mercredi 5 mai 2010

Définition de l'être

Permettez-moi de clarifier la définition que je donne au mot «être» sur ce blogue, c'est-à-dire dans une perspective où l'esprit n'existe pas en-dehors de la matière.

L'être se distingue de l'objet par le fait qu'il est capable de percevoir son environnement (donc d'en construire mentalement une sorte de copie virtuelle incomplète) et d'attribuer à chaque stimulus qui le compose une connotation positive ou négative. Ainsi, il pourra non seulement distinguer deux saveurs, mais il pourra également en préférer une à l'autre. J'appelle ces deux facultés «conscience» et «volonté». C'est donc à un niveau relativement primitif que l'être se dote d'une «jauge» opposant son bonheur et sa souffrance; c'est-à-dire ce qui lui est agréable et désagréable. Pour moi, cela justifie d'adopter l'éthique utilitariste et de l'étendre à tous les êtres (dans la mesure du possible). C'est par la sélection naturelle que les êtres seront «programmés» pour trouver désirable ce qui a des chances d'être utile à leur autoconservation et à leur reproduction.

À partir du moment ou une entité possède les critères minimaux que j'ai décris ci-haut (capacité de percevoir et d'apprécier), elle peut revendiquer au titre d'être. Aussi douce que soit la pente d'une plage, la démarcation entre la terre émergée et la terre submergée n'en sera pas moins nette. Pour moi, donc, l'obtention du titre d'être – et donc le droit à la considération selon l'éthique – se fait indépendamment de sa proximité génétique d'avec l'humain. Un vivant dont l'ancêtre commun avec nous est très lointain, un extraterrestre ne partageant aucun ancêtre avec nous ou un robot ayant une intelligence artificielle programmée comme la nôtre, mériteraient donc tous d'être considérés comme des êtres s'ils en possèdent les attributs.

Il y a bien sûr un dégradé de nuances qui existe entre l'être et l'objet; l'univers est un continuum. Je classe dans cette zone grise les systèmes complexes sans conscience propre tels qu'une population d'animaux (les individus qui la composent sont des êtres mais pas la population en tant que tout) ou un programme informatique. J'y mets aussi les vivants acéphales tels que les végétaux. N'ayant pas de facultés sensorielles ou de système nerveux central, ils sont pour moi moins des êtres vivants que des objets vivants. L'être émerge quand un système complexe acquiert les facultés de l'être ce qui implique un degré élevé de complexité.

L'être que je suis est la somme des interactions entre ses neurones. L'émergence d'un être pourrait se faire à n'importe quelle échelle. Ainsi, il n'est pas exclu d'imaginer qu'un jour les populations d'animaux eusociaux – qui forment littéralement des superorganismes – acquièrent une conscience collective analogue à celle des individus. Il leur suffirait pour cela d'intensifier et de complexifier leur rapport de communication. Par exemple, imaginons une cité futuriste dans laquelle chaque citoyen est en contact télépathique permanent avec tous les autres (je sais que c'est impossible, j'ai dis «imaginons…»). Supposons qu'à chaque fois qu'un individu a une idée ou perçoit quelque chose, cette information soit transmises instantanément à tous les autres citoyens se trouvant dans un rayon d'un kilomètre. Que se passerait-il? Mon hypothèse est que cette somme d'individus deviendraient comme un unique être, ayant une conscience et une volonté, de la même façon que la somme de mes cellules.

1 commentaire:

  1. « Les hommes se tromperont toujours quand ils abandonneront l’expérience pour des systèmes enfantés par l’imagination. L’homme est l’ouvrage de la nature, il existe dans la nature, il est soumis à ses lois, il ne peut s’en affranchir, il ne peut même par la pensée en sortir ; c’est en vain que son esprit veut s’élancer au delà des bornes du monde visible, il est toujours forcé d’y rentrer. Pour un être formé par la nature et circonscrit par elle, il n’existe rien au-delà du grand tout dont il fait partie, et dont il éprouve les influences ; les êtres que l’on suppose au dessus de la nature ou distingués d’elle-même seront toujours des chimères, dont il ne nous sera jamais possible de nous former des idées véritables, non plus que du lieu qu’elles occupent et de leur façon d’agir. Il n’est et il ne peut rien y avoir hors de l’enceinte qui renferme tous les êtres.
    Que l’homme cesse donc de chercher hors du monde qu’il habite des êtres qui lui procurent un bonheur que la nature lui refuse : qu’il étudie cette nature, qu’il apprenne ses lois, qu’il contemple son énergie et la façon immuable dont elle agit ; qu’il applique ses découvertes à sa propre félicité, et qu’il se soumette en silence à des lois auxquelles rien ne peut le soustraire ; qu’il consente à ignorer les causes entourées pour lui d’un voile impénétrable ; qu’il subisse sans murmurer les arrêts d’une force universelle qui ne peut revenir sur ses pas, ou qui jamais ne peut s’écarter des règles que son essence lui impose.
    On a visiblement abusé de la distinction que l’on a faite si souvent de l’homme physique et de l’homme moral. L’homme est un être purement physique ; l’homme moral n’est que cet être physique considéré sous un certain point de vue, c’est-à-dire, relativement à quelques-unes de ses façons d’agir, dues à son organisation particulière. » - D'Holbach, le système de la nature, Chapitre I

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