous ces abus de nous. Si ce pronom donne l'illusion d'être inclusif, il sert plus souvent qu'autrement à se distinguer d'un eux et donc d'exclure. Il m'apparaît être une source de discrimination arbitraire et de biais cognitif. J'ai trop souvent entendu des «Nous, les Québécois…» et des «Nous autres, les gars...» auxquels je ne m'identifiaient pas et ça m'agace quand quelqu'un prétend parler en mon nom sans me consulter. Utilisons donc ce pronom avec parcimonie et sagesse.
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