On parle souvent du gouvernement ces jours-ci, et on le compare à une dictature alors que ce dernier se prétend une démocratie. Ma conception de la démocratie diffère sous plusieurs aspects de celle qui domine dans l'air du temps. L'une de ces divergences concernent la transparence. On semble en effet s'être habitué à ce que le gouvernement agisse presque en secret. Qu'il offre des contrats à des compagnies sans nous présenter la facture détaillée par exemple.
Pour moi, dans une démocratie, le pouvoir revient au peuple. Ainsi, si nous faisions une analogie avec une entreprise, le gouvernement serait l'employé et le peuple serait son patron. La population devrait être au-dessus du chef d'État dans l'organigramme. Donc serait-il sensé pour un patron d'autoriser son employé à faire des dépenses sur le compte de l'entreprise sans même regarder ces factures? Il est donc difficilement justifiable que le gouvernement cache des choses au peuple.
En fait, la seule situation où il serait légitime que le gouvernement garde pour lui des renseignements en les cachant au peuple, serait si ces informations pourraient tomber entre de mauvaises mains. Donc, dans un contexte où le patron préférerait que son employé lui cache des choses s'il estime que c'est un moindre mal. Par exemple, si on est en guerre, on ne diffuse pas nos stratégies militaires sur toutes les ondes, autrement nos ennemis les verraient aussi. Pour revenir à l'analogie du patron et de l'employé : c'est comme si toutes les conversations entre le patron et l'employé étaient interceptées par une compagnie rivale et que le patron le savait. Il recommanderait alors à son employé de garder certaines informations pour lui et de prendre lui-même les décisions les concernant, en autant qu'il le fasse en faisant ce qu'il croit que la patron aurait choisi de faire ou ce qui est le mieux pour l'entreprise.
Mais dans tout autre contexte, tout devrait être fait avec la plus grande transparence. J'irais presque jusqu'à dire, que toute réunion impliquant un ou plusieurs représentants de l'État devrait être filmée et mise en ligne sur le site du gouvernement. Que les rencontres entre chefs d'État aient lieu à l'abri des regards, comme s'ils conspiraient contre leurs peuples, m'apparaît aberrant.
Des réflexions personnelles sur des sujets de société, le scepticisme et l'éthique.
vendredi 18 mai 2012
L'humain est omnivore
Voici un autre argument que j'entends parfois contre mon végétarisme:
C'est tout. Un sujet, un verbe et un complément d'objet direct. Point.
Il y a plusieurs façons d'interpréter cette phrase. Devrait-on lire «Tous les humains sont omnivores?» J'en doute puisque celui qui l'a émise sait qu'il existe des humains végétariens. À moins que cela veuille dire qu'en devenant végétarien on perd notre statut d'humain et que c'est justement pour cela que l'on doit continuer de manger de la viande? En fait, je vois plusieurs sources d'ambiguïté dans cette phrase. Elle a beau être courte, chaque mot qui la compose est en lui-même problématique.
L'usage du verbe être m'agace sans aucun doute, comme si «être omnivore» était un état ou un attribut intrinsèque et que, donc, l'on ne pouvait s'en détourner sans commettre un acte contre-nature. Évidemment c'est absurde, le fait de manger ou non de la viande n'est pas, en soi, un attribut de l'être qui s'adonne ou non à cette activité. Je déteste l'expression «être végétarien» à cause de ce genre de dérive. Le végétarisme ou l'omnivorie n'est pas quelque chose que nous sommes, c'est quelque chose que l'on fait.
Mais ce n'est pas là ce qu'il y a de plus problématique dans cette phrase. Ce que je réprouve c'est d'utiliser le singulier («l'humain») pour parler d'un nombre pluriel d'individus. C'est un procédé qui ne sert qu'à homogénéiser un groupe diversifié. Si l'on ramène le groupe à un seul individu, puisque cette individu ne peut être à la fois plusieurs choses mutuellement exclusives, il ne sera que ce qu'est la majorité des individus qui le composent. Ainsi, puisque les omnivores sont démographiquement supérieurs aux végétariens, l'humain est omnivore. De la même façon, puisque les croyants sont plus nombreux que les athées, «l'humain a besoin de croire en quelque chose» (expression qui me dégoûte… j'y reviendrai). Donc ceux qui sont minoritaires, lorsqu'ils entendent une telle expression, doivent se sentir un peu «moins humains» que ceux qui sortent du même moule que ce fictif individu-type. Pour moi, comme je l'ai déjà mentionné dans cette autre réflexion, un tel usage du singulier est fallacieux.
Voici une autre version, beaucoup mieux formulée, de l'argument intitulant cette réflexion:
Comme je le disais dans une autre réflexion, la nature n'a pas de but. Nous ne sommes pas «conçus» par un créateur dans le but de remplir une fonction ou d'accomplir une tâche spécifique. Oui, nous sommes anatomiquement équipés de tout ce qu'il faut pour mastiquer et digérer la viande, mais cela ne veut pas dire que l'on doit le faire. C'est un pouvoir, pas un devoir. Pour faire un argument par l'absurde, je dirais que j'ai également le pouvoir de tuer mon voisin pour lui voler sa télé. En effet, mes mains semblent avoir été conçues spécialement pour l'étrangler. Serait-ce donc nécessaire que je le fasse? M'y soustraire serait-il un choix contre-nature?
Notre corps nous confère de nombreux pouvoirs et a de nombreux besoins. L'évolution l'a enclin à acquérir des pouvoirs pour combler ses besoins. Ainsi, respirer de l'air est à la fois une capacité et une nécessité pour moi. Mais tout ce dont nous sommes capables ne nous est pas également nécessaire. Observer nos corps, en induire une finalité, puis nous imposer de suivre cette finalité, c'est totalement ridicule surtout quand on sait que nous sommes le fruit de l'évolution. Le raisonnement logique serait plutôt d'observer nos corps, de répertorier leurs besoins, puis de faire ce qu'il faut pour combler ces besoins. À partir de là peut commencer notre raisonnement éthique, en mettant en compétition nos besoins avec ceux de nos proies potentielles. C'est ce raisonnement qui, dans mon cas, m'a mené au végétarisme.
––
* Notez que, dans ce contexte, le terme «omnivore» signifie «non-végétarien». Mais, pour moi, le végétarisme est en fait une forme d'omnivorie puisqu'il ne s'agit pas d'une alimentation spécialisée. Contrairement au carnivore, à l'herbivore, au granivore ou au frugivore, l'omnivore mange une large diversité d'aliments, sans forcément qu'il ne mange absolument toutes les substances comestibles auxquelles il a accès, donc il pourrait exclure la viande. Même les gens qui ne sont pas végétariens ne mangent généralement pas de mouche, de chat ou d'humain.
«L'humain est omnivore*.»
C'est tout. Un sujet, un verbe et un complément d'objet direct. Point.
Il y a plusieurs façons d'interpréter cette phrase. Devrait-on lire «Tous les humains sont omnivores?» J'en doute puisque celui qui l'a émise sait qu'il existe des humains végétariens. À moins que cela veuille dire qu'en devenant végétarien on perd notre statut d'humain et que c'est justement pour cela que l'on doit continuer de manger de la viande? En fait, je vois plusieurs sources d'ambiguïté dans cette phrase. Elle a beau être courte, chaque mot qui la compose est en lui-même problématique.
L'usage du verbe être m'agace sans aucun doute, comme si «être omnivore» était un état ou un attribut intrinsèque et que, donc, l'on ne pouvait s'en détourner sans commettre un acte contre-nature. Évidemment c'est absurde, le fait de manger ou non de la viande n'est pas, en soi, un attribut de l'être qui s'adonne ou non à cette activité. Je déteste l'expression «être végétarien» à cause de ce genre de dérive. Le végétarisme ou l'omnivorie n'est pas quelque chose que nous sommes, c'est quelque chose que l'on fait.
Mais ce n'est pas là ce qu'il y a de plus problématique dans cette phrase. Ce que je réprouve c'est d'utiliser le singulier («l'humain») pour parler d'un nombre pluriel d'individus. C'est un procédé qui ne sert qu'à homogénéiser un groupe diversifié. Si l'on ramène le groupe à un seul individu, puisque cette individu ne peut être à la fois plusieurs choses mutuellement exclusives, il ne sera que ce qu'est la majorité des individus qui le composent. Ainsi, puisque les omnivores sont démographiquement supérieurs aux végétariens, l'humain est omnivore. De la même façon, puisque les croyants sont plus nombreux que les athées, «l'humain a besoin de croire en quelque chose» (expression qui me dégoûte… j'y reviendrai). Donc ceux qui sont minoritaires, lorsqu'ils entendent une telle expression, doivent se sentir un peu «moins humains» que ceux qui sortent du même moule que ce fictif individu-type. Pour moi, comme je l'ai déjà mentionné dans cette autre réflexion, un tel usage du singulier est fallacieux.
Voici une autre version, beaucoup mieux formulée, de l'argument intitulant cette réflexion:
«Nous sommes faits pour manger de la viande.»
Comme je le disais dans une autre réflexion, la nature n'a pas de but. Nous ne sommes pas «conçus» par un créateur dans le but de remplir une fonction ou d'accomplir une tâche spécifique. Oui, nous sommes anatomiquement équipés de tout ce qu'il faut pour mastiquer et digérer la viande, mais cela ne veut pas dire que l'on doit le faire. C'est un pouvoir, pas un devoir. Pour faire un argument par l'absurde, je dirais que j'ai également le pouvoir de tuer mon voisin pour lui voler sa télé. En effet, mes mains semblent avoir été conçues spécialement pour l'étrangler. Serait-ce donc nécessaire que je le fasse? M'y soustraire serait-il un choix contre-nature?
Notre corps nous confère de nombreux pouvoirs et a de nombreux besoins. L'évolution l'a enclin à acquérir des pouvoirs pour combler ses besoins. Ainsi, respirer de l'air est à la fois une capacité et une nécessité pour moi. Mais tout ce dont nous sommes capables ne nous est pas également nécessaire. Observer nos corps, en induire une finalité, puis nous imposer de suivre cette finalité, c'est totalement ridicule surtout quand on sait que nous sommes le fruit de l'évolution. Le raisonnement logique serait plutôt d'observer nos corps, de répertorier leurs besoins, puis de faire ce qu'il faut pour combler ces besoins. À partir de là peut commencer notre raisonnement éthique, en mettant en compétition nos besoins avec ceux de nos proies potentielles. C'est ce raisonnement qui, dans mon cas, m'a mené au végétarisme.
––
* Notez que, dans ce contexte, le terme «omnivore» signifie «non-végétarien». Mais, pour moi, le végétarisme est en fait une forme d'omnivorie puisqu'il ne s'agit pas d'une alimentation spécialisée. Contrairement au carnivore, à l'herbivore, au granivore ou au frugivore, l'omnivore mange une large diversité d'aliments, sans forcément qu'il ne mange absolument toutes les substances comestibles auxquelles il a accès, donc il pourrait exclure la viande. Même les gens qui ne sont pas végétariens ne mangent généralement pas de mouche, de chat ou d'humain.
dimanche 13 mai 2012
La polygamie
Beaucoup de cultures sont polygames, le plus souvent polygynes (un homme marié à plusieurs femmes). Pourtant, dans la plupart des États d'Occident, ce type d'union est illégal. Les pays occidentaux se sont donc heurtés à un choc culturel lorsqu'ils ont commencé à recevoir de l'immigration en provenance de pays où la polygamie est normale.
Personnellement, je n'ai rien contre la polygamie en tant que telle, dans la mesure où il s'agit d'adultes consentants. Tant qu'une pratique ne nuit à personne, il n'y a pas de raison qui justifierait sa prohibition. Si, par exemple, trois personnes étaient amoureuses les unes des autres, je ne verrais rien de mal à ce qu'elles vivent comme un couple mais à trois. Ce qui ne fait pas de mal n'est pas mal.
Les gens sont souvent choqués lorsque je dévoile mon opinion sur ce type d'union. Évidemment, je suis contre certaines choses que l'on retrouve souvent accompagnant la polygamie: la maltraitance des femmes, le mariage forcé, etc. Mais ces autres traits culturels ne me semblent pas indissociables de la polygamie ni forcément liés à celle-ci. L'Occident, il n'y a pas si longtemps, était très certainement sexistes envers les femmes bien qu'elle fusse on ne peut plus monogame. Les unités polygames de nos jours ne sont sexistes que parce qu'elles sont composées de gens très traditionalistes et que presque toutes les traditions sont sexistes. Mon avis est que si la polygamie était légalisée et acceptée, les unités polygames pourraient devenir éventuellement des entités tout aussi respectueuses des droits de chacun que le sont nos couples.
Par ailleurs, on prend pour acquis que la polygamie est toujours la conséquence d'un conservatisme étranger, alors que ce pourrait être une forme de progressisme local; une libéralité conjugale supérieure à celle à laquelle nous sommes habituée plutôt qu'une tradition sexiste. Par exemple, les couples sont souvent plus fragiles de nos jours et, pour cette raison, certains ont choisi d'être dans des couples moins engagés et plus «ouverts» (c'est-à-dire, tolérant les relations extraconjugales), ce qui ne les a malheureusement pas toujours prémunis contre la jalousie et la rupture lorsque l'un des deux abusait trop de ce privilège. Conséquemment, peut-être que la prochaine étape sera de tolérer les relations extraconjugales mais seulement avec certaines personnes spécifiques et, qu'éventuellement, ces amant(e)s toléré(e)s deviendront des conjoint(e)s secondaires.
Pour ce qui est du droit au mariage polygame, j'irais plutôt dans la direction inverse. Tant qu'à moi, on devrait remplacer les mariages (du point de vue légal) par des genres de contrats de cohabitation entre deux ou plusieurs adultes. Ce contrat ne servirait qu'à souligner que ces deux personnes (ou plus) collaborent et forment un foyer, leur assurant une protection dans l'éventualité où leur union serait dissoute. Il ne serait plus pertinent de nous demander la nature de leur rapport (amour, amitié, apparentement), cette union n'aurait qu'une fonction fiscale.
Si on me demande si je pense qu'une unité polygame devrait avoir le droit d'élever des enfants, je ne puis qu'y être positif. Ayant une formation en anthropologie, j'ai été accoutumé à l'idée que plusieurs cultures élèvent leurs enfants dans des familles de ce genre, et je ne vois rien de mal qui pourrait en surgir. Avant d'interdire aux polygames d'être parents, il faudrait démontrer hors de tout doute raisonnable que cela pourrait avoir des conséquences néfastes pour l'enfant. Le fardeau de la preuve me semble revenir à ceux qui seraient contre puisque, à moins que je ne me trompe, tout ce que l'on reproche à cette situation serait d'être différente de ce à quoi notre culture est habituée. Le fait d'être élevé par un homme et ses deux femmes n'a rien de si terrible. Ça ne peut pas être pire que le fait d'être élevé une fin de semaine sur deux par son père et sa blonde, l'autre fin de semaine par sa mère et son chum, et la semaine par des professeurs et des gardiennes.
Personnellement, je n'ai rien contre la polygamie en tant que telle, dans la mesure où il s'agit d'adultes consentants. Tant qu'une pratique ne nuit à personne, il n'y a pas de raison qui justifierait sa prohibition. Si, par exemple, trois personnes étaient amoureuses les unes des autres, je ne verrais rien de mal à ce qu'elles vivent comme un couple mais à trois. Ce qui ne fait pas de mal n'est pas mal.
Les gens sont souvent choqués lorsque je dévoile mon opinion sur ce type d'union. Évidemment, je suis contre certaines choses que l'on retrouve souvent accompagnant la polygamie: la maltraitance des femmes, le mariage forcé, etc. Mais ces autres traits culturels ne me semblent pas indissociables de la polygamie ni forcément liés à celle-ci. L'Occident, il n'y a pas si longtemps, était très certainement sexistes envers les femmes bien qu'elle fusse on ne peut plus monogame. Les unités polygames de nos jours ne sont sexistes que parce qu'elles sont composées de gens très traditionalistes et que presque toutes les traditions sont sexistes. Mon avis est que si la polygamie était légalisée et acceptée, les unités polygames pourraient devenir éventuellement des entités tout aussi respectueuses des droits de chacun que le sont nos couples.
Par ailleurs, on prend pour acquis que la polygamie est toujours la conséquence d'un conservatisme étranger, alors que ce pourrait être une forme de progressisme local; une libéralité conjugale supérieure à celle à laquelle nous sommes habituée plutôt qu'une tradition sexiste. Par exemple, les couples sont souvent plus fragiles de nos jours et, pour cette raison, certains ont choisi d'être dans des couples moins engagés et plus «ouverts» (c'est-à-dire, tolérant les relations extraconjugales), ce qui ne les a malheureusement pas toujours prémunis contre la jalousie et la rupture lorsque l'un des deux abusait trop de ce privilège. Conséquemment, peut-être que la prochaine étape sera de tolérer les relations extraconjugales mais seulement avec certaines personnes spécifiques et, qu'éventuellement, ces amant(e)s toléré(e)s deviendront des conjoint(e)s secondaires.
