lundi 27 juillet 2009

Le culte de la langue

J'entends parfois la phrase : «Nos prédécesseurs se sont battus pour notre langue! On doit leur être reconnaissant. Grâce à eux on parle toujours français!» ou encore «Défendons le français pour nos enfants et nos petits-enfants!»

Plus j'y pense et moins ça a de sens. Personnellement, si j'avais été élevé dans un Québec anglophone, je ne pense pas que je m'en serais porté plus mal pour autant. Au contraire, j'aurais pu communiquer dans ma langue maternelle avec toute la planète. Au fond c'est plus pour eux-mêmes que nos prédécesseur ont préservé le français.

On peut donc continuer de défendre notre langue et notre culture, mais soyons honnête : ce n'est pas pour nos petits-enfants que nous le faisons, c'est pour nous-mêmes. Pour que les valeurs ou les contingences culturelles auxquels nous sommes attachées soient toujours vivaces pendant nos vieux jours. Et, pour que l'on ne soit pas obligé d'utiliser une langue seconde pour communiquer avec nos petits-enfants. Il n'y a rien d'altruiste là-dedans.

Nos identités

Je vous ai déjà parlé plusieurs fois de l'aspect néfaste des identités collectives dans mes réflexions sur le pronom nous, sur le verbe être, sur l'avortement, le sexisme, le spécisme, la souveraineté du Québec, le nationalisme, l'Histoire, la laïcité culturelle, l'effet de halo et les posthumains. Le point était que l'identité collective pouvait à la fois induire un préjuger sur un individu en fonction de son appartenance supposé à un groupe donné, et, parallèlement nuire à la liberté de la personne d'exprimer son individualité en la conditionnant à se conformer à l'image stéréotypée de son groupe. Donc, je pense que la plupart conviendront avec moi que se définir ainsi «collectivement» n'est pas souhaitable.

Je dirais même plus : je pense que même nos identités individuelles nous sont souvent néfastes. De la même façon qu'avec nos identités collectives, on finit par s'attacher à une image de nous-mêmes et à faire des efforts pour la maintenir. À chaque fois que l'on se demande «Cela me ressemble-t-il?» avant de prendre une décision, on fait passer notre désir d'être conforme à l'image que l'on a de nous-mêmes – ou à celle que les autres ont de nous-mêmes, ou à celle que l'on voudrait projeter – avant d'autres considérations qui devraient être plus importantes. On devrait davantage se focaliser sur nos désirs réels sans nous demander si ça fitte avec notre personnalité. L'identité devient souvent un frein à notre progression personnelle.

Les éthiques non-utilitaristes

Lorsque je dis qu'il n'y a rien d'autre pour définir l'éthique que le bonheur et la souffrance, on me répond souvent le contraire en arguant que le devoir, la vertu, les principes, la justice, la dignité et d'autres variables interviennent pour définir l'éthique. C'est comme si je disais : «En économie, seules l'offre et la demande influencent la valeur d'un produit.» et qu'on me répondait : «C'est faux! Il y aussi la rareté du produit, son utilité, son coût de fabrication et nombre d'autres variables!» Ces autres variables économiques influent sur les prix seulement parce que – et seulement lorsque – elles ont un impact sur l'offre et la demande. C'est la même chose pour la vertu, le devoir, etc. qui n'influencent l'éthique d'une pratique qu'en influençant le bonheur et la souffrance dans ses conséquences.

Le philosophe utilitariste John Stuart Mill (1806-1873) soulignait que la plupart des éthiques non-utilitaristes avaient été conçues – consciemment ou non – sur la base de considérations utilitaristes. Si celui qui obéit aux lois ou aux principes moraux le fait uniquement par devoir, le législateur qui a créé ces principes moraux avait nécessairement une considération autre que le devoir. Plus souvent qu'autrement, cette considération semble être le bonheur générale. Donc, lorsque l'obéissance à une loi ou à un principe morale mènerait, dans un cas particulier, à causer plus de souffrance que de bonheur, il serait tout à fait légitime de ne pas s'y conformer; en fait, le faire serait immoral. Mais les non-utilitaristes se sentent «souillés» lorsqu'ils transgressent une loi ou un principe, et font souvent passer ce désir égoïste de préserver leur pureté, leur intégrité ou leur honneur avant des considérations altruistes qui devraient primer.

Également, les éthiques non-utilitaristes semblent souvent avoir pour objectif de juger des personnes; d'évaluer si elles sont bonnes ou mauvaises. L'utilitarisme vise plus les actes eux-mêmes, et surtout leurs conséquences, que les personnes qui les font. Personnellement, ça m'apparaît un peu puéril de vouloir juger ainsi la valeur des personnes; ça n'apporte rien de concret. On peut juger qu'une personne a un plus grand potentiel d'être une source de souffrance et, pour cette raison, l'éviter. Mais cela ne nous donne pas le droit de mépriser ou d'haïr ce qu'elle est, ou de la considérer comme un monstre.

L'avantage que je concède aux éthiques du devoir c'est que d'obéir aveuglément à un principe ayant été conçu par un législateur sage et désintéressé qui a pris tout le temps nécessaire de peser toutes les variables, est souvent plus efficace que de faire son choix selon notre impression du moment. Je comprends également que devant l'impossibilité pratique de supprimer toute souffrance dans l'univers, certains ont préféré choisir de ne plus se soucier de la souffrance et de simplement se contenter de faire leur devoir (éthiques déontologiques) ou d'être de bonnes personnes (éthiques de la vertu), sans se soucier des conséquences effectives de leurs actions.

Ces sortes d'éthiques m'apparaissent toutefois comme étant «déviantes», en ce sens qu'elles ont perdu de vue leur objectif premier qui était nécessairement d'accroître le bonheur général. La question «Suis-je la cause de ce mal?» ne m'apparaît pas comme étant la bonne. Elle sera trop permissive dans certaines situations et absurdement culpabilisante dans d'autres. La bonne question, celle que notre conscience morale devrait se poser, est selon moi: «Ai-je du pouvoir sur ce mal?».

mercredi 22 juillet 2009

La loi est dure, mais c'est la loi

Devrait-on toujours et en toutes circonstances obéir aveuglément aux lois telles qu'on nous les a prescrites? Est-ce que c'est mal de commettre un acte illégal? Si l'on s'en tient à une éthique utilitariste, il est possible que je désobéisse à la loi sans faire de mal à personne, peut-on alors dire que j'ai mal agis? Bien sûr que non. Toutefois, même si transgresser la loi, dans une situation ponctuelle, peut ne pas être mal, c'est éthiquement positif que cette loi existe et qu'il existe des sanctions pour sa transgression.

Par exemple, si je passe sur une lumière rouge, je transgresse évidemment la loi. Cependant, si je réussis à le faire sans causer la moindre souffrance (c'est-à-dire, sans que cela ne provoque un accident) je ne fais bien sûr rien de mal. On pourrait évidemment m'accuser d'accroître mes chances de faire un accident ou d'être négligent, mais supposons que j'ai vraiment fait attention, que je me suis assuré qu'il n'y avait aucun véhicule ni aucun piéton, et que j'ai simplement roulé alors que la lumière était rouge. Peut-on dire que j'ai fait quelque chose de mal, utilitaristement parlant? Non.

Mais si un policier me surprend dans cette situation. S'il m'arrête et m'inflige une amende, fait-il quelque chose de mal? Opprime-t-il inutilement ma liberté? Non. Il existe une pente glissante qui fait en sorte qu'il vaut mieux que notre loi soit «Défense de passer sur les lumières rouges» plutôt que «Défense de passer sur les lumières rouges… sauf si vous jugez personnellement que ce n'est pas dangereux». Que nos lois soient présentées comme des impératifs catégoriques réduit les risques de dérives inhérents au fait que le jugement de l'individu n'est pas toujours aussi fiable d'une personne à l'autre et d'une situation à l'autre. Je pense, personnellement, que l'on peut se risquer à déroger à ces lois dans des contextes où elles n'ont pas vraiment raison d'être, mais qu'il faut assumer la sanction dans l'éventualité où l'on se ferait pogner, puisque le fait de subir cette sanction est un moindre mal par rapport à ce que serait l'inexistence de cette loi.