Pour ce qui est du droit au mariage polygame, j'irais plutôt dans la direction inverse. Tant qu'à moi, on devrait remplacer les mariages (du point de vue légal) par des genres de contrats de cohabitation entre deux ou plusieurs adultes. Ce contrat ne servirait qu'à souligner que ces deux personnes (ou plus) collaborent et forment un foyer, leur assurant une protection dans l'éventualité où leur union serait dissoute. Il ne serait plus pertinent de nous demander la nature de leur rapport (amour, amitié, apparentement), cette union n'aurait qu'une fonction fiscale.
Si on me demande si je pense qu'une unité polygame devrait avoir le droit d'élever des enfants, je ne puis qu'y être positif. Ayant une formation en anthropologie, j'ai été accoutumé à l'idée que plusieurs cultures élèvent leurs enfants dans des familles de ce genre, et je ne vois rien de mal qui pourrait en surgir. Avant d'interdire aux polygames d'être parents, il faudrait démontrer hors de tout doute raisonnable que cela pourrait avoir des conséquences néfastes pour l'enfant. Le fardeau de la preuve me semble revenir à ceux qui seraient contre puisque, à moins que je ne me trompe, tout ce que l'on reproche à cette situation serait d'être différente de ce à quoi notre culture est habituée. Le fait d'être élevé par un homme et ses deux femmes n'a rien de si terrible. Ça ne peut pas être pire que le fait d'être élevé une fin de semaine sur deux par son père et sa blonde, l'autre fin de semaine par sa mère et son chum, et la semaine par des professeurs et des gardiennes.
Politique linguistique
Au Québec, nous avons la loi 101 qui protège les droits des francophones d'avoir accès à des services dans leur langue. L'existence de cette loi vient du fait que le Québec (une société majoritairement francophone) fait partie du Canada (un État majoritairement anglophone). Les détracteurs de cette loi soutiennent généralement qu'elle est une entrave à la liberté de chacun d'utiliser la langue de son choix, et certains vont même jusqu'à affirmer que l'État ne devrait avoir aucune langue officielle.
J'ai déjà mentionné à plusieurs reprises mon opinion sur l'intervention de l'État dans la sphère culturelle. Pour moi, le gouvernement devrait adopter la même politique qu'il a avec la religion envers tous les autres éléments culturels: les laisser à la discrétion des citoyens, leur permettant de faire ce qu'ils veulent à ce niveau, dans la mesure où cela ne les pousse pas à porter préjudice à la liberté d'autrui. Donc, qu'est-ce que je pense de la politique linguistique du Québec? Est-ce réellement une loi liberticide ou est-ce au contraire nécessaire ou inévitable?
Dans les faits, tout État doit avoir une langue, qu'il lui donne ou non le qualificatif d'«officielle». Par exemple, il y a une langue dans laquelle sont écrites les lois, dans laquelle ont lieu les assemblées d'élus, dans laquelle le chef d'État fait ses discours, dans laquelle les services publiques sont offerts, etc. Conséquemment, lorsqu'un État n'a pas besoin de se doter d'une langue officielle et de définir explicitement sa politique linguistique, c'est tout simplement lorsqu'il est composé d'une écrasante majorité de locuteurs d'une même langue. Tout État multilingue va forcément avoir une politique linguistique.
Soit. Mais quelle genre de politique linguistique serait compatible avec l'idée de laisser aux citoyens un maximum de liberté dans leur choix de traits culturels? Moi je vois deux libertés linguistiques distinctes qui sont ici impliquées:
La politique linguistique doit trouver un compromis entre ce deuxième droit et la réalité, tout en évitant d'empiéter trop sur le premier droit. Ce n'est qu'au nom de ce droit que l'on peut se doter légitimement d'une langue commune qui sera celle que l'on pourra présumer que tout le monde maîtrise. Toutefois, pour moi la langue commune doit demeurer avant tout un droit pour le citoyen, donc n'être un devoir que lorsque nécessaire pour protéger ce droit. Les différentes mesures prises par la loi devraient donc tourner autour des deux objectifs suivants:
Voilà comment je vois ça. Ce qui me semble pertinent, comme intervention étatique, est de faire en sorte que tous les citoyens aient accès à une même langue et puissent ainsi participer également à la société. Ce n'est donc pas une langue «maternelle» officielle. La langue parlée à la maison, pour moi, c'est quelque chose d'aussi personnelle que la religion ou l'orientation sexuelle. Ça n'a pas à être règlementé. Ainsi, peu importe la langue qu'une personne parle lorsqu'elle est chez elle, et peu importe la langue dans laquelle elle a été élevée ou dans laquelle elle choisit d'élever ses enfants, ce que l'on vise c'est qu'elle puisse avoir notre langue commune au moins comme langue seconde. Mais encore là, si elle choisit malgré tout de ne pas parler français, c'est son droit et elle ne fait de mal à personne tant qu'elle ne bafoue par le droit au français d'autrui (par exemple, si elle travaille au service à la clientèle, elle se doit de servir ses clients en français). Par contre, qu'elle ne chiale pas si elle n'arrive pas à se faire servir en anglais.
Un changement que j'aimerais toutefois voir dans notre politique linguistique serait que notre langue officielle y soit nommée le français québécois. Je trouve pertinent et nécessaire de mettre l'adjectif «québécois» dans le nom de notre langue juste pour souligner que c'est une académie locale (l'Office de la langue française du Québec) qui devrait avoir pour fonction de normatiser la langue, et qu'elle devrait accomplir cette tâche en se basant sur le parler local et non celui de Paris. On deviendrait donc plus souverain linguistiquement sans dépendre d'une culture étrangère. Néanmoins, je trouve aussi nécessaire que notre langue se nomme «le français québécois» (et pas seulement «le québécois»), afin d'exprimer qu'elle est actuellement suffisamment semblable aux autres dialectes de la francophonie pour qu'elle soit mutuellement compréhensible avec eux, donc que quelqu'un ayant appris le français ailleurs peut nous comprendre. Mais cela ne devrait aucunement nous «enchaîner» à ses autres dialectes francophones, l'académie devrait s'autoriser à faire évoluer ses normes pour suivre les transformations de la langue locale.
Autre amendement que j'apporterais à notre politique linguistique, serait par rapport aux autres langues. Je propose qu'en plus d'avoir une langue commune officielle, nous nous reconnaissions des langues minoritaires officielles qui bénéficieraient, elles aussi, de certains droits pour ses locuteurs. Cela se ferait au nom du même principe qui nous a fait élire le français comme langue commune du Québec: dans certaines régions ou communautés, il est moins évident que le français soit une langue que tout le monde maîtrise. J'inclurais dans cette nouvelle catégorie: l'anglais, les langues autochtones et peut-être aussi quelques langues de communautés culturelles populeuses. Voici les droits que je leur reconnaîtrais:
J'aimerais que l'on essaye davantage d'inclure les minorités linguistiques dans notre identité collective. Je pense que l'on va plus «accepter» le fait que les Québécois n'ont pas tous le français comme langue maternelle, si on le définit plus explicitement comme une langue commune (donc que doivent apprendre tous les Québécois) et que l'on donne le qualificatif d'«officielle» à des langues minoritaires (donc que peuvent avoir certains Québécois comme langue maternelle). On va plus respecter l'existence de plusieurs communautés linguistiques au Québec. Les anglophones et les autochtones ne seront plus considérés comme «moins Québécois» que les francophones, en autant qu'ils aient eux-mêmes une certaines maîtrise du français comme langue seconde.
Et pour aller plus loin dans cette idée, je pense que l'on devrait faire comme la Suisse et nous efforcer de traduire les produits culturels d'une langue à l'autre afin d'accentuer une sorte de sentiment d'unité culturelle transcendant la barrière des langues. On pourrait même faire exprès quelque fois de «traduire mal» (mettre des expressions calquées ou laisser les sacres en français) afin que, par exemple, l'anglais québécois devienne un dialecte distinct comportant beaucoup d'influences du français québécois (qui lui-même est distinct du français normatif). En plus, le fait de traduire les œuvres québécoises en anglais pour et par les Anglo-Québécois, leur permettra aussi d'accéder au marché anglophone hors Québec. Les Anglo-Québécois deviendraient donc un «pont culturel» entre le Québec et le reste de l'Amérique du Nord.
Mais une telle politique linguistique plus ouverte et favorable aux autres langues ne me semble réalisable que dans un Québec souverain. Tant que l'on demeure dans le Canada, il importe que l'on soit plus «agressif» envers l'anglais. On ne peut correctement défendre nos minorités linguistiques contre une assimilation par notre langue, lorsque notre langue elle-même est une minorité linguistique qui se défend contre une assimilation par le Canada anglais. À moins que le Canada lui-même n'adopte cette même politique linguistique, tout en donnant aux provinces la juridiction pour tout ce qui est en-dessous d'elles. Donc, tout ce qui relève directement du fédéral serait tenu d'être bilingue français-anglais, ce qui relève du provincial ou d'un pallier inférieur -- donc le municipal, les arrondissements, mais aussi les commerces, l'affichage, l'éducation, les services publics ou privés en général -- n'aurait qu'à se soucier de la ou des langue(s) officielle(s) de sa province mais serait libre de se gréer d'une seconde langue co-officielle au besoin, à condition d'investir aussi dans l'enseignement de cette dite langue.
J'ai déjà mentionné à plusieurs reprises mon opinion sur l'intervention de l'État dans la sphère culturelle. Pour moi, le gouvernement devrait adopter la même politique qu'il a avec la religion envers tous les autres éléments culturels: les laisser à la discrétion des citoyens, leur permettant de faire ce qu'ils veulent à ce niveau, dans la mesure où cela ne les pousse pas à porter préjudice à la liberté d'autrui. Donc, qu'est-ce que je pense de la politique linguistique du Québec? Est-ce réellement une loi liberticide ou est-ce au contraire nécessaire ou inévitable?
Dans les faits, tout État doit avoir une langue, qu'il lui donne ou non le qualificatif d'«officielle». Par exemple, il y a une langue dans laquelle sont écrites les lois, dans laquelle ont lieu les assemblées d'élus, dans laquelle le chef d'État fait ses discours, dans laquelle les services publiques sont offerts, etc. Conséquemment, lorsqu'un État n'a pas besoin de se doter d'une langue officielle et de définir explicitement sa politique linguistique, c'est tout simplement lorsqu'il est composé d'une écrasante majorité de locuteurs d'une même langue. Tout État multilingue va forcément avoir une politique linguistique.
Soit. Mais quelle genre de politique linguistique serait compatible avec l'idée de laisser aux citoyens un maximum de liberté dans leur choix de traits culturels? Moi je vois deux libertés linguistiques distinctes qui sont ici impliquées:
- Le droit de parler la langue que l'on préfère (chez soi, avec des amis, ou avec quiconque la maîtrise) et d'enseigner cette langue à nos enfants;
- Le droit d'avoir accès à tous les services dans une langue que l'on maîtrise (pas nécessairement celle qu'on préfère).
La politique linguistique doit trouver un compromis entre ce deuxième droit et la réalité, tout en évitant d'empiéter trop sur le premier droit. Ce n'est qu'au nom de ce droit que l'on peut se doter légitimement d'une langue commune qui sera celle que l'on pourra présumer que tout le monde maîtrise. Toutefois, pour moi la langue commune doit demeurer avant tout un droit pour le citoyen, donc n'être un devoir que lorsque nécessaire pour protéger ce droit. Les différentes mesures prises par la loi devraient donc tourner autour des deux objectifs suivants:
- Maîtriser la langue officielle devrait nous permettre d'accéder à tous les services (travailler dans cette langue, se faire servir dans cette langue, étudier dans cette langue, lire l'affichage dans cette langue, etc.);
- La langue officielle devrait être enseignée gratuitement à tous les citoyens (dans les écoles primaires et secondaires – comme langue maternelle ou seconde – et dans des cours d'immersion pour les nouveaux arrivants) de façon à ce que chacun en ait une bonne maîtrise;
Voilà comment je vois ça. Ce qui me semble pertinent, comme intervention étatique, est de faire en sorte que tous les citoyens aient accès à une même langue et puissent ainsi participer également à la société. Ce n'est donc pas une langue «maternelle» officielle. La langue parlée à la maison, pour moi, c'est quelque chose d'aussi personnelle que la religion ou l'orientation sexuelle. Ça n'a pas à être règlementé. Ainsi, peu importe la langue qu'une personne parle lorsqu'elle est chez elle, et peu importe la langue dans laquelle elle a été élevée ou dans laquelle elle choisit d'élever ses enfants, ce que l'on vise c'est qu'elle puisse avoir notre langue commune au moins comme langue seconde. Mais encore là, si elle choisit malgré tout de ne pas parler français, c'est son droit et elle ne fait de mal à personne tant qu'elle ne bafoue par le droit au français d'autrui (par exemple, si elle travaille au service à la clientèle, elle se doit de servir ses clients en français). Par contre, qu'elle ne chiale pas si elle n'arrive pas à se faire servir en anglais.
Un changement que j'aimerais toutefois voir dans notre politique linguistique serait que notre langue officielle y soit nommée le français québécois. Je trouve pertinent et nécessaire de mettre l'adjectif «québécois» dans le nom de notre langue juste pour souligner que c'est une académie locale (l'Office de la langue française du Québec) qui devrait avoir pour fonction de normatiser la langue, et qu'elle devrait accomplir cette tâche en se basant sur le parler local et non celui de Paris. On deviendrait donc plus souverain linguistiquement sans dépendre d'une culture étrangère. Néanmoins, je trouve aussi nécessaire que notre langue se nomme «le français québécois» (et pas seulement «le québécois»), afin d'exprimer qu'elle est actuellement suffisamment semblable aux autres dialectes de la francophonie pour qu'elle soit mutuellement compréhensible avec eux, donc que quelqu'un ayant appris le français ailleurs peut nous comprendre. Mais cela ne devrait aucunement nous «enchaîner» à ses autres dialectes francophones, l'académie devrait s'autoriser à faire évoluer ses normes pour suivre les transformations de la langue locale.
Autre amendement que j'apporterais à notre politique linguistique, serait par rapport aux autres langues. Je propose qu'en plus d'avoir une langue commune officielle, nous nous reconnaissions des langues minoritaires officielles qui bénéficieraient, elles aussi, de certains droits pour ses locuteurs. Cela se ferait au nom du même principe qui nous a fait élire le français comme langue commune du Québec: dans certaines régions ou communautés, il est moins évident que le français soit une langue que tout le monde maîtrise. J'inclurais dans cette nouvelle catégorie: l'anglais, les langues autochtones et peut-être aussi quelques langues de communautés culturelles populeuses. Voici les droits que je leur reconnaîtrais:
- Présence d'écoles primaires destinées aux locuteurs de ces langues ne maîtrisant pas suffisamment notre langue commune (parfois les cours sont dans cette langue, parfois ils sont fait pour les gens de ces langues mais le programme est en fait en français, mais dans les deux cas les enfants sont tenus d'y apprendre le français puis de faire leur secondaire dans les mêmes écoles que les francophones),
- Les cours d'histoires dans ces écoles comportent un module qui met l'emphase sur l'histoire de cette communauté linguistique du Québec (son histoire au Québec, et non l'histoire détaillée de son pays d'origine),
- Dans une subdivision territoriale de l'État (région, ville, quartier) où cette langue est majoritaire, elle peut y être la langue co-officielle (avec le français) et, donc, les services (affichage, service à la clientèle, etc.) doivent y être bilingues.
- Si c'est une langue en danger d'extinction, on prend des mesures pour la revitaliser.
J'aimerais que l'on essaye davantage d'inclure les minorités linguistiques dans notre identité collective. Je pense que l'on va plus «accepter» le fait que les Québécois n'ont pas tous le français comme langue maternelle, si on le définit plus explicitement comme une langue commune (donc que doivent apprendre tous les Québécois) et que l'on donne le qualificatif d'«officielle» à des langues minoritaires (donc que peuvent avoir certains Québécois comme langue maternelle). On va plus respecter l'existence de plusieurs communautés linguistiques au Québec. Les anglophones et les autochtones ne seront plus considérés comme «moins Québécois» que les francophones, en autant qu'ils aient eux-mêmes une certaines maîtrise du français comme langue seconde.