Je clos cette réflexion par le dilemme éthique suivant : Supposons qu'un patient ait besoin d'une greffe d'organe pour survivre. On peut dire qu'il s'agit là d'un besoin vital. Conséquemment, si elle choisissait de tuer une autre personne dans le but de s'approprier l'un de ses organes pour prolonger sa propre existence, il s'agirait d'un cas d'égoïsme légitime au même titre que la prédation. Serait-ce une raison suffisante pour légaliser ce type de meurtre? Eh non. Car lorsque l'on réfléchit aux lois, notre évaluation éthique doit se situer au niveau de la règle et non de l'acte. Le législateur ne doit pas se demander «Les conséquences de cette action sont-elles néfastes?» mais «Les conséquences de la légalisation de cette action sont-elles néfastes?». Ainsi, si tuer pour survivre n'est pas contraire à l'éthique, il est éthiquement nécessaire pour un État d'avoir une loi empêchant qu'une personne innocente soit arbitrairement tuée, même si c'est pour le bénéfice d'une ou de plusieurs autres. Le climat de stress et d'insécurité qui s'en suivrait serait beaucoup trop néfaste pour le bonheur général.

Le péché originel

L'économiste Thomas Malthus (1766-1834) a constaté que les besoins en ressources d'une population croissaient davantage que les ressources elles-mêmes. La population et les ressources doivent être en équilibre. Comme il naît plus d'individus que ce que les ressources peuvent supporter, une quantité d'individus devra mourir pour rétablir l'équilibre. C'est en lisant cette conclusion de Malthus que le célèbre naturaliste Charles Darwin (1809-1882) échafauda sa théorie de l'évolution. Chez les autres espèces, des mécanismes régulateurs de population, tels que la prédation, apparaissent souvent pour contrôler l'équilibre démographique. L'équation est donc balancée :

Population = Ressources

L'humain vivait autrefois, comme toutes les espèces, soumis à cette impitoyable loi de la nature. C'est ainsi que nous étions au Paléolithique, dans cet équilibre primordial, en parfaite symbiose avec l'écosystème, mais au prix de bien des morts et des souffrances pour nous. C'est alors que survint un changement, la Révolution agricole qui marqua la fin du Paléolithique et le début du Néolithique. Avec l'invention de l'agriculture, on pouvait produire plus de ressources. Contrôler cette moitié de l'équation. Mais, comme on ne contrôlait pas l'autre moitié, la population, celle-ci croissait démesurément, jusqu'à ce qu'il manque de ressources à nouveau, nous forçant à produire encore plus de ressources. J'ai tracé un réseau de concept pour expliquer rapidement les différentes variables qui interviennent dans le processus :



À partir du moment où tous les territoires de la Terre furent occupés par l'humain, il n'avait plus d'autre alternative que d'accroître ses moyens techniques pour extraire et produire plus de ressources. C'est ce bris d'équilibre du Néolithique – on pourrait dire, ce «péché originel» – qui a déclenché une réaction en chaîne provoquant tout le progrès technologique mais aussi la division du travail et la stratification sociale, en plus des guerres, du développement du commerce et de l'émergence des États. Pour avoir plus de ressources afin de nourrir notre population qui ne cessait de croître, nous devions étendre notre territoire, maximiser notre usage des ressources disponibles et développer de nouvelles technologies permettant de produire davantage de ressources. Ce qui causait originellement notre évolution biologique causait désormais notre évolution technologique. Mais, sans avoir à payer de tributs en vies humaines.

Le problème anticipé par Malthus c'est que cette croissance ne pourrait pas durer éternellement. Tôt ou tard, on ne pourrait plus nourrir tout le monde. Le système allait nécessairement s'effondrer causant famine et pénuries. Malthus proposa donc une politique de contrôle démographique et la suppression de l'aide aux nécessiteux… afin qu'ils ne survivent pas. Bien sûr, tout cela n'était pas très éthique. Mais je pense que nous disposons, de nos jours, des moyens de contrer l'amplification de ce déséquilibre. En effet, nous avons inventé des moyens de contrôler l'autre moitié de l'équation initiale – la population –, il s'agit de la contraception, de la médecine et de l'hygiène. Grâce aux contraceptifs qui sont devenus facilement accessibles depuis la révolution sexuelle, nous pouvons engendrer un enfant seulement lorsqu'on le désir. Tout enfant qui vient au monde (dans les pays industrialisé) est nécessairement issu d'un choix; même si c'est une grossesse accidentelle, ses parents ont choisi de ne pas l'avorter. L'enfant vient donc au monde, le plus souvent, seulement lorsqu'il a des parents qui désirent qu'il vive et qui ont les moyens de le faire vivre. La médecine et les mesures d'hygiène réduisent quand à elles le taux de mortalité infantile. Conséquemment, on n'est plus obligé de faire une tonne d'enfants pour s'assurer qu'il y en ait au moins un ou deux qui atteignent l'âge adulte, chaque enfant engendré a de bonne chance de vivre jusqu'à sa pleine maturité.

Je pense donc que lorsque les technologies médicales et contraceptives se seront répandues sur toute la Terre, la boucle sera bouclée, l'équation redeviendra équilibrée et la crainte de Malthus ne sera plus fondée. Nous sommes partis d'une situation d'équilibre primordiale incontrôlée, nous avons vécu une situation transitoire de déséquilibre qui dura 12 000 ans, puis nous aboutiront ultimement dans un état d'équilibre contrôlé, où la démographie demeurera stable sans pour autant que cela n'implique mort et souffrance. Une fois rendu à ce stade, notre principal problème sera de déconstruire toutes les contingences culturelles nuisibles qui se sont accumulées dans nos traditions entre la Révolution agricole du Néolithique et la Révolution sexuelle des années soixante.

L'effet de halo

L'effet de halo est un biais cognitif faisant que l'estime que l'on a pour une personne ou une chose va être influencée par celle que l'on a pour ce qu'il y a «autour» dans notre système de représentations. Par exemple, on peut avoir une mauvaise opinion d'une personne que l'on ne connaît pas simplement parce qu'elle appartient à un groupe humain pour lequel on a une faible estime. Ou, l'inverse, avoir une mauvaise estime d'un groupe simplement parce que l'on a eu de mauvaises expériences avec l'un de ses membres. Bref, c'est une corrélation arbitraire, une forme de discrimination.

Il faut focaliser pour supprimer les halos. Si une personne m'insulte et qu'elle est d'origine française, je peux lui en vouloir pour son insulte mais pas pour sa nationalité; et il serait encore plus absurde d'en vouloir à la France tout entière pour la seule faute de cette personne. Il m'arrive souvent d'entendre les gens parler en mal de ceux qui les ont offensés mais en dénigrant des caractères secondaires comme leur poids ou leur âge. Ou d'autres qui haïssent une personne parce qu'il n'aime pas son conjoint ou son frère. C'est s'écarter du réel objet de notre sentiment négatif et c'est donc répandre inutilement la haine.

À la limite, on pourrait même aller jusqu'à dire qu'haïr une personne entière pour la faute d'un seul de ses aspects ou d'une seule des situations qui l'impliquent, est un biais lié à l'effet de halo. Si l'on en prend conscience, on s'ouvre un chemin vers l'amour universel.

lundi 6 juillet 2009

Les limites de la liberté de culte

Lorsque je suis allé assister à la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, je n'ai malheureusement pas pu y exprimer mon opinion. En effet, il y avait trop de monde avant moi* et pas assez de temps pour que tout le monde parle. Je vais donc, ici, vous exprimer ce qu'il y avait dans le mémoire que j'ai déposé à cette commission et que je n'ai malheureusement pas pu commenter à haute voix.

Nous sommes dans un État laïc**, c'est-à-dire que nous séparons l'État et les religions. Si la religion peut s'ingérer dans la législation, si le gouvernement respecte et fait respecter les lois religieuses, si les droits d'un citoyen peuvent varier en fonction de sa religion, alors nous ne sommes plus un État laïc. Pour moi un État laïc ne devrait pas faire comme si la religion était «quelque chose». Une institution religieuse ne devrait pas avoir de statut légal (ou alors, le même que les entreprises). Les actes des individus devraient être traités pour ce qu'ils sont, en considérant les conséquences sur autrui et la nécessité pour l'agent. Selon mon opinion, voici donc les trois conditions sine qua non pour considérer que nous sommes laïques :
  1. La religiosité d'une pratique ne devrait pas être reconnue par l'État et, par conséquent, ce critère ne devrait pas être utilisé pour l'interdire ou pour la légaliser;
  2. Le citoyen a le droit d'accorder de l'importance à une pratique et l'État doit accorder de la considération à cette importance;
  3. Les droits du citoyen ne devraient pas varier selon sa religion;

C'est assez basique finalement. Ça implique que l'on ne peut pas, par exemple, interdire à une femme de se voiler la face pour des raisons religieuses dans un contexte où c'est autoriser de le faire pour des raisons climatiques. Inversement, ça implique aussi que l'on ne peut pas autoriser cette même pratique dans un contexte où l'identité de la personne doit être reconnaissable.

Mais cela ne veut pas dire que l'on ne devrait en aucun cas écouter les demandes d'accommodements et s'en tenir aux lois telles qu'elles sont en ce moment. Les lois ne sont pas parfaites, il se peut que l'une d'entre elles contraigne abusivement ou inutilement la liberté d'un individu. Si un individu ou un groupe d'individus estime qu'une loi, un règlement ou une norme (émise par l'État, l'une de ses institutions, une entreprise privée ou toute autre instance pouvant imposer des règles) lui nuit dans une liberté qu'il juge fondamentale (que ce soit pour des raisons religieuses, culturelles ou personnelles***) il devrait pouvoir revendiquer cette liberté. Mais, puisque la loi doit être la même pour tout le monde, plutôt que de faire des accommodements (des dérogations ponctuelles à la loi pour des individus spécifiques) je ferais des ajustements (des modifications sur des détails de la loi qui s'appliqueront à tous). Ainsi, s'il est possible de modifier la loi ou le règlement afin que cet individu puisse obtenir la liberté demandée (ou obtenir un compromis acceptable), sans que cela ne porte préjudice à une liberté (autant ou encore plus fondamentale) d'un ou de plusieurs autres individus, cela devrait être fait.

Les lois ont des raisons d'être; normalement c'est de prévenir certains préjudices. S'il est possible de remodeler une loi pour qu'elle soit tout aussi efficace dans sa fonction mais qu'elle permette une pratique importante pour certains citoyens, alors il n'y pas de raison de ne pas aller dans ce sens. Par exemple, si l'on a la loi «Défense de porter des couteaux dans certains lieux publics» c'est pour éviter qu'un couteau ne soit utilisé comme arme et ne fasse souffrir une ou plusieurs victimes. Mais si c'est important pour les gens de religion sikhe de porter le kirpan (couteau sacré) en tout temps, est-il possible de modifier notre loi de façon à ce que leur besoin soit comblé sans pour autant réduire la sécurité des gens? Si leur kirpan n'est pas aiguisé et qu'il est dans un étui scellé, comment pourrait-il servir d'arme? On peut donc reforger notre loi comme suit : «Défense de porter des couteaux dans certains lieux publics à moins qu'il ne soit émoussé et soudé dans son fourreau».

Il est toutefois important de garder en mémoire les trois points que j'ai énumérés plus haut. C'est pourquoi, toute altération de la réglementation devrait s'appliquer à tous les citoyens (indépendamment de leur culture, religion, etc.) et pas seulement à celui qui a fait la demande d'accommodement ou à ceux que l'on considère comme appartenant au même groupe. Par exemple, si l'on autorise un enfant sikh à porter un kirpan à l'école, tous les autres écoliers devraient également avoir le droit de porter un couteau sur eux, sous les mêmes conditions, qu'ils soient sikhs ou non. Autrement, ce serait une forme de discrimination envers les gens n'appartenant pas à cette religion, et ce serait accorder une reconnaissance légale à la religion. C'est pourquoi, pour traiter une demande d'accommodement, on devrait se demander quelles seront les conséquences si tous les citoyens (et pas seulement l'individu l'ayant demandé ou les individus appartenant au même groupe que celui l'ayant demandé) auraient la permission de s'adonner à cette pratique.

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*Ce fut une expérience très pénible pour moi que d'écouter tout ces gens déblatérer leurs discours décousus et inintelligibles… ça m'a fait perdre foi en l'intelligence humaine et en la démocratie… mais c'est un autre sujet!

**Ce n'est pas tout à fait vrai, la constitution canadienne commence par «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit
» (!). Ironiquement, c'est la dernière version, celle de 1982, qui invoque un dieu. L'ancienne version qui date de 1867 était parfaitement laïc. On a régressé…

***Lors du non-événement des accommodements, on avait tendance à toujours considérer les demandes d'accommodements importantes parce qu'elles étaient motivées par des raisons religieuses. Toutefois, il me semble qu'une pratique peut être aussi importante pour un individu même si cela ne fait pas partie des prescriptions de sa religion. Ce peut être ses valeurs personnelles par exemple. Une personne qui ne veut pas que son enfant mange la viande de la cafétéria parce que le traitement des animaux d'élevage s'oppose à ses principes, mérite autant que l'on écoute sa requête qu'une personne qui demanderait la même chose parce que son dieu lui a dit de manger cascher.