Et pour aller plus loin dans cette idée, je pense que l'on devrait faire comme la Suisse et nous efforcer de traduire les produits culturels d'une langue à l'autre afin d'accentuer une sorte de sentiment d'unité culturelle transcendant la barrière des langues. On pourrait même faire exprès quelque fois de «traduire mal» (mettre des expressions calquées ou laisser les sacres en français) afin que, par exemple, l'anglais québécois devienne un dialecte distinct comportant beaucoup d'influences du français québécois (qui lui-même est distinct du français normatif). En plus, le fait de traduire les œuvres québécoises en anglais pour et par les Anglo-Québécois, leur permettra aussi d'accéder au marché anglophone hors Québec. Les Anglo-Québécois deviendraient donc un «pont culturel» entre le Québec et le reste de l'Amérique du Nord.
Mais une telle politique linguistique plus ouverte et favorable aux autres langues ne me semble réalisable que dans un Québec souverain. Tant que l'on demeure dans le Canada, il importe que l'on soit plus «agressif» envers l'anglais. On ne peut correctement défendre nos minorités linguistiques contre une assimilation par notre langue, lorsque notre langue elle-même est une minorité linguistique qui se défend contre une assimilation par le Canada anglais. À moins que le Canada lui-même n'adopte cette même politique linguistique, tout en donnant aux provinces la juridiction pour tout ce qui est en-dessous d'elles. Donc, tout ce qui relève directement du fédéral serait tenu d'être bilingue français-anglais, ce qui relève du provincial ou d'un pallier inférieur -- donc le municipal, les arrondissements, mais aussi les commerces, l'affichage, l'éducation, les services publics ou privés en général -- n'aurait qu'à se soucier de la ou des langue(s) officielle(s) de sa province mais serait libre de se gréer d'une seconde langue co-officielle au besoin, à condition d'investir aussi dans l'enseignement de cette dite langue.
jeudi 10 mai 2012
De l'absurdité du suicide
Mise en situation:
Comment agir dans cette situation? Puisque vous ne pourrez plus revenir dans la pièce une fois sorti, puisque vous serez forcé d'en sortir un jour ou l'autre, et puisque la pire chose pouvant arriver lorsque vous ouvrez une boîte est d'être expulsé de la pièce, alors vous conviendrez avec moi que la chose la plus logique à faire est de rester dans cette pièce aussi longtemps que possible en ouvrant autant de boîtes que possible.
En fait, je fais ici une métaphore pour décrire la vie. Les boîtes représentent toutes les expériences que nous pouvons vivre. Il y en a des agréables, des douloureuses et d'autres qui peuvent nous tuer, mais sommes tous voués à la mort en bout de ligne. C'est une des raisons pour lesquelles je ne me suiciderai jamais; à moins d'être en phase terminale d'une maladie douloureuse. Quels que soient les malheurs qui puissent me frapper, je me dis que puisque je vais mourir un jour ou l'autre de toute façon, il serait absurde de devancer cette échéance alors qu'il reste encore des expériences positives que je pourrais vivre d'ici là.
Que l'on croit ou non à une vie après la mort, même s'il y en avait une (ce dont je doute) et qu'elle serait mieux que celle-ci, il vaudrait quand même la peine de profiter à fond de notre vie présente avant de passer à une vie future. Autrement on gaspille du bonheur potentiel. À moins de croire que dans notre vie future on reçoit une récompense proportionnelle à la souffrance dans notre vie présente, il n'y a pas de raison que de ne pas profiter de cette dernière, dans la mesure où on le fait en respectant les besoins d'autrui.
Si jamais il m'arrivait une situation m'enlevant le goût de vivre, par exemple si je perdais tout ceux qui me sont chers, il serait quand même insensé de passer au suicide. Dans le pire des cas, je me mettrais simplement à vivre de façon exagérément hédoniste, en ignorant les conséquences sur ma santé, quitte à compromettre jusqu'à ma survie, mais sans jamais me suicider directement. J'optimiserais mon bonheur.
Mais bon. Ici je parle comme si le suicide était une décision rationnelle. Celui qui connaît cette fin a souvent l'esprit altéré par la dépression. Ce n'est pas un vrai choix lucide.
Vous êtes dans une très grande pièce remplie de boîtes. Disons, un entrepôt. Vous ne savez pas ce qu'il y a dans les boîtes ni ce qu'il y a en-dehors de la pièce. Vous pouvez ouvrir toutes les boîtes que vous voulez; certaines contiennent des choses agréables, d'autres des choses désagréables, et certaines plus rares vous ferons expulser de la pièce si jamais vous les ouvrez. Vous pouvez quitter la pièce par vous-mêmes à tout moment si vous le désirez mais, une fois sorti, vous n'aurez plus le droit d'y revenir par la suite. On vous a également avisé qu'après un certain temps vous serez expulsé de la pièce, mais vous n'avez absolument aucune idée de la quantité de temps qu'il vous reste.
Comment agir dans cette situation? Puisque vous ne pourrez plus revenir dans la pièce une fois sorti, puisque vous serez forcé d'en sortir un jour ou l'autre, et puisque la pire chose pouvant arriver lorsque vous ouvrez une boîte est d'être expulsé de la pièce, alors vous conviendrez avec moi que la chose la plus logique à faire est de rester dans cette pièce aussi longtemps que possible en ouvrant autant de boîtes que possible.
En fait, je fais ici une métaphore pour décrire la vie. Les boîtes représentent toutes les expériences que nous pouvons vivre. Il y en a des agréables, des douloureuses et d'autres qui peuvent nous tuer, mais sommes tous voués à la mort en bout de ligne. C'est une des raisons pour lesquelles je ne me suiciderai jamais; à moins d'être en phase terminale d'une maladie douloureuse. Quels que soient les malheurs qui puissent me frapper, je me dis que puisque je vais mourir un jour ou l'autre de toute façon, il serait absurde de devancer cette échéance alors qu'il reste encore des expériences positives que je pourrais vivre d'ici là.
Que l'on croit ou non à une vie après la mort, même s'il y en avait une (ce dont je doute) et qu'elle serait mieux que celle-ci, il vaudrait quand même la peine de profiter à fond de notre vie présente avant de passer à une vie future. Autrement on gaspille du bonheur potentiel. À moins de croire que dans notre vie future on reçoit une récompense proportionnelle à la souffrance dans notre vie présente, il n'y a pas de raison que de ne pas profiter de cette dernière, dans la mesure où on le fait en respectant les besoins d'autrui.
Si jamais il m'arrivait une situation m'enlevant le goût de vivre, par exemple si je perdais tout ceux qui me sont chers, il serait quand même insensé de passer au suicide. Dans le pire des cas, je me mettrais simplement à vivre de façon exagérément hédoniste, en ignorant les conséquences sur ma santé, quitte à compromettre jusqu'à ma survie, mais sans jamais me suicider directement. J'optimiserais mon bonheur.
Mais bon. Ici je parle comme si le suicide était une décision rationnelle. Celui qui connaît cette fin a souvent l'esprit altéré par la dépression. Ce n'est pas un vrai choix lucide.
dimanche 15 avril 2012
Les pseudomédecines
J'appelle «pseudomédecines» l'ensemble des médecines pseudoscientifiques qu'on appelle souvent médecines alternatives. Elles s'opposent donc à la médecine scientifique (celle qu'on pratique dans les hôpitaux) et aux médecines douces*. Il existe de nos jours une grande variété de pseudomédecines qui pullulent autour de nous. Certaines singent la médecine scientifique (c'est le cas de l'homéopathie, par exemple, qui prescrit des pilules qui ne sont généralement composés que de sucre et d'eau) tandis que d'autres prennent l'aspect de rites magico-religieux et sont souvent inspirés d'une médecine ancestrale préscientifique ou du folklore nouvel-âge. Beaucoup de pseudomédecines se fondent sur la pensée magique ou sur l'idée que tous les symptômes de maladies, au lieu d'avoir des causes infectieuses, cancéreuses ou auto-immunes, sont en fait des «messages» que nous envoie «notre corps» pour nous dire de changer un aspect de notre vie émotionnelle ou sociale. Pour se promouvoir, beaucoup se doteront d'un vernis scientifique en saupoudrant leurs explications de termes de science totalement vidés de leur sens (le mot «quantique» par exemple) ou invoqueront la fibre conspirationniste de leurs patients en disant que la médecine scientifique est contrôlée par des méchantes multinationales qui ne veulent pas que l'on sache que les pseudomédecines sont vraies.
Parfois on me dit que puisqu'une pseudomédecine a un impact positif sur la santé du patient, alors il importe peu de savoir comment elle fonctionne, voire de savoir si son influence est purement psychosomatique ou non. Je ne puis qu'être en complet désaccord avec ça. Au-delà du fait que cet impact positif n'est pas vraiment mesuré (et, lorsqu'il l'est, est souvent égal à celui d'un effet placebo), je pense que l'efficacité d'une médecine ne devrait pas nous empêcher de chercher à comprendre son fonctionnement réel. Si l'acupuncteur me sort la même mythologie qu'il y a deux milles ans en me disant que son traitement rééquilibre le flux de ch'i entre les méridiens et les chakras, j'ai des raisons légitimes de douter de lui. Si, par contre, il me disait quelque chose comme que de piquer tel terminaison nerveuse permet de changer le mal de place, il serait déjà plus crédible. Lorsque l'on comprend le fonctionnement réel d'un traitement, on peut mieux l'utiliser, éviter les erreurs, éviter de le donner dans une situation où ce serait nocif, etc. Si un médecin me proposait de me faire une chirurgie à cœur ouvert, je ne me contenterais pas de vérifier la satisfaction des autres patients ayant subis ce genre de chirurgie, je vais lui demander pourquoi et comment il compte procéder. S'il me dit qu'il faut m'ouvrir le thorax pour évacuer les énergies négatives de mes émotions refoulées dans mon cœur, je vais passer mon tour. Bref, si on constate qu'un traitement d'une médecine alternative est étonnamment efficace, on devrait l'étudier de façon scientifique afin de pouvoir l'inclure éventuellement dans la vraie médecine si cette efficacité est réelle, ou de le dénoncer si son efficacité est fictive.
Est-ce correct de faire du profit sur la crédulité des gens? Certains diront que si une personne n'est pas assez sensée pour elle-même comprendre que telle pseudomédecine est fausse, alors elle ne mérite pas mieux que de se faire arnaquer ou de subir les conséquences sur sa santé de l'absence d'un traitement approprié. Ce serait une manifestation légitime de la sélection naturelle que les gens stupides meurent d'avoir préféré manger un pois sec ou une gélule d'eau plutôt que de suivre la chimio qui leur sauverait la vie. Je suis en désaccord. Dans nos sociétés, il y a moult spécialistes auxquels nous faisons confiance puisqu'il nous est impossible de tout connaître. Si un pont s'effondre et tue tout ceux qui le traversaient, nul ne dira: «C'était à eux de suivre une formation en ingénierie des ponts et d'étudier ce pont-ci sous tous ses angles avant de prendre la décision stupide de le traverser!» Nous n'avons pas à tout connaître. Pour moi, ce ne sont pas les clients des pseudomédecines qui sont négligents, ce sont ceux qui arnaquent autrui avec leur pseudomédecine qui commettent un acte contraire à l'éthique. Ils abusent du désespoir de gens qui ont parfois tout essayé ce que la science pouvait offrir. Quand à ceux qui se font les défenseurs ou les porteparoles d'une pseudomédecine et qui y croient de bonne foi, oui ceux-là sont négligents et, lorsqu'ils s'efforcent de convertir autant de gens que possible à quelque chose qu'ils ne comprennent pas vraiment, ils agissent de manière qui n'est pas éthique. C'est mon opinion.
---
* Je distingue les pseudomédecines des médecines douces. Ces dernières ont une efficacité réelle mais ne servent qu'à apaiser les symptômes et non à guérir un mal. Par exemple, prendre une pastille de miel ou d'eucalyptus contre un mal de gorge. Elles ne sont donc pas nécessairement charlatanesques, tant qu'elles s'affichent pour ce qu'elles sont.
Parfois on me dit que puisqu'une pseudomédecine a un impact positif sur la santé du patient, alors il importe peu de savoir comment elle fonctionne, voire de savoir si son influence est purement psychosomatique ou non. Je ne puis qu'être en complet désaccord avec ça. Au-delà du fait que cet impact positif n'est pas vraiment mesuré (et, lorsqu'il l'est, est souvent égal à celui d'un effet placebo), je pense que l'efficacité d'une médecine ne devrait pas nous empêcher de chercher à comprendre son fonctionnement réel. Si l'acupuncteur me sort la même mythologie qu'il y a deux milles ans en me disant que son traitement rééquilibre le flux de ch'i entre les méridiens et les chakras, j'ai des raisons légitimes de douter de lui. Si, par contre, il me disait quelque chose comme que de piquer tel terminaison nerveuse permet de changer le mal de place, il serait déjà plus crédible. Lorsque l'on comprend le fonctionnement réel d'un traitement, on peut mieux l'utiliser, éviter les erreurs, éviter de le donner dans une situation où ce serait nocif, etc. Si un médecin me proposait de me faire une chirurgie à cœur ouvert, je ne me contenterais pas de vérifier la satisfaction des autres patients ayant subis ce genre de chirurgie, je vais lui demander pourquoi et comment il compte procéder. S'il me dit qu'il faut m'ouvrir le thorax pour évacuer les énergies négatives de mes émotions refoulées dans mon cœur, je vais passer mon tour. Bref, si on constate qu'un traitement d'une médecine alternative est étonnamment efficace, on devrait l'étudier de façon scientifique afin de pouvoir l'inclure éventuellement dans la vraie médecine si cette efficacité est réelle, ou de le dénoncer si son efficacité est fictive.
Est-ce correct de faire du profit sur la crédulité des gens? Certains diront que si une personne n'est pas assez sensée pour elle-même comprendre que telle pseudomédecine est fausse, alors elle ne mérite pas mieux que de se faire arnaquer ou de subir les conséquences sur sa santé de l'absence d'un traitement approprié. Ce serait une manifestation légitime de la sélection naturelle que les gens stupides meurent d'avoir préféré manger un pois sec ou une gélule d'eau plutôt que de suivre la chimio qui leur sauverait la vie. Je suis en désaccord. Dans nos sociétés, il y a moult spécialistes auxquels nous faisons confiance puisqu'il nous est impossible de tout connaître. Si un pont s'effondre et tue tout ceux qui le traversaient, nul ne dira: «C'était à eux de suivre une formation en ingénierie des ponts et d'étudier ce pont-ci sous tous ses angles avant de prendre la décision stupide de le traverser!» Nous n'avons pas à tout connaître. Pour moi, ce ne sont pas les clients des pseudomédecines qui sont négligents, ce sont ceux qui arnaquent autrui avec leur pseudomédecine qui commettent un acte contraire à l'éthique. Ils abusent du désespoir de gens qui ont parfois tout essayé ce que la science pouvait offrir. Quand à ceux qui se font les défenseurs ou les porteparoles d'une pseudomédecine et qui y croient de bonne foi, oui ceux-là sont négligents et, lorsqu'ils s'efforcent de convertir autant de gens que possible à quelque chose qu'ils ne comprennent pas vraiment, ils agissent de manière qui n'est pas éthique. C'est mon opinion.
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* Je distingue les pseudomédecines des médecines douces. Ces dernières ont une efficacité réelle mais ne servent qu'à apaiser les symptômes et non à guérir un mal. Par exemple, prendre une pastille de miel ou d'eucalyptus contre un mal de gorge. Elles ne sont donc pas nécessairement charlatanesques, tant qu'elles s'affichent pour ce qu'elles sont.
lundi 27 février 2012
Démocratiser la connaissance
J'aimerais revenir sur un sujet que j'ai brièvement abordé dans ma réflexion sur la gratuité scolaire. J'y disais que j'étais complètement en faveur de la diffusion de la connaissance vers la plus grande partie de la population qu'il soit possible, mais que je trouvais que de rendre l'université gratuite pour tous sans condition serait trop coûteux. En y repensant, je me dis que le problème vient peut-être du fait que les universités sont des institutions qui, par nature, semblent avoir pour but que la connaissance soit élitiste. Elles se sont accaparés le monopole du savoir et nous le vende au gros prix.
Au Québec, nous avons inventé les cégeps. À l'inverse des universités, ces établissements d'études post-secondaires ont pour but de démocratiser la connaissance. Ils sont abordables et présents dans toutes les régions. Leur fonction est de préparer les étudiants à l'université ou au marché du travail, selon le programme choisi. Les cours généraux (littérature et philosophie) permettent aux jeunes de toutes les disciplines d'acquérir des connaissances générales de base. Certains considèrent parfois l'idée d'abolir les cégeps. À mes yeux ce serait une grave erreur (et je ne dis pas ça seulement parce que je veux devenir prof au cégep). Ces établissements ont très certainement une bonne part du mérite dans notre sortie de la Grande Noirceur. Les cégeps ne veulent pas seulement instruire une élite économique, mais l'ensemble de la société.
Je réfléchissais donc à tout ça et j'essayais de trouver des idées du même genre que celle qui a mené à la genèse des cégeps. Des idées à la fois pour rendre l'acquisition de connaissances moins coûteuse pour celui qui veut apprendre, mais également pour l'ensemble de la société qui finance les établissements scolaires.
D'abord, je pensais à élargir le mandat du cégep en:
Je me disais aussi que certaines connaissances qui sont actuellement enseignées au collégial devraient être acquises durant le secondaire. Des bases dans des domaines tels que la philosophie, l'anthropologie ou la psychologie pourraient être transmises beaucoup plus tôt. Si l'on ne laissait pas les cours de mathématiques, d'anglais et de français envahir la totalité de l'horaire des élèves du secondaire, on pourrait peut-être élargir davantage l'étendue de leurs connaissances générales et en faire des citoyens ayant un bagage intellectuel minimal et un certain esprit critique, même pour ceux qui n'iront jamais au cégep.
Finalement, je réfléchissais aussi au fait que les bibliothèques publiques sont des endroits accessibles gratuitement qui renferment des tonnes de connaissances. Internet aussi. Quelqu'un qui ne veut qu'accroître son savoir n'a pas besoin de diplôme et peut se servir de ces ressources pour s'instruire de lui-même. Mais je trouve qu'il est dommage que l'on ne reconnaissance pas ce savoir que l'individu a acquis par lui-même. Ainsi, je propose d'inventer des attestations pour lesquels on pourrait passer un examen mais sans avoir de cours; juste pour faire valoir les connaissances que l'on a acquises en autodidacte. Ce serait donc moins coûteux à produire que des cours. On pourrait toutefois donner à «l'étudiant» une médiagraphie de référence pour qu'il se prépare à l'examen. Évidemment, les vrais diplômes demeureraient plus prestigieux que cette simple attestation. Il ne s'agit pas d'un nivellement vers le bas, le but est que le «bas» ne soit pas dans une totale ignorance, qu'il puisse lui aussi accéder à une partie de la connaissance et que l'on reconnaisse ce savoir qu'il a acquis. Ça permettrait de faire des nuances au sein de la catégorie «sans scolarité» pour y distinguer les incultes des autodidactes.
Dans le même ordre d'idée, je me disais que les compétences que l'individu a acquises devraient aussi pouvoir recevoir une attestation dans les cégeps. Ce pourrait être son habileté à utiliser certains logiciels qui seraient évaluées puis attestées par l'institution, ou un test standardisé de logique ou de vocabulaire, sa vitesse de frappe au clavier ou son talent pour classer des documents, mais je pensais aussi à une attestation d'aptitudes physiques. En utilisant le gymnase et le centre de conditionnement physique du cégep, je pourrais m'inscrire à une évaluation de mes performances physiques générales ou d'une compétence physique particulière, par exemple quel est le poids le plus lourd que je suis capable de soulever dix fois consécutives. Celle-ci pourrait être ensuite ajoutée à mon CV ce qui me permettrait de me faire valoir comme candidat pour un emploi qui exige ces compétences. Je pensais à ça surtout pour les femmes qui sont souvent présumées «physiquement faibles» par les employeurs, et qui pourraient éviter ce genre de discrimination de cette façon. Mais aussi, ce pourrait être vraiment pertinent pour les personnes en situation de handicap ou non neurotypiques. En ayant un vaste éventail de compétences que l'on peut faire attester, on évite que l'étroit chemin de la diplomation soit le seul qui puisse être reconnu.
Bon je ne sais pas si les idées que j'ai émises ici sont réalisables, mais le point c'est surtout qu'il doit y avoir des façons de démocratiser la connaissance autre que la gratuité scolaire inconditionnelle de tous les niveaux d'enseignement. Comme je l'ai déjà dit, pour moi il est essentiel pour une société démocratique d'instruire son peuple, puisqu'il est le dirigeant du pays.
Au Québec, nous avons inventé les cégeps. À l'inverse des universités, ces établissements d'études post-secondaires ont pour but de démocratiser la connaissance. Ils sont abordables et présents dans toutes les régions. Leur fonction est de préparer les étudiants à l'université ou au marché du travail, selon le programme choisi. Les cours généraux (littérature et philosophie) permettent aux jeunes de toutes les disciplines d'acquérir des connaissances générales de base. Certains considèrent parfois l'idée d'abolir les cégeps. À mes yeux ce serait une grave erreur (et je ne dis pas ça seulement parce que je veux devenir prof au cégep). Ces établissements ont très certainement une bonne part du mérite dans notre sortie de la Grande Noirceur. Les cégeps ne veulent pas seulement instruire une élite économique, mais l'ensemble de la société.
Je réfléchissais donc à tout ça et j'essayais de trouver des idées du même genre que celle qui a mené à la genèse des cégeps. Des idées à la fois pour rendre l'acquisition de connaissances moins coûteuse pour celui qui veut apprendre, mais également pour l'ensemble de la société qui finance les établissements scolaires.
D'abord, je pensais à élargir le mandat du cégep en:
- Transférant le secondaire 5 vers le cégep. C'est-à-dire les cours de la cinquième secondaire mais sous la formule du collégial. Il y existe déjà le programme «accueil et intégration» qui est pas mal ça, sauf que là il deviendrait la seule façon d'avoir son secondaire 5. Ainsi, comme l'étudiant serait déjà dans l'établissement, ça serait incitatif pour la poursuite de ses études.
- Donnant des cours de premières années de baccalauréat pour certaines disciplines. Je pense surtout aux domaines des arts, de la philosophie, de l'histoire et des sciences sociales. Sans les rendre aussi approfondis que les baccalauréats, des programmes collégiaux qui auraient pour but d'explorer ces domaines en surface devraient être offerts dans les cégeps. Ce ne serait que des petits programmes de dix cours mais qui exigeraient d'avoir déjà un DEC; des genres de «compléments». Ils pourraient être une compensation pour ceux qui n'ont pas eu la chance d'obtenir les bourses nécessaires à l'inscription à un programme universitaire et, en même temps, rendrait l'étudiant plus érudits dans son domaine ce qui augmenterait ses chances d'avoir une bourse universitaire pour la session suivante. Surtout, cela permettrait à ceux qui veulent connaître ces disciplines sans nécessairement s'y chercher une profession, d'étudier à peu de frais.
- Fusionnant les écoles professionnelles aux cégeps, pour pouvoir ensuite créer des programmes qui mixent des cours collégiaux et des cours professionnels. Nombre de programmes universitaires ne mènent pas nécessairement à un quelconque débouché sur le marché du travail. Le diplômé devient donc un érudit mais n'a pas de formation qui lui permette de travailler. Je me disais que ces programmes mixtes permettraient à l'étudiant de combiner un programme plus «manuel» qui lui donnera un emploi, à un programme plus intellectuel qui lui donnera des connaissances intéressantes.
- Rajoutant, dans les cours généraux communs à tous les programmes, des cours sur des choses plus terre-à-terre mais qui sont nécessaire à chacun dans le quotidien. Par exemple, un cour d'économie familiale pour que les gens puissent apprendre comment se chercher un appartement, postuler pour un emploi, se faire à manger tout seul, conduire (oui, les cégeps assimileraient les écoles de conduite), remplir son rapport d'impôts, etc.
Finalement, je réfléchissais aussi au fait que les bibliothèques publiques sont des endroits accessibles gratuitement qui renferment des tonnes de connaissances. Internet aussi. Quelqu'un qui ne veut qu'accroître son savoir n'a pas besoin de diplôme et peut se servir de ces ressources pour s'instruire de lui-même. Mais je trouve qu'il est dommage que l'on ne reconnaissance pas ce savoir que l'individu a acquis par lui-même. Ainsi, je propose d'inventer des attestations pour lesquels on pourrait passer un examen mais sans avoir de cours; juste pour faire valoir les connaissances que l'on a acquises en autodidacte. Ce serait donc moins coûteux à produire que des cours. On pourrait toutefois donner à «l'étudiant» une médiagraphie de référence pour qu'il se prépare à l'examen. Évidemment, les vrais diplômes demeureraient plus prestigieux que cette simple attestation. Il ne s'agit pas d'un nivellement vers le bas, le but est que le «bas» ne soit pas dans une totale ignorance, qu'il puisse lui aussi accéder à une partie de la connaissance et que l'on reconnaisse ce savoir qu'il a acquis. Ça permettrait de faire des nuances au sein de la catégorie «sans scolarité» pour y distinguer les incultes des autodidactes.
Dans le même ordre d'idée, je me disais que les compétences que l'individu a acquises devraient aussi pouvoir recevoir une attestation dans les cégeps. Ce pourrait être son habileté à utiliser certains logiciels qui seraient évaluées puis attestées par l'institution, ou un test standardisé de logique ou de vocabulaire, sa vitesse de frappe au clavier ou son talent pour classer des documents, mais je pensais aussi à une attestation d'aptitudes physiques. En utilisant le gymnase et le centre de conditionnement physique du cégep, je pourrais m'inscrire à une évaluation de mes performances physiques générales ou d'une compétence physique particulière, par exemple quel est le poids le plus lourd que je suis capable de soulever dix fois consécutives. Celle-ci pourrait être ensuite ajoutée à mon CV ce qui me permettrait de me faire valoir comme candidat pour un emploi qui exige ces compétences. Je pensais à ça surtout pour les femmes qui sont souvent présumées «physiquement faibles» par les employeurs, et qui pourraient éviter ce genre de discrimination de cette façon. Mais aussi, ce pourrait être vraiment pertinent pour les personnes en situation de handicap ou non neurotypiques. En ayant un vaste éventail de compétences que l'on peut faire attester, on évite que l'étroit chemin de la diplomation soit le seul qui puisse être reconnu.
Bon je ne sais pas si les idées que j'ai émises ici sont réalisables, mais le point c'est surtout qu'il doit y avoir des façons de démocratiser la connaissance autre que la gratuité scolaire inconditionnelle de tous les niveaux d'enseignement. Comme je l'ai déjà dit, pour moi il est essentiel pour une société démocratique d'instruire son peuple, puisqu'il est le dirigeant du pays.
dimanche 12 février 2012
Nationaliser le vice
Précédemment, sur ce blogue, je vous ai déjà fait part du fait que j'étais pour la légalisation de la drogue et de la prostitution. Mon point était qu'en prohibant un bien ou un service pour lequel il existe une demande forte, on ne le fait pas disparaître mais qu'on le laisse dans la clandestinité ce qui augmente généralement sa nuisance. En y repensant, je me suis demandé quelles seraient les conséquences à long terme de la légalisation des drogues et du travail du sexe.
Si on laisse cela entre les mains de compagnies privées, elles feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que la demande augmente, et ce même si on les limite par des lois leur interdisant de faire de la publicité, comme nous le faisons avec le tabac. Mais le but à l'origine de cette idée n'est pas d'augmenter l'utilisation de la drogue et de la prostitution. Au contraire, je veux que l'on légalise ces phénomènes pour mieux lutter contre eux. Or, si ce sont de grosses compagnies privées qui gèrent ça, même si elles sont plus transparentes que les groupes criminalisés, elles sont tout de même susceptibles d'occulter certains faits. Bref, si c'est légal mais privé, le problème ne sera pas vraiment réglé puisque ces entreprises essaieront d'augmenter la demande en drogues et de forcer plus femmes à se prostituer ou à faire des choses qu'elles ne veulent pas
Au Québec, le jeu et l'alcool sont sous la juridiction de sociétés d'État: Loto-Québec et la Société des Alcools du Québec. Je me disais qu'il serait peut-être pertinent de faire la même chose pour la drogue et la prostitution: les légaliser mais les mettre sous la juridiction de sociétés d'État qui auraient pour mandat, non pas de rechercher le profit, mais bien de répondre à une demande préexistante et de réduire au minimum les inconvénients inhérents à ces phénomènes sociaux. Leur campagne publicitaire n'aurait pas pour objectif d'augmenter la demande mais, au contraire, de la réduire tout en informant la population qu'ils offrent ces services.
Pour la drogue, je propose que l'on commence simplement par légalisation la consommation tout en interdisant la vente et la production autre que pour usage personnel. Puis, ensuite, que l'on légalise et contrôle chacun des niveaux de productions, jusqu'à la vente qui pourrait se faire soit dans une nouvelle chaîne de magasins de drogues, soit dans les SAQ ou soit dans certains bars en collaboration avec une société d'État (qui ne serait, dans cette option, qu'un distributeur).
Il y a plusieurs façons dont on pourrait s'y prendre pour faire fonctionner la prostitution dans une société où elle serait légale et sous la juridiction de l'État. Je me dis que le gouvernement pourrait financer la création d'un site d'agence de rencontre (ce qui serait utile pour plusieurs autres raisons) et d'y intégrer la prostitution légale. La majorité des usagers de ce site seraient des gens qui l'utiliseraient vraiment comme une agence de rencontre, mais il s'y trouverait également la possibilité d'y offrir ou d'y rechercher des services sexuels, et ce en toute légalité. Ce qui est bien c'est que les prostitués pourraient choisir leurs clients puisqu'elles verraient leurs profils avant d'accepter de leur offrir leurs services. Elles pourraient même tchatter avec eux avant de les rencontrer pour les informer des tarifs et prendre connaissance de leurs demandes spéciales. Mais bon, c'est une possibilité parmi d'autres.
Je mettrais tout ces «vices» – autant ceux qui sont actuellement légaux que ceux que je légaliserais – sous la juridiction d'un nouveau ministère que l'on pourrait appeler, justement, le Ministère du Vice. Il aurait pour fonction d'étudier chacun de ces «vices» et de choisir quelle approche il doit adopter, pour chacun d'entre eux, soit légaliser, nationaliser ou prohiber, selon ce qui amènera les conséquences les moins indésirables. L'opinion publique est contre la légalisation et elle sera encore plus contre la nationalisation parce qu'elle aurait encore plus l'impression d'être complice de quelque chose de «sale». Les gens s'imaginent qu'en légalisant et en fournissant ces services, on endosse et approuve leur existence. C'est pourquoi, en nommant ce ministère «Ministère du vice», on soulignerait que l'on désapprouve ces phénomènes sociaux mais qu'on les gère pour en minimiser la nuisance.
Si on laisse cela entre les mains de compagnies privées, elles feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que la demande augmente, et ce même si on les limite par des lois leur interdisant de faire de la publicité, comme nous le faisons avec le tabac. Mais le but à l'origine de cette idée n'est pas d'augmenter l'utilisation de la drogue et de la prostitution. Au contraire, je veux que l'on légalise ces phénomènes pour mieux lutter contre eux. Or, si ce sont de grosses compagnies privées qui gèrent ça, même si elles sont plus transparentes que les groupes criminalisés, elles sont tout de même susceptibles d'occulter certains faits. Bref, si c'est légal mais privé, le problème ne sera pas vraiment réglé puisque ces entreprises essaieront d'augmenter la demande en drogues et de forcer plus femmes à se prostituer ou à faire des choses qu'elles ne veulent pas
Au Québec, le jeu et l'alcool sont sous la juridiction de sociétés d'État: Loto-Québec et la Société des Alcools du Québec. Je me disais qu'il serait peut-être pertinent de faire la même chose pour la drogue et la prostitution: les légaliser mais les mettre sous la juridiction de sociétés d'État qui auraient pour mandat, non pas de rechercher le profit, mais bien de répondre à une demande préexistante et de réduire au minimum les inconvénients inhérents à ces phénomènes sociaux. Leur campagne publicitaire n'aurait pas pour objectif d'augmenter la demande mais, au contraire, de la réduire tout en informant la population qu'ils offrent ces services.
Pour la drogue, je propose que l'on commence simplement par légalisation la consommation tout en interdisant la vente et la production autre que pour usage personnel. Puis, ensuite, que l'on légalise et contrôle chacun des niveaux de productions, jusqu'à la vente qui pourrait se faire soit dans une nouvelle chaîne de magasins de drogues, soit dans les SAQ ou soit dans certains bars en collaboration avec une société d'État (qui ne serait, dans cette option, qu'un distributeur).
Il y a plusieurs façons dont on pourrait s'y prendre pour faire fonctionner la prostitution dans une société où elle serait légale et sous la juridiction de l'État. Je me dis que le gouvernement pourrait financer la création d'un site d'agence de rencontre (ce qui serait utile pour plusieurs autres raisons) et d'y intégrer la prostitution légale. La majorité des usagers de ce site seraient des gens qui l'utiliseraient vraiment comme une agence de rencontre, mais il s'y trouverait également la possibilité d'y offrir ou d'y rechercher des services sexuels, et ce en toute légalité. Ce qui est bien c'est que les prostitués pourraient choisir leurs clients puisqu'elles verraient leurs profils avant d'accepter de leur offrir leurs services. Elles pourraient même tchatter avec eux avant de les rencontrer pour les informer des tarifs et prendre connaissance de leurs demandes spéciales. Mais bon, c'est une possibilité parmi d'autres.
Je mettrais tout ces «vices» – autant ceux qui sont actuellement légaux que ceux que je légaliserais – sous la juridiction d'un nouveau ministère que l'on pourrait appeler, justement, le Ministère du Vice. Il aurait pour fonction d'étudier chacun de ces «vices» et de choisir quelle approche il doit adopter, pour chacun d'entre eux, soit légaliser, nationaliser ou prohiber, selon ce qui amènera les conséquences les moins indésirables. L'opinion publique est contre la légalisation et elle sera encore plus contre la nationalisation parce qu'elle aurait encore plus l'impression d'être complice de quelque chose de «sale». Les gens s'imaginent qu'en légalisant et en fournissant ces services, on endosse et approuve leur existence. C'est pourquoi, en nommant ce ministère «Ministère du vice», on soulignerait que l'on désapprouve ces phénomènes sociaux mais qu'on les gère pour en minimiser la nuisance.
lundi 12 décembre 2011
Les droits des objets
Qu'est-ce que la propriété? Non je ne dirais pas, comme Proudhon, que la propriété c'est le vol. Je comprends et je partage l'idée que la propriété privée doit exister. L'abolition totale de cette dernière, que prônent certains utopistes, m'apparaît comme quelque chose qui aurait des conséquences indésirables. Mais je me permettrai tout de même ici de réfléchir et de remettre en question certains aspects du concept de propriété. Y a-t-il certaines limites qu'on devrait lui imposer?
Mais tout d'abord, que signifie «posséder»? C'est un concept auquel nous sommes tellement habitué que son sens nous semble aller de soi. Mais si l'on fait l'exercice de le définir, on pourrait dire que les possessions d'une personne sont les objets sur lesquels les autres personnes lui reconnaissent une pleine souveraineté. Un individu peut faire ce qu'il veut des objets qui sont siens. Mais ce qu'il faut garder en tête c'est qu'il s'agit d'une convention sociale, d'un consensus. Il n'y a pas de connexion magique entre le possesseur et ses possessions. C'est une intersubjectivité.
Dans cette perspective, un être peut-il en posséder un autre? Selon notre définition de la propriété, c'est tout à fait possible. Il suffirait soit que le propriétaire puisse user de la coercition pour soumettre sa propriété à sa souveraineté (comme lorsque l'on possède un animal) ou, encore mieux, que l'individu qui appartient à l'autre reconnaisse lui-même cette propriété et se soumette volontairement à la volonté de celui à qui il appartient. Mais nous avons un jour décrété qu'un humain ne pouvait pas se faire propriétaire d'un autre humain. Cela parce que nous avons reconnu que l'esclave avait des intérêts propres, autant que son maître, et qu'il était plus facile pour lui d'accéder au bonheur s'il n'est pas soumis aux caprices d'un propriétaire. Pour des raisons éthiques, donc, nous réprouvons l'idée qu'un humain puisse en posséder un autre et mettons là une limite au pouvoir de posséder qu'a l'individu.
Nous pourrions, à partir de la même base, nous demander si un humain devrait pouvoir posséder un animal. Étant donné que l'animal a des intérêts propres, il importe de les considérer. Personnellement, je donnerais à l'animal un statut distinct du mobilier, une relation impliquant certains devoirs envers lui, sans lui donner lui-même le pouvoir de posséder des choses, mais c'est un autre sujet. La question que je me pose ici concerne plutôt les objets inanimés. Même si un objet n'a pas d'intérêts propres, de désirs ou d'aspirations, même s'il ne peut souffrir ou être contrarié, celui qui possède cet objet devrait-il pouvoir lui faire subir ce qu'il veut? Si l'on possède un objet, devrait-on avoir tous les droits sur cet objet? L'objet inanimé devrait-il «avoir des droits»?
La question semble absurde, mais considérons que si nous n'avons aucun devoir envers l'objet lui-même, nous en avons envers les individus. Or, si un objet a le potentiel d'être utile ou nécessaire pour quelqu'un et qu'il est difficile à obtenir, ne devrait-il par être interdit de le détruire ou de l'abîmer volontairement même si on le «possède»? Par exemple, si je suis riche et que je m'achète un objet très abondant, mettons une télé, puis-je la détruire? Mais s'il s'agit plutôt d'un objet est rare et nécessaire?
Nous vivons dans une culture où nous considérons la propriété comme un pouvoir absolu sur les objets, et cela favorise sans aucun doute le gaspillage. Mais si nous nous représentions la propriété différemment? Imaginons que nos choses ne sont pas «à nous» individuellement, mais qu'elles appartiennent en fait à tout le monde, sauf qu'elles nous sont «prêtées» personnellement par la collectivité. Cet «emprunt» nous autorise à utiliser nos objets pour aussi longtemps que l'on en a besoin, mais nous interdit de les détruire s'ils sont encore bons, et nous force à les donner à la charité si l'on veut s'en défaire, plutôt que de les jeter. C'est juste pour souligner que c'est la façon subjective dont on perçoit la propriété qui influence la façon dont on consomme et partage les objets. Une conception différente du même phénomène aurait amené une attitude différente.
Mon point est que même si mon éthique utilitariste est fondée sur le droit au bonheur, et même si seuls les êtres sont capables de bonheur, les choses qui ne sont pas des êtres tels que les objets inanimés, les institutions (entreprises, États, religions, etc.), les écosystèmes, les végétaux et les éléments du patrimoine immatériel (cultures, langues, etc.) méritent aussi des genres de «droits indirects» découlant de leur utilité pour les êtres. Par exemple, le droit de maximiser son potentiel d'utilité. Celui-ci impliquerait de ne pas détruire un objet qui peut encore servir, d'en prendre soin pour qu'il dure le plus longtemps possible, et de le donner lorsque l'on n'en a plus besoin.
Je conclus en vous soumettant une mise en situation. Imaginons un homme qui possède une entreprise. Il n'y travaille pas, il a des employés pour ça. Il ne la gère pas, il a des employés pour ça aussi. Il ne l'a pas construite lui-même ni achetée avec de l'argent durement gagné, il l'a reçue en héritage. Bref, il ne fournit absolument aucun effort dans cette entreprise ni n'en a fourni aucun pour en acquérir la propriété. Dans ce contexte, est-il juste qu'il retire un revenu de cette entreprise, et ce au seul motif d'un lien imaginaire entre lui et celle-ci, lien qui porte le nom de «propriété»? Posons-nous la question...
Mais tout d'abord, que signifie «posséder»? C'est un concept auquel nous sommes tellement habitué que son sens nous semble aller de soi. Mais si l'on fait l'exercice de le définir, on pourrait dire que les possessions d'une personne sont les objets sur lesquels les autres personnes lui reconnaissent une pleine souveraineté. Un individu peut faire ce qu'il veut des objets qui sont siens. Mais ce qu'il faut garder en tête c'est qu'il s'agit d'une convention sociale, d'un consensus. Il n'y a pas de connexion magique entre le possesseur et ses possessions. C'est une intersubjectivité.
Dans cette perspective, un être peut-il en posséder un autre? Selon notre définition de la propriété, c'est tout à fait possible. Il suffirait soit que le propriétaire puisse user de la coercition pour soumettre sa propriété à sa souveraineté (comme lorsque l'on possède un animal) ou, encore mieux, que l'individu qui appartient à l'autre reconnaisse lui-même cette propriété et se soumette volontairement à la volonté de celui à qui il appartient. Mais nous avons un jour décrété qu'un humain ne pouvait pas se faire propriétaire d'un autre humain. Cela parce que nous avons reconnu que l'esclave avait des intérêts propres, autant que son maître, et qu'il était plus facile pour lui d'accéder au bonheur s'il n'est pas soumis aux caprices d'un propriétaire. Pour des raisons éthiques, donc, nous réprouvons l'idée qu'un humain puisse en posséder un autre et mettons là une limite au pouvoir de posséder qu'a l'individu.
Nous pourrions, à partir de la même base, nous demander si un humain devrait pouvoir posséder un animal. Étant donné que l'animal a des intérêts propres, il importe de les considérer. Personnellement, je donnerais à l'animal un statut distinct du mobilier, une relation impliquant certains devoirs envers lui, sans lui donner lui-même le pouvoir de posséder des choses, mais c'est un autre sujet. La question que je me pose ici concerne plutôt les objets inanimés. Même si un objet n'a pas d'intérêts propres, de désirs ou d'aspirations, même s'il ne peut souffrir ou être contrarié, celui qui possède cet objet devrait-il pouvoir lui faire subir ce qu'il veut? Si l'on possède un objet, devrait-on avoir tous les droits sur cet objet? L'objet inanimé devrait-il «avoir des droits»?
La question semble absurde, mais considérons que si nous n'avons aucun devoir envers l'objet lui-même, nous en avons envers les individus. Or, si un objet a le potentiel d'être utile ou nécessaire pour quelqu'un et qu'il est difficile à obtenir, ne devrait-il par être interdit de le détruire ou de l'abîmer volontairement même si on le «possède»? Par exemple, si je suis riche et que je m'achète un objet très abondant, mettons une télé, puis-je la détruire? Mais s'il s'agit plutôt d'un objet est rare et nécessaire?
Nous vivons dans une culture où nous considérons la propriété comme un pouvoir absolu sur les objets, et cela favorise sans aucun doute le gaspillage. Mais si nous nous représentions la propriété différemment? Imaginons que nos choses ne sont pas «à nous» individuellement, mais qu'elles appartiennent en fait à tout le monde, sauf qu'elles nous sont «prêtées» personnellement par la collectivité. Cet «emprunt» nous autorise à utiliser nos objets pour aussi longtemps que l'on en a besoin, mais nous interdit de les détruire s'ils sont encore bons, et nous force à les donner à la charité si l'on veut s'en défaire, plutôt que de les jeter. C'est juste pour souligner que c'est la façon subjective dont on perçoit la propriété qui influence la façon dont on consomme et partage les objets. Une conception différente du même phénomène aurait amené une attitude différente.
Mon point est que même si mon éthique utilitariste est fondée sur le droit au bonheur, et même si seuls les êtres sont capables de bonheur, les choses qui ne sont pas des êtres tels que les objets inanimés, les institutions (entreprises, États, religions, etc.), les écosystèmes, les végétaux et les éléments du patrimoine immatériel (cultures, langues, etc.) méritent aussi des genres de «droits indirects» découlant de leur utilité pour les êtres. Par exemple, le droit de maximiser son potentiel d'utilité. Celui-ci impliquerait de ne pas détruire un objet qui peut encore servir, d'en prendre soin pour qu'il dure le plus longtemps possible, et de le donner lorsque l'on n'en a plus besoin.
Je conclus en vous soumettant une mise en situation. Imaginons un homme qui possède une entreprise. Il n'y travaille pas, il a des employés pour ça. Il ne la gère pas, il a des employés pour ça aussi. Il ne l'a pas construite lui-même ni achetée avec de l'argent durement gagné, il l'a reçue en héritage. Bref, il ne fournit absolument aucun effort dans cette entreprise ni n'en a fourni aucun pour en acquérir la propriété. Dans ce contexte, est-il juste qu'il retire un revenu de cette entreprise, et ce au seul motif d'un lien imaginaire entre lui et celle-ci, lien qui porte le nom de «propriété»? Posons-nous la question...
dimanche 4 décembre 2011
Fuir le monde
À une certaine époque, lorsque j'étais jeune, je ne voyais sérieusement pas comment je pourrais me trouver une place dans la société. Et, en même temps, je voyais tant d'écart entre ma perception du monde et celle qui domine. Tant au niveau des croyances que de l'éthique. Je me disais que je devais fuir ce monde, non pas en me suicidant, mais bien en sortant du «système». Quitter la civilisation et aller défricher une terre pour y fonder ma propre société. Repartir la civilisation à zéro sur de nouvelles bases. Poussé par mon désir irrationnel de fuir notre société, j'ai fait des recherches sur internet pour connaître les alternatives. C'est là que j'ai découvert le concept des écovillages. Il s'agit d'une communauté intentionnelle à vocation écologique qui regroupe des gens ayant des valeurs communes et, souvent, une spiritualité commune. Leur but est de se doter d'une terre, d'y vivre selon leur vision du monde et d'en gérer les ressources de façon écologique. Généralement, ils produisent eux-mêmes une partie importante de ce qu'ils consomment.
Au premier regard, j'y voyais de nombreux avantages. Par exemple, le fait de vivre de façon plus conviviale avec un groupe plus restreint de personnes nous permettrait d'établir des interactions socioaffectives plus solides et bénéfiques que dans une société où l'on côtoie autant de gens de façon aussi superficiel. Nous sommes devenus trop individualistes. Mais, si mon voisin était également mon collègue de travail et mon ami d'enfance, j'aurais une meilleure relation avec lui que si je ne le vois que pour lui demander de faire moins de bruit. En plus, ce mode de vie nous permettrait de savoir d'où vient ce que l'on mange et ce que l'on consomme comme produits. Conséquemment, on serait plus enclin à faire des choix santés et éthiques. Le simple fait de vivre dans cet endroit aurait un impact énormément positif sur l'environnement.
La collaboration est également sans doute quelque chose qui irait plus de soi dans ce genre d'organisation sociale. Lorsque je vois cinq maisons de banlieue, côte à côte, avec chacune leur petite piscine hors terre, je me dis: «Si ces gens s'étaient alliés, ils auraient pu avoir une seule grande piscine, creusée, avec un chauffe-eau, peut-être même intérieure, qu'ils se seraient partagée à tour de rôle ou en même temps.» Tout ce qu'un foyer n'utilise qu'occasionnellement pourrait être mis en commun avec d'autres foyers. Ainsi, soit ça reviendrait moins cher pour chacun, soit ils pourraient s'acheter des choses de meilleure qualité.
Je me disais aussi que si une telle communauté acquérait un minimum d'autarcie (par exemple, en produisant elle-même une partie de sa nourriture, de ses vêtements et de son électricité) elle serait moins vulnérables à des phénomènes globaux, telle qu'une crise économique. Et que, même si elle était elle-même victime d'une crise ou d'une catastrophe naturelle, la cohésion sociale qu'on y trouverait permettrait d'offrir aux plus affectés de ses membres un réseau de soutient indispensable.
En théorie, ça me semble merveilleux. En pratique, il n'y a malheureusement pas beaucoup d'écovillages au Québec qui existent autrement que sous une forme plutôt embryonnaire. Ce ne sont, en plus, bien souvent que des projets plutôt utopiques, qui coûteraient une fortune à mettre en place et qui ne comporte aucune idée pour se financer autre que de demander des dons. Ils semblent également manquer de réalisme et de structure dans la façon dont ils prévoient faire fonctionner leur projet. Également, certains semblent désirer une sorte de régression technologique, comme pour être «plus naturels», ce qui est à l'opposé de ce que je prône à la fois par rapport à la technologie et par rapport à l'écologie.
Par ailleurs, le côté «spirituel» de la chose m'agace profondément; comme lorsqu'on gratte une fourchette sur une assiette. Évidemment, il faut que les habitants d'un tel lieu partagent des valeurs communes (autrement, il n'aurait aucune raison d'être) mais il semble qu'ils aient systématiquement opté pour une conception du monde plutôt ésotérique. Les écovillages ne sont, finalement, rien de plus que des monastères de la religion Nouvel-Âge. Je n'y trouverais donc qu'encore plus d'obscurantisme que dans la culture dominante, et mon désir d'exil au départ avait entre autres pour but de justement fuir cet obscurantisme.
Puisque tous les projets existants de ce type semblent s'opposer à mes valeurs, j'ai abandonné depuis longtemps l'idée d'émigrer dans un tel endroit et j'ai choisi de m'intégrer à ma façon dans la culture dominante, de trouver ma niche dans ce système. Toutefois, si jamais je gagnais miraculeusement une somme d'argent incroyablement élevée, il est fort probable que je l'investisse dans la construction d'un écovillage dont l'une des valeurs fondamentales serait la pensée rationnelle. Un endroit où les gens partageraient une éthique semblable à la mienne, et où l'on s'efforcerait de s'émanciper de la tradition pour adopter quelques réformes culturelles. Ce serait une terre promise où pourraient s'exiler les libres-penseurs pour y bâtir une société nouvelle. Où la science et l'art seraient valorisés. À défaut de pouvoir apporter des changements positifs dans notre immense société, on pourrait les introduire dans cette microsociété.
Mais bon, cela ne demeure qu'un rêve irréaliste.
Au premier regard, j'y voyais de nombreux avantages. Par exemple, le fait de vivre de façon plus conviviale avec un groupe plus restreint de personnes nous permettrait d'établir des interactions socioaffectives plus solides et bénéfiques que dans une société où l'on côtoie autant de gens de façon aussi superficiel. Nous sommes devenus trop individualistes. Mais, si mon voisin était également mon collègue de travail et mon ami d'enfance, j'aurais une meilleure relation avec lui que si je ne le vois que pour lui demander de faire moins de bruit. En plus, ce mode de vie nous permettrait de savoir d'où vient ce que l'on mange et ce que l'on consomme comme produits. Conséquemment, on serait plus enclin à faire des choix santés et éthiques. Le simple fait de vivre dans cet endroit aurait un impact énormément positif sur l'environnement.
La collaboration est également sans doute quelque chose qui irait plus de soi dans ce genre d'organisation sociale. Lorsque je vois cinq maisons de banlieue, côte à côte, avec chacune leur petite piscine hors terre, je me dis: «Si ces gens s'étaient alliés, ils auraient pu avoir une seule grande piscine, creusée, avec un chauffe-eau, peut-être même intérieure, qu'ils se seraient partagée à tour de rôle ou en même temps.» Tout ce qu'un foyer n'utilise qu'occasionnellement pourrait être mis en commun avec d'autres foyers. Ainsi, soit ça reviendrait moins cher pour chacun, soit ils pourraient s'acheter des choses de meilleure qualité.
Je me disais aussi que si une telle communauté acquérait un minimum d'autarcie (par exemple, en produisant elle-même une partie de sa nourriture, de ses vêtements et de son électricité) elle serait moins vulnérables à des phénomènes globaux, telle qu'une crise économique. Et que, même si elle était elle-même victime d'une crise ou d'une catastrophe naturelle, la cohésion sociale qu'on y trouverait permettrait d'offrir aux plus affectés de ses membres un réseau de soutient indispensable.
En théorie, ça me semble merveilleux. En pratique, il n'y a malheureusement pas beaucoup d'écovillages au Québec qui existent autrement que sous une forme plutôt embryonnaire. Ce ne sont, en plus, bien souvent que des projets plutôt utopiques, qui coûteraient une fortune à mettre en place et qui ne comporte aucune idée pour se financer autre que de demander des dons. Ils semblent également manquer de réalisme et de structure dans la façon dont ils prévoient faire fonctionner leur projet. Également, certains semblent désirer une sorte de régression technologique, comme pour être «plus naturels», ce qui est à l'opposé de ce que je prône à la fois par rapport à la technologie et par rapport à l'écologie.
Par ailleurs, le côté «spirituel» de la chose m'agace profondément; comme lorsqu'on gratte une fourchette sur une assiette. Évidemment, il faut que les habitants d'un tel lieu partagent des valeurs communes (autrement, il n'aurait aucune raison d'être) mais il semble qu'ils aient systématiquement opté pour une conception du monde plutôt ésotérique. Les écovillages ne sont, finalement, rien de plus que des monastères de la religion Nouvel-Âge. Je n'y trouverais donc qu'encore plus d'obscurantisme que dans la culture dominante, et mon désir d'exil au départ avait entre autres pour but de justement fuir cet obscurantisme.
Puisque tous les projets existants de ce type semblent s'opposer à mes valeurs, j'ai abandonné depuis longtemps l'idée d'émigrer dans un tel endroit et j'ai choisi de m'intégrer à ma façon dans la culture dominante, de trouver ma niche dans ce système. Toutefois, si jamais je gagnais miraculeusement une somme d'argent incroyablement élevée, il est fort probable que je l'investisse dans la construction d'un écovillage dont l'une des valeurs fondamentales serait la pensée rationnelle. Un endroit où les gens partageraient une éthique semblable à la mienne, et où l'on s'efforcerait de s'émanciper de la tradition pour adopter quelques réformes culturelles. Ce serait une terre promise où pourraient s'exiler les libres-penseurs pour y bâtir une société nouvelle. Où la science et l'art seraient valorisés. À défaut de pouvoir apporter des changements positifs dans notre immense société, on pourrait les introduire dans cette microsociété.
Mais bon, cela ne demeure qu'un rêve irréaliste.
mercredi 12 octobre 2011
Mon éthique en carte conceptuelle
Afin de modéliser l'éthique que je préconise, j'ai conçu ce réseau de concepts:

Donc pour toute question d'ordre éthique, j'utilise ce schéma pour savoir ce que je devrais faire. Évidemment, c'est grossièrement résumé. Par exemple, c'est souvent un peu flou de savoir si un bonheur donné est supérieur ou non à une souffrance donné. Mais c'est plus un guide. Aussi, il importe d'y ajouter une possibilité d'altruisme, donc le «je» à l'intérieur des cases peut être remplacé par «une personne dont je me soucie».
J'aurais aimé pouvoir mettre, directement dans les encadrés, des hyperliens vers mes billets qui les expliquent. Mais en fait c'est pas mal ce que j'explique dans ma première réflexion sur l'éthique et dans celle sur l'égoïsme légitime.
Je trouve ça intéressant de créer une arborescence du genre pour faciliter la compréhension d'un raisonnement. C'est visuellement agréable aussi. Si j'ai le temps et la patience j'aimerais, un jour, créer une immense carte conceptuelle de la sorte qui engloberait l'ensemble de ma philosophie personnelle et des réflexions que je mets sur ce blogue. Tout serait connecté en un immense tout cohérent.

Donc pour toute question d'ordre éthique, j'utilise ce schéma pour savoir ce que je devrais faire. Évidemment, c'est grossièrement résumé. Par exemple, c'est souvent un peu flou de savoir si un bonheur donné est supérieur ou non à une souffrance donné. Mais c'est plus un guide. Aussi, il importe d'y ajouter une possibilité d'altruisme, donc le «je» à l'intérieur des cases peut être remplacé par «une personne dont je me soucie».
J'aurais aimé pouvoir mettre, directement dans les encadrés, des hyperliens vers mes billets qui les expliquent. Mais en fait c'est pas mal ce que j'explique dans ma première réflexion sur l'éthique et dans celle sur l'égoïsme légitime.
Je trouve ça intéressant de créer une arborescence du genre pour faciliter la compréhension d'un raisonnement. C'est visuellement agréable aussi. Si j'ai le temps et la patience j'aimerais, un jour, créer une immense carte conceptuelle de la sorte qui engloberait l'ensemble de ma philosophie personnelle et des réflexions que je mets sur ce blogue. Tout serait connecté en un immense tout cohérent.
samedi 1 octobre 2011
Pouvoir politique et pouvoir religieux
Pour moi, l'État laïc doit affirmer haut et fort, non pas un athéisme, mais une non-ingérence dans les croyances spirituelles de ses citoyens; dans la mesure où ces croyances ne les poussent pas à commettre des actes illégaux. Mais si cela est l'attitude que l'État doit avoir face à l'individu, quelle posture doit-il adopter en face des institutions religieuses?
Je pense que l'État devrait se permettre d'aller un peu plus loin en affirmant ouvertement qu'il ne reconnaît l'autorité d'aucun clergé. Notre laïcité est encore un peu floue, mais il faudrait spécifier qu'elle est pour la liberté des croyances spirituelles chez les individus, et non pour la liberté d'action et de propagande chez les institutions spirituelles. Si, par exemple, tel clergé dicte telle croyance et qu'elle devient vraie aux yeux de ses fidèles, alors l'État ne devrait accorder de l'importance à cette croyance que parce qu'elle est importante pour les individus qui y croient, et non parce que le clergé en a fait un dogme.
Là où les choses deviennent un peu plus compliquées, c'est lorsque la croyance d'un citoyen est que tel clergé possède l'autorité sur toute question d'ordre spirituel. C'est-à-dire, lorsqu'il a la foi du charbonnier: il se considère lui-même trop ignorant pour se prononcer sur les questions théologiques, voire pour les comprendre, mais il perçoit son clergé comme des spécialistes de ces questions et a foi en leur jugement. Dans ces circonstances, contester l'autorité d'un clergé c'est directement contredire sa croyance. Mais je pense que l'on retrouve beaucoup moins de ce type de croyants de nos jours. Les gens ont leurs propres croyances personnelles et ne reconnaissent la légitimité du clergé que lorsque celui-ci dit la même chose qu'eux.
D'après moi, le fait que les croyants modérés ne sont plus derrière le clergé nous autorise à faire un pas supplémentaire dans cette direction. Il y aura très peu de gens pour s'offusquer que l'on ne reconnaisse pas que le Pape dicte la parole de Dieu, par exemple, considérant que la majorité des gens sont en désaccord avec ses opinions à propos des femmes, de l'homosexualité ou de l'usage du condom. Ainsi, que notre laïcité fasse reculer un peu plus le pouvoir des clergés serait une mesure démocratiquement viable. Bref, on devrait permettre aux gens de croire aux clergés mais leur rappeler la non-reconnaissance du pouvoir des clergés aussitôt que ceux-ci s'ingèrent dans la juridiction de l'État ou empiètent un peu trop sur la liberté, l'égalité ou une autre valeur chère à la notre société.
Tant qu'à moi, les clergés ne méritent pas plus de pouvoir que n'importe quelles autres entreprises. Je trouve aberrant que, dans une société où il est interdit à un employeur de refuser un candidat à cause de son sexe ou son origine, on autorise les clergés à refuser les femmes pour le poste de prêtre.
Je pense que l'État devrait se permettre d'aller un peu plus loin en affirmant ouvertement qu'il ne reconnaît l'autorité d'aucun clergé. Notre laïcité est encore un peu floue, mais il faudrait spécifier qu'elle est pour la liberté des croyances spirituelles chez les individus, et non pour la liberté d'action et de propagande chez les institutions spirituelles. Si, par exemple, tel clergé dicte telle croyance et qu'elle devient vraie aux yeux de ses fidèles, alors l'État ne devrait accorder de l'importance à cette croyance que parce qu'elle est importante pour les individus qui y croient, et non parce que le clergé en a fait un dogme.
Là où les choses deviennent un peu plus compliquées, c'est lorsque la croyance d'un citoyen est que tel clergé possède l'autorité sur toute question d'ordre spirituel. C'est-à-dire, lorsqu'il a la foi du charbonnier: il se considère lui-même trop ignorant pour se prononcer sur les questions théologiques, voire pour les comprendre, mais il perçoit son clergé comme des spécialistes de ces questions et a foi en leur jugement. Dans ces circonstances, contester l'autorité d'un clergé c'est directement contredire sa croyance. Mais je pense que l'on retrouve beaucoup moins de ce type de croyants de nos jours. Les gens ont leurs propres croyances personnelles et ne reconnaissent la légitimité du clergé que lorsque celui-ci dit la même chose qu'eux.
D'après moi, le fait que les croyants modérés ne sont plus derrière le clergé nous autorise à faire un pas supplémentaire dans cette direction. Il y aura très peu de gens pour s'offusquer que l'on ne reconnaisse pas que le Pape dicte la parole de Dieu, par exemple, considérant que la majorité des gens sont en désaccord avec ses opinions à propos des femmes, de l'homosexualité ou de l'usage du condom. Ainsi, que notre laïcité fasse reculer un peu plus le pouvoir des clergés serait une mesure démocratiquement viable. Bref, on devrait permettre aux gens de croire aux clergés mais leur rappeler la non-reconnaissance du pouvoir des clergés aussitôt que ceux-ci s'ingèrent dans la juridiction de l'État ou empiètent un peu trop sur la liberté, l'égalité ou une autre valeur chère à la notre société.
Tant qu'à moi, les clergés ne méritent pas plus de pouvoir que n'importe quelles autres entreprises. Je trouve aberrant que, dans une société où il est interdit à un employeur de refuser un candidat à cause de son sexe ou son origine, on autorise les clergés à refuser les femmes pour le poste de prêtre.
dimanche 24 juillet 2011
Des poules pas de tête
Supposons que nous je vous reçoive chez moi de façon très informelle. Un moment donné, je vous dis: «Si t'as faim, tu peux prendre une pomme dans le bol à fruit ou du poulet dans le frigidaire». Selon ce dont vous avez le goût, vous choisirez l'un ou l'autre. Mais si je vous dis plutôt: «Si t'as faim, tu peux prendre une pomme dans le bol à fruit ou aller égorger le coq dans la cours». Là, par contre, il y a peu de chances que vous choisissiez le poulet. Et probablement pas seulement parce que vous aurez peur de vous salir les mains, vous vous direz que votre désir de poulet n'est pas assez fort pour qu'il vaille la peine de tuer un coq pour ça.
De nos jours, il y a une sorte de déconnexion émotionnelle entre le consommateur de viande et la vie de ses proies. Certains éprouvent quelque chose lorsqu'ils prennent conscience de ce qu'ils mangent et de la souffrance que ça implique, mais diront que ce serait un excès d'émotivité que de se laisser aller à cette compassion envers l'animal. Il y a, bien sûr, une composante émotionnelle présente dans tout altruisme – que ce soit celui qui m'empêche de consommer de la viande ou celui qui m'empêche de tuer mon voisin pour lui voler sa télé. Mais ce que je prône est un altruisme raisonné, découlant d'une compréhension rationnelle de la nature d'autrui. Si l'autre a, comme moi, des désirs et des souffrances, il importe que je tienne compte de ceux-ci comme je tiens compte des miens. Le point est que la déconnexion émotionnelle que l'on s'efforce d'avoir par rapport aux animaux d'élevage est arbitraire. Il n'y a pas de raison raisonnable qui puisse justifier que, dans ce cas-ci, on devrait faire abstraction de notre empathie naturelle alors qu'on s'y laisse aller face à un humain ou un animal de compagnie. Mais si l'on devait contempler la vie et l'abattage de chaque bête que l'on désire manger, on en mangerait moins.
Ce qui est intéressant c'est que les conditions actuelles dans les élevages intensifs ont atteint leur paroxysme en matière de souffrance, justement à cause de cette indifférence générale des consommateurs. Ne voyant pas la souffrance impliquée et s'efforçant de l'ignorer, le consommateur de viande achète ce produit et crée une demande proportionnelle à son appréciation du produit comme tel mais indépendante de la façon dont il est produit (comme lorsqu'il achète un produit fabriqué en polluant ou en bafouant les droits de la personne). Conséquemment, le producteur qui, lui, voit cette souffrance, est contraint d'adopter des méthodes beaucoup plus douloureuses s'il veut répondre à la demande et demeurer compétitif. Comme dans l'expérience de Milgram, le producteur soulagera sa conscience en se disant qu'il ne fait qu'obéir «aux ordres» des consommateurs, ou encore en percevant le triste sort de l'animal comme étant «son destin», une inévitable fatalité.
Mais parfois, pour surmonter la vue prolongée de cette souffrance, le producteur devra cesser de considérer l'animal comme un être. Ce ne sera plus qu'un objet, les signaux de douleurs qu'il enverra ne seront plus que «des réflexes» ou des engrenages qui grincent dans cette complexe machine dépourvue de conscience et de sensation. Conséquemment, la maltraitance qu'il aura à son égard empirera. Je vois une analogie facile avec un dictateur qui ordonnerait à son général de commettre un génocide: Ce dernier adoptera les mêmes stratégies psychologiques pour obéir aux ordres et voir cette souffrance sans se sentir coupable, tandis que le dictateur aura de la facilité à donner un tel ordre puisqu'il ne sera pas confronté directement à la vue de cette souffrance ce qui évitera à son empathie naturelle d'être sollicitée.
Ma conclusion est que cette situation qui mène à un accroissement de la souffrance dans les élevages et les abattoirs, est causée par l'apparence dénaturée des produits animaux dans les épiceries. Un steak ne ressemble pas à une vache, des tranches de jambon n'ont pas l'allure d'un porc et une boîte de croquettes pannées ne ressemble pas à une poule. On chosifie la bête que l'on mange, on la transforme pour qu'elle ne se ressemble plus. Mais il faut être cohérent avec soi-même. Si je ne suis pas prêt à tuer un coq uniquement pour avoir un plat de poulet, alors je ne vais pas m'acheter de poulet en sachant que cela implique que l'on tue un coq. Je me dis que si les poulets dans les épiceries étaient vendus avec leur tête toujours en place, les gens se rappelleraient que ce fut autrefois des êtres vivants et en achèteraient moins ou en gaspilleraient moins. Mais nul n'éprouve d'empathie pour des poules pas de tête.
De nos jours, il y a une sorte de déconnexion émotionnelle entre le consommateur de viande et la vie de ses proies. Certains éprouvent quelque chose lorsqu'ils prennent conscience de ce qu'ils mangent et de la souffrance que ça implique, mais diront que ce serait un excès d'émotivité que de se laisser aller à cette compassion envers l'animal. Il y a, bien sûr, une composante émotionnelle présente dans tout altruisme – que ce soit celui qui m'empêche de consommer de la viande ou celui qui m'empêche de tuer mon voisin pour lui voler sa télé. Mais ce que je prône est un altruisme raisonné, découlant d'une compréhension rationnelle de la nature d'autrui. Si l'autre a, comme moi, des désirs et des souffrances, il importe que je tienne compte de ceux-ci comme je tiens compte des miens. Le point est que la déconnexion émotionnelle que l'on s'efforce d'avoir par rapport aux animaux d'élevage est arbitraire. Il n'y a pas de raison raisonnable qui puisse justifier que, dans ce cas-ci, on devrait faire abstraction de notre empathie naturelle alors qu'on s'y laisse aller face à un humain ou un animal de compagnie. Mais si l'on devait contempler la vie et l'abattage de chaque bête que l'on désire manger, on en mangerait moins.
Ce qui est intéressant c'est que les conditions actuelles dans les élevages intensifs ont atteint leur paroxysme en matière de souffrance, justement à cause de cette indifférence générale des consommateurs. Ne voyant pas la souffrance impliquée et s'efforçant de l'ignorer, le consommateur de viande achète ce produit et crée une demande proportionnelle à son appréciation du produit comme tel mais indépendante de la façon dont il est produit (comme lorsqu'il achète un produit fabriqué en polluant ou en bafouant les droits de la personne). Conséquemment, le producteur qui, lui, voit cette souffrance, est contraint d'adopter des méthodes beaucoup plus douloureuses s'il veut répondre à la demande et demeurer compétitif. Comme dans l'expérience de Milgram, le producteur soulagera sa conscience en se disant qu'il ne fait qu'obéir «aux ordres» des consommateurs, ou encore en percevant le triste sort de l'animal comme étant «son destin», une inévitable fatalité.
Mais parfois, pour surmonter la vue prolongée de cette souffrance, le producteur devra cesser de considérer l'animal comme un être. Ce ne sera plus qu'un objet, les signaux de douleurs qu'il enverra ne seront plus que «des réflexes» ou des engrenages qui grincent dans cette complexe machine dépourvue de conscience et de sensation. Conséquemment, la maltraitance qu'il aura à son égard empirera. Je vois une analogie facile avec un dictateur qui ordonnerait à son général de commettre un génocide: Ce dernier adoptera les mêmes stratégies psychologiques pour obéir aux ordres et voir cette souffrance sans se sentir coupable, tandis que le dictateur aura de la facilité à donner un tel ordre puisqu'il ne sera pas confronté directement à la vue de cette souffrance ce qui évitera à son empathie naturelle d'être sollicitée.
Ma conclusion est que cette situation qui mène à un accroissement de la souffrance dans les élevages et les abattoirs, est causée par l'apparence dénaturée des produits animaux dans les épiceries. Un steak ne ressemble pas à une vache, des tranches de jambon n'ont pas l'allure d'un porc et une boîte de croquettes pannées ne ressemble pas à une poule. On chosifie la bête que l'on mange, on la transforme pour qu'elle ne se ressemble plus. Mais il faut être cohérent avec soi-même. Si je ne suis pas prêt à tuer un coq uniquement pour avoir un plat de poulet, alors je ne vais pas m'acheter de poulet en sachant que cela implique que l'on tue un coq. Je me dis que si les poulets dans les épiceries étaient vendus avec leur tête toujours en place, les gens se rappelleraient que ce fut autrefois des êtres vivants et en achèteraient moins ou en gaspilleraient moins. Mais nul n'éprouve d'empathie pour des poules pas de tête.
lundi 4 juillet 2011
Pourquoi y a-t-il encore des singes?
L'autre jour, j'étais à une station de métro et je ne faisais de mal à personne, lorsqu'un missionnaire créationniste m'a demandé si je voulais «la parole de Dieu» en me tendant une bible. Je dois dire que je n'étais pas à ma plus grande forme ce jour-là, et que je suis agacé de toujours me faire solliciter à cette station de métro, que ce soit pour me faire demander de l'argent ou pour me faire proposer de la drogue. Bref, je lui ai répondu un peu agressivement que je ne croyais pas à Dieu et que je ne comprenais pas comment des gens pouvaient encore croire en de telles choses.
J'étais pétrifié tant cette phrase n'avait aucun sens. J'avais déjà entendu parler de cet argument auparavant, mais je ne pensais pas possible que quelqu'un puisse réellement le dire sérieusement. En fait, je ne le comprends même pas; je descends de mon père et ça ne l'empêche pas d'être encore là. Cette phrase prouve non seulement que la personne ne croit pas à l'évolution, mais qu'en plus elle ne comprend même pas ce que c'est.
D'après ce que j'ai pu déduire, il pense que la théorie actuelle de l'évolution est le lamarckisme (obsolète depuis 150 ans), donc que toutes les espèces devraient se transformer progressivement en humains en remontant l'échelle de la vie, donc que si nous avons eu le temps de devenir des humains, les autres singes aussi. Mais puisqu'il y a encore des singes, il présume que la théorie de l'évolution est fausse. Et puisque le créationnisme est la seule autre alternative qu'il connaisse, et puisque sa religion natale est la seule forme de créationnisme qu'il connaisse, alors l'existence des singes est pour lui la preuve que la Terre a été créée en six jours par Yahvé tel que décrit dans la bible. Mais je ne suis vraiment pas certain de mon interprétation, comme j'ai dit, je ne comprends même pas cet argument.
C'est tout. Je voulais juste partager cette anecdote. J'ai même rien à introduire avec ça puisque j'ai déjà mis en ligne depuis longtemps ma vulgarisation personnelle de l'évolution. Si jamais on me ressort une autre fois cette phrase insensée, je pense que je vais juste répondre «Mais pourquoi n'y aurait-il plus de singes?» Juste pour comprendre.
– Et puis d'ailleurs, ai-je poursuivît, moi je n'écoeure pas les gens avec mes croyances personnelles!
– En ce moment c'est plus toi qui m'écoeure que l'inverse, qu'il a répondu. Moi je t'ai juste demandé gentiment si tu voulais la parole de Dieu!
– Justement. Moi je n'harcèle pas les passants en leur proposant la parole de Darwin.
– Pff! Darwin! C'est ridicule l'évolution! Si l'Homme descend du singe, pourquoi y a-t-il encore des singes?
J'étais pétrifié tant cette phrase n'avait aucun sens. J'avais déjà entendu parler de cet argument auparavant, mais je ne pensais pas possible que quelqu'un puisse réellement le dire sérieusement. En fait, je ne le comprends même pas; je descends de mon père et ça ne l'empêche pas d'être encore là. Cette phrase prouve non seulement que la personne ne croit pas à l'évolution, mais qu'en plus elle ne comprend même pas ce que c'est.
D'après ce que j'ai pu déduire, il pense que la théorie actuelle de l'évolution est le lamarckisme (obsolète depuis 150 ans), donc que toutes les espèces devraient se transformer progressivement en humains en remontant l'échelle de la vie, donc que si nous avons eu le temps de devenir des humains, les autres singes aussi. Mais puisqu'il y a encore des singes, il présume que la théorie de l'évolution est fausse. Et puisque le créationnisme est la seule autre alternative qu'il connaisse, et puisque sa religion natale est la seule forme de créationnisme qu'il connaisse, alors l'existence des singes est pour lui la preuve que la Terre a été créée en six jours par Yahvé tel que décrit dans la bible. Mais je ne suis vraiment pas certain de mon interprétation, comme j'ai dit, je ne comprends même pas cet argument.
C'est tout. Je voulais juste partager cette anecdote. J'ai même rien à introduire avec ça puisque j'ai déjà mis en ligne depuis longtemps ma vulgarisation personnelle de l'évolution. Si jamais on me ressort une autre fois cette phrase insensée, je pense que je vais juste répondre «Mais pourquoi n'y aurait-il plus de singes?» Juste pour comprendre.
vendredi 1 juillet 2011
Ma conception de l'écologie
Dernièrement, la Bolivie a fait passer une loi dites «loi de la Terre-Mère» qui accorde des droits à la nature comme s'il s'agissait d'une personne. Elle a par exemple le droit à la vie, le droit d'être préservée de la pollution et le droit de perpétuer ses processus naturels indépendamment de toute intervention humaine. C'est une bonne chose en fait. Dans le fond si une entreprise peut être une personne morale pourquoi pas la nature? Ça permettrait de rétablir un certain équilibre entre les droits des entreprises et les droits de la nature. Mais ce n'est toutefois pas l'approche que j'aurais adoptée.
Ma conception de l'écologie découle directement de mon éthique utilitariste et de ma vision du monde scientifique. La nature n'est pas une personne ni même un être, elle ne peut donc avoir des droits puisqu'elle n'a pas de désir ou de bonheur sur lesquels ont pourrait se baser pour fixer ses droits. Lui donner des droits serait comme donner des droits à un groupe en négligeant les individus qui le composent.
Par contre, la nature est un système complexe dont la perturbation peut avoir des conséquences fâcheuses pour nous ou pour d'autres êtres tel que sa faune ainsi que les gens des générations futures. Considérant cela, il devient important de protéger et de préserver l'environnement, mais pas au nom de l'environnement lui-même. Tout comme les objets et les végétaux, la nature ne devraient avoir que des «droits indirects» découlant de son utilité pour les êtres et, donc, des droits de ces êtres. Dans ma perception, tout mesure environnementaliste devrait se fonder sur ce pilier.
Je trouve que, d'une certaine façon, l'environnementalisme de type «on ne modifie rien» procède d'un raisonnement identique au conservatisme social et politique. L'environnement change et évolue depuis toujours. La pollution d'une ère peut être la ressource vitale de l'ère suivante. Il serait naïf de croire qu'avant la révolution industrielle, la nature avait atteint un équilibre parfait qui n'était destiné à aucun changement. L'équilibre n'est jamais parfait, c'est pourquoi l'évolution ne finit jamais. Le but que l'on devrait se fixer, n'est pas que les choses demeurent telles qu'elles étaient à un instant t, mais que la souffrance n'augmente pas. Si l'on trouvait une planète qui ne serait peuplée d'aucun être, il n'y aurait rien de mal à piller ses ressources naturelles ou à modifier complètement son environnement pour nos intérêts personnels. Mais ce n'est pas le cas de notre planète, qui est l'habitat d'une multitude d'êtres variés, dont on doit tenir compte des intérêts.
Notre but ne devrait pas non plus être de laisser la nature inchangée ou de minimiser notre empreinte, comme si l'humain n'existait pas ou devait demeurer séparé de la nature. Au contraire, je pense que l'on devrait avoir pour visé de faire partie d'un écosystème équilibré. Que l'on prenne plus de contrôle sur notre environnement ne me semble pas être une mauvaise chose, c'est l'extension logique de ce que l'on fait depuis le Néolithique. On a l'impression que ce phénomène mène forcément à la destruction de l'environnement, surtout depuis la révolution industrielle, mais c'est au contraire la progression de la science et de la technologie qui nous a permis d'acquérir une conscience écologique et des moyens concrets pour la mettre en pratique.
Dans mon utopie, il y a un monde où les milieux humains sont peuplés d'arbres et d'animaux sauvages coexistants pacifiquement avec nous. Les villes et leurs banlieues ont un urbanisme qui inclut de larges portions de forêts. Les campagnes utilisent de nouvelles formes d'agricultures qui permettent l'émergence d'un écosystème, dans lequel l'humain occupe sa propre niche écologique. Tous nos déchets sont recyclés ou décomposés afin de retourner dans la chaîne alimentaire. Les populations animales et l'ensemble de l'écosystème sont surveillés par des scientifiques afin que l'on s'assure de les réguler. Bref, un équilibre s'établirait dans une nature dont l'humain ferait partie.
Ma conception de l'écologie découle directement de mon éthique utilitariste et de ma vision du monde scientifique. La nature n'est pas une personne ni même un être, elle ne peut donc avoir des droits puisqu'elle n'a pas de désir ou de bonheur sur lesquels ont pourrait se baser pour fixer ses droits. Lui donner des droits serait comme donner des droits à un groupe en négligeant les individus qui le composent.
Par contre, la nature est un système complexe dont la perturbation peut avoir des conséquences fâcheuses pour nous ou pour d'autres êtres tel que sa faune ainsi que les gens des générations futures. Considérant cela, il devient important de protéger et de préserver l'environnement, mais pas au nom de l'environnement lui-même. Tout comme les objets et les végétaux, la nature ne devraient avoir que des «droits indirects» découlant de son utilité pour les êtres et, donc, des droits de ces êtres. Dans ma perception, tout mesure environnementaliste devrait se fonder sur ce pilier.
Je trouve que, d'une certaine façon, l'environnementalisme de type «on ne modifie rien» procède d'un raisonnement identique au conservatisme social et politique. L'environnement change et évolue depuis toujours. La pollution d'une ère peut être la ressource vitale de l'ère suivante. Il serait naïf de croire qu'avant la révolution industrielle, la nature avait atteint un équilibre parfait qui n'était destiné à aucun changement. L'équilibre n'est jamais parfait, c'est pourquoi l'évolution ne finit jamais. Le but que l'on devrait se fixer, n'est pas que les choses demeurent telles qu'elles étaient à un instant t, mais que la souffrance n'augmente pas. Si l'on trouvait une planète qui ne serait peuplée d'aucun être, il n'y aurait rien de mal à piller ses ressources naturelles ou à modifier complètement son environnement pour nos intérêts personnels. Mais ce n'est pas le cas de notre planète, qui est l'habitat d'une multitude d'êtres variés, dont on doit tenir compte des intérêts.
Notre but ne devrait pas non plus être de laisser la nature inchangée ou de minimiser notre empreinte, comme si l'humain n'existait pas ou devait demeurer séparé de la nature. Au contraire, je pense que l'on devrait avoir pour visé de faire partie d'un écosystème équilibré. Que l'on prenne plus de contrôle sur notre environnement ne me semble pas être une mauvaise chose, c'est l'extension logique de ce que l'on fait depuis le Néolithique. On a l'impression que ce phénomène mène forcément à la destruction de l'environnement, surtout depuis la révolution industrielle, mais c'est au contraire la progression de la science et de la technologie qui nous a permis d'acquérir une conscience écologique et des moyens concrets pour la mettre en pratique.
Dans mon utopie, il y a un monde où les milieux humains sont peuplés d'arbres et d'animaux sauvages coexistants pacifiquement avec nous. Les villes et leurs banlieues ont un urbanisme qui inclut de larges portions de forêts. Les campagnes utilisent de nouvelles formes d'agricultures qui permettent l'émergence d'un écosystème, dans lequel l'humain occupe sa propre niche écologique. Tous nos déchets sont recyclés ou décomposés afin de retourner dans la chaîne alimentaire. Les populations animales et l'ensemble de l'écosystème sont surveillés par des scientifiques afin que l'on s'assure de les réguler. Bref, un équilibre s'établirait dans une nature dont l'humain ferait partie.
jeudi 23 juin 2011
Vers la souveraineté
Depuis la dernière élection fédérale, il est plus que jamais limpide que le Québec n'a pas sa place au sein du Canada. Alors que la majorité des Canadiens ont élus un gouvernement de droite majoritaire, ce même gouvernement a eu un succès presque nul au Québec dont la majorité a élu une opposition de gauche. Comme je l'ai dis précédemment dans ma réflexion sur la séparation, qu'il y ait deux cultures fondatrices n'est pas un problème en soi, le problème c'est que cette division culturelle entraîne une forte division d'orientation politique.
Bref, j'étais en train de me demander comment on allait se diriger vers la souveraineté. Quelle place un parti souverainiste devrait-il donner à ce projet dans son agenda? Traditionnellement, on faisait un référendum en se disant qu'on se séparerait si le OUI gagnerait. Je me disais que l'on devrait peut-être inverser notre stratégie: Commencer par essayer de donner au gouvernement provincial autant d'autonomie que possible par rapport au fédéral sans pour autant sortir de l'union canadienne, puis, lorsqu'il ne sera plus possible d'en acquérir plus (soit parce que le fédéral s'y opposera, soit parce qu'obtenir un statut de pays resterait la seule liberté que nous n'ayons pas acquise) on déclenche un référendum sur la séparation.
En fait, la séparation ne devrait pas être présentée comme une fin en soi mais comme un moyen. Le véritable objectif ici est que le Québec acquiert plus d'autonomie, afin de mieux répondre aux besoins de sa population. Sortir du Canada n'est que l'étape finale dans l'accomplissement de cet objectif. Commencer par acquérir l'autonomie avant la souveraineté présenterait l'avantage de clarifier la question référendaire. Si l'on a déjà acquis tout plein d'autonomie sans avoir besoin de se séparer, alors la souveraineté devient surtout une question symbolique de reconnaissance et d'avoir sa place sur la scène internationale à égalité avec les nations souveraines. Si l'on s'est buté à un obstacle dans notre quête d'autonomie à cause du fait que nous demeurions dans le Canada, alors on sait beaucoup mieux pourquoi l'on devrait se séparer.
La stratégie qui devrait être en place c'est de saisir toute juridiction que le fédéral néglige ou délaisse et de créer une instance provinciale pour s'en occuper. Par exemple, si le Canada ne veut plus de registre des armes à feu, pourquoi ne pas en faire un pour le Québec? Si le Canada investit moins dans la culture, le Québec devrait riposter en investissant plus dans la culture. Si le fédéral ne veut plus du bilinguisme dans l'armée, pourquoi le provincial ne financerait pas en partie une division francophone de l'armée canadienne? Pourquoi ne pas immédiatement créer une société d'État de livraison qui concurrencerait Poste Canada? En clair, on devrait immédiatement mettre en place des institutions provinciales qui seront indispensables dans l'éventualité où l'on se séparerait mais qui auraient tout de même leur raison d'être pendant que l'on demeure au sein du Canada.
Une autre stratégie qui devrait être utilisée serait d'essayer de réduire au minimum les interactions entre le citoyen et le fédéral, par exemple en offrant de remplir pour lui tout formulaire, rapport d'impôt, demande de subventions, demande de passeport, d'acquisition de sa citoyenneté, etc. Bref, que le citoyen (ou le futur citoyen) puisse n'interagir qu'avec le provincial s'il le veut, qui lui-même se chargera à sa place de transiger avec le gouvernement canadien. Ultimement, ce pallier gouvernemental deviendrait donc de plus en plus superflu dans l'univers du citoyen, comme une sorte d'intimidateur qui lui taxe son argent sans rien lui apporter en retour.
En gros, ce que j'essaye de dire, c'est que l'accession à la souveraineté n'est pas quelque chose qui peut se faire spontanément suite à un référendum. C'est un long processus. Mais si ledit processus est déjà enclenché et que la population peut en voir les effets bénéfiques, alors le référendum lui-même aura plus de succès.
Bref, j'étais en train de me demander comment on allait se diriger vers la souveraineté. Quelle place un parti souverainiste devrait-il donner à ce projet dans son agenda? Traditionnellement, on faisait un référendum en se disant qu'on se séparerait si le OUI gagnerait. Je me disais que l'on devrait peut-être inverser notre stratégie: Commencer par essayer de donner au gouvernement provincial autant d'autonomie que possible par rapport au fédéral sans pour autant sortir de l'union canadienne, puis, lorsqu'il ne sera plus possible d'en acquérir plus (soit parce que le fédéral s'y opposera, soit parce qu'obtenir un statut de pays resterait la seule liberté que nous n'ayons pas acquise) on déclenche un référendum sur la séparation.
En fait, la séparation ne devrait pas être présentée comme une fin en soi mais comme un moyen. Le véritable objectif ici est que le Québec acquiert plus d'autonomie, afin de mieux répondre aux besoins de sa population. Sortir du Canada n'est que l'étape finale dans l'accomplissement de cet objectif. Commencer par acquérir l'autonomie avant la souveraineté présenterait l'avantage de clarifier la question référendaire. Si l'on a déjà acquis tout plein d'autonomie sans avoir besoin de se séparer, alors la souveraineté devient surtout une question symbolique de reconnaissance et d'avoir sa place sur la scène internationale à égalité avec les nations souveraines. Si l'on s'est buté à un obstacle dans notre quête d'autonomie à cause du fait que nous demeurions dans le Canada, alors on sait beaucoup mieux pourquoi l'on devrait se séparer.
La stratégie qui devrait être en place c'est de saisir toute juridiction que le fédéral néglige ou délaisse et de créer une instance provinciale pour s'en occuper. Par exemple, si le Canada ne veut plus de registre des armes à feu, pourquoi ne pas en faire un pour le Québec? Si le Canada investit moins dans la culture, le Québec devrait riposter en investissant plus dans la culture. Si le fédéral ne veut plus du bilinguisme dans l'armée, pourquoi le provincial ne financerait pas en partie une division francophone de l'armée canadienne? Pourquoi ne pas immédiatement créer une société d'État de livraison qui concurrencerait Poste Canada? En clair, on devrait immédiatement mettre en place des institutions provinciales qui seront indispensables dans l'éventualité où l'on se séparerait mais qui auraient tout de même leur raison d'être pendant que l'on demeure au sein du Canada.
Une autre stratégie qui devrait être utilisée serait d'essayer de réduire au minimum les interactions entre le citoyen et le fédéral, par exemple en offrant de remplir pour lui tout formulaire, rapport d'impôt, demande de subventions, demande de passeport, d'acquisition de sa citoyenneté, etc. Bref, que le citoyen (ou le futur citoyen) puisse n'interagir qu'avec le provincial s'il le veut, qui lui-même se chargera à sa place de transiger avec le gouvernement canadien. Ultimement, ce pallier gouvernemental deviendrait donc de plus en plus superflu dans l'univers du citoyen, comme une sorte d'intimidateur qui lui taxe son argent sans rien lui apporter en retour.
En gros, ce que j'essaye de dire, c'est que l'accession à la souveraineté n'est pas quelque chose qui peut se faire spontanément suite à un référendum. C'est un long processus. Mais si ledit processus est déjà enclenché et que la population peut en voir les effets bénéfiques, alors le référendum lui-même aura plus de succès.
jeudi 2 juin 2011
Interdire la discrimination
Comment devrait-on s'y prendre pour écrire une loi qui prohibe la discrimination? Prenez l'article 10 de la charte des droits et liberté du Québec:
Le problème que j'y vois c'est qu'on y précise les formes de discriminations qui sont interdites (sexe, race, religion) ce qui autorise les autres formes de discrimination, même quand elles sont tout aussi arbitraires et pénalisantes. Par exemple, est-il correct de refuser d'engager une personne parce qu'elle est laide? Si c'est pour un poste d'adjointe administrative il est clair que non, mais pour un emploi ou l'apparence physique importe, comme serveuse dans un bar par exemple?
À mon humble avis, on devrait reformuler le contenu de la Charte. Ce qui est à proscrire c'est la discrimination arbitraire. Tout simplement. Que cette discrimination soit basée sur le sexe, la beauté ou le signe astrologique n'a pas à être précisé dans la Charte. Dans le cas de l'embauche par exemple, s'il n'y a pas de lien pertinent entre le critère discriminant utilisé par l'employeur et le poste pour lequel l'employé est engagé, alors l'employeur est injustement discriminatoire. Point. On aura beau essayer d'y énumérer tous les critères de discrimination possible que les gens s'en inventeront de nouveaux.
Par ailleurs, il y a des situations dans lesquelles ces catégories s'adonnent à être corrélées avec une discrimination légitime. Refuser d'engager une personne laide comme serveuse dans un bar, c'est comme de refuser d'engager une femme comme déménageur de pianos (à moins qu'elle ne soit très musclées) ou de refuser d'engager un aveugle comme gardien de sécurité: Ça pénalise certaines personnes mais il est logique de ne pas donner un poste à une personne qui n'a pas les compétences pour le poste en question; que les compétences en question soient ou non fortement corrélées avec un groupe parfois victime de discrimination.
«Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.»
Le problème que j'y vois c'est qu'on y précise les formes de discriminations qui sont interdites (sexe, race, religion) ce qui autorise les autres formes de discrimination, même quand elles sont tout aussi arbitraires et pénalisantes. Par exemple, est-il correct de refuser d'engager une personne parce qu'elle est laide? Si c'est pour un poste d'adjointe administrative il est clair que non, mais pour un emploi ou l'apparence physique importe, comme serveuse dans un bar par exemple?
À mon humble avis, on devrait reformuler le contenu de la Charte. Ce qui est à proscrire c'est la discrimination arbitraire. Tout simplement. Que cette discrimination soit basée sur le sexe, la beauté ou le signe astrologique n'a pas à être précisé dans la Charte. Dans le cas de l'embauche par exemple, s'il n'y a pas de lien pertinent entre le critère discriminant utilisé par l'employeur et le poste pour lequel l'employé est engagé, alors l'employeur est injustement discriminatoire. Point. On aura beau essayer d'y énumérer tous les critères de discrimination possible que les gens s'en inventeront de nouveaux.
Par ailleurs, il y a des situations dans lesquelles ces catégories s'adonnent à être corrélées avec une discrimination légitime. Refuser d'engager une personne laide comme serveuse dans un bar, c'est comme de refuser d'engager une femme comme déménageur de pianos (à moins qu'elle ne soit très musclées) ou de refuser d'engager un aveugle comme gardien de sécurité: Ça pénalise certaines personnes mais il est logique de ne pas donner un poste à une personne qui n'a pas les compétences pour le poste en question; que les compétences en question soient ou non fortement corrélées avec un groupe parfois victime de discrimination.
mercredi 1 juin 2011
Éthique de l'élevage
Mise en situation:
Dans ce scénario, pourrait-on reprocher à l'homme d'avoir tué l'animal? Éthiquement, a-t-il mal agit? Pour moi, il est clair que non. Je n'aurais strictement rien à lui reprocher. C'est une situation ponctuelle, non préméditée. La proie y gagne beaucoup plus qu'elle n'y perd et elle n'est tuée que par nécessité. L'homme a retiré cette bête de la nature dans son intérêt à elle, sans avoir pour but d'en faire son dîner. Cette situation représente pour moi un «élevage idéal» d'un point de vue éthique. C'est-à-dire que l'ensemble des arguments qui pourraient légitimer l'élevage et l'abattage d'animaux sont présents sous leur forme la plus forte. Si l'on soutient, par exemple, que l'animal est plus heureux dans l'élevage que dans la nature, ce serait indubitablement le cas dans notre mise en situation.
Pour moi, donc, pour que l'élevage d'animaux ait des chances d'être éthique, il doit se rapprocher le plus possible de cette mise en situation. Si l'animal est maltraité, ce n'est plus éthique. Si les conditions d'élevage sont pires que celles de la nature, alors ce n'est pas éthique non plus. Il faudrait que l'animal gagne à être en élevage plutôt que sauvage. Si, nous-mêmes, nous avions à choisir entre vivre l'une ou l'autre de ces vies alternatives, nous préférerions la vie d'élevage.
Mais il y a également d'autres facteurs à considérer. Par exemple, l'animal d'un élevage moderne est bien différent de son ancêtre sauvage. Il a été altéré par les croisements sélectifs et n'est désormais plus du tout adapté à la vie sauvage. La vie d'élevage est donc la seule à laquelle il soit adapté. Est-il donc automatiquement éthique de continuer son élevage? C'est comme si l'on avait rendu un être dépendant d'une situation douloureuse, et que l'on justifiait ainsi de le maintenir dans cette situation douloureuse. Indépendamment de l'alternative sauvage, on peut questionner pour elles-mêmes les conditions de vie que nous imposons aux animaux d'élevage. Même si nous sauvons la vie d'un être, cela ne nous donne pas le droit de lui faire vivre ce que l'on veut ensuite. L'homme dans ma petite histoire du début, a tué son animal non parce qu'il l'avait sauvé au préalable, mais parce que cela lui était nécessaire. Nous est-il nécessaire d'imposer de telles conditions de vie aux animaux d'élevage?
Mais une autre question en amont rend inutile toute tentative de répondre à ces questions-ci. Pour l'illustrer, reprenons ma mise en situation du début mais modifions-la légèrement. Imaginons que l'homme n'ait pas trouvé un seul animal dans les bois mais un couple d'animaux, et qu'il ait en réserve un peu plus de nourriture. Supposons qu'après avoir constaté qu'il avait tout juste assez de nourriture pour eux trois pour tout l'hiver, l'homme ait tout de même choisi de laisser ses deux bêtes se reproduire. Bref, il a décidé de faire venir au monde plus de bêtes en sachant qu'ils finiraient par manquer de nourriture et qu'il serait donc contraint de les manger. Ainsi, pour ces nouveaux-nés, le dilemme éthique n'est pas de savoir s'il leur aurait été plus avantageux de vivre dans la nature ou chez cet homme, c'est tout simplement de savoir si cette vie est préférable à la non-existence.
La situation de l'élevage moderne ressemble plus à cette version altérée de mon histoire d'origine. La reproduction des bêtes est totalement contrôlée par les éleveurs. Ce ne sont pas des individus qui ont été retirés de la vie sauvage, ils ont été créés sciemment dans le but d'être abattus et mangés. Comme je le disais dans ma réflexion sur nos devoirs envers les générations futures et dans celle sur les droits de l'enfant, amener un être à l'existence ne nous donne pas de droit sur lui. Au contraire. Les êtres qui n'existent pas encore ne sont pas en train de souffrir ou de désirer exister. L'inexistence devrait être traitée par notre éthique comme un état de béatitude ou, disons, un état «neutre», c'est-à-dire sans bonheur ni souffrance. Donc pour qu'amener un être à l'existence soit éthique, il faut que l'on s'assure au préalable qu'il puisse avoir une vie où le bonheur domine largement sur la souffrance. Ce n'est manifestement pas le cas dans l'élevage intensif.
Bref, ma position n'est pas qu'il est en tout temps et en tout contexte contraire à l'éthique de retirer un animal de son environnement puis de prendre soin de lui avant de l'abattre et de le manger. C'est surtout la forme spécifique que revêt cette activité dans notre civilisation que je trouve indéfendable.
Un homme vivait seul dans une petite cabane au milieu de la forêt. Un matin de novembre, il trouva une bête blessée dans les bois. Il décida de l'amener chez lui pour la soigner. L'animal s'en remit vite mais était dès lors trop handicapé pour survivre dans la nature en plein hiver. L'homme choisît donc de garder la bête avec lui jusqu'au printemps et de partager avec elle ses provisions. Malheureusement, il avait sous-estimé l'appétit de son protégé; ses réserves alimentaires diminuèrent beaucoup plus rapidement que ce qu'il n'avait prévu. Lorsqu'il restait encore un mois à la saison froide, son stock de nourriture était à sec. L'homme dut se résoudre à abattre l'animal qu'il avait hébergé, afin de manger son cadavre. Il lui offrit une mort rapide et presque indolore. Il surmonta les remords en se disant que, de toute façon, la bête serait déjà morte depuis longtemps, d'une mort beaucoup plus douloureuse, s'il ne s'en était pas occupé tout l'hiver.
Dans ce scénario, pourrait-on reprocher à l'homme d'avoir tué l'animal? Éthiquement, a-t-il mal agit? Pour moi, il est clair que non. Je n'aurais strictement rien à lui reprocher. C'est une situation ponctuelle, non préméditée. La proie y gagne beaucoup plus qu'elle n'y perd et elle n'est tuée que par nécessité. L'homme a retiré cette bête de la nature dans son intérêt à elle, sans avoir pour but d'en faire son dîner. Cette situation représente pour moi un «élevage idéal» d'un point de vue éthique. C'est-à-dire que l'ensemble des arguments qui pourraient légitimer l'élevage et l'abattage d'animaux sont présents sous leur forme la plus forte. Si l'on soutient, par exemple, que l'animal est plus heureux dans l'élevage que dans la nature, ce serait indubitablement le cas dans notre mise en situation.
Pour moi, donc, pour que l'élevage d'animaux ait des chances d'être éthique, il doit se rapprocher le plus possible de cette mise en situation. Si l'animal est maltraité, ce n'est plus éthique. Si les conditions d'élevage sont pires que celles de la nature, alors ce n'est pas éthique non plus. Il faudrait que l'animal gagne à être en élevage plutôt que sauvage. Si, nous-mêmes, nous avions à choisir entre vivre l'une ou l'autre de ces vies alternatives, nous préférerions la vie d'élevage.
Mais il y a également d'autres facteurs à considérer. Par exemple, l'animal d'un élevage moderne est bien différent de son ancêtre sauvage. Il a été altéré par les croisements sélectifs et n'est désormais plus du tout adapté à la vie sauvage. La vie d'élevage est donc la seule à laquelle il soit adapté. Est-il donc automatiquement éthique de continuer son élevage? C'est comme si l'on avait rendu un être dépendant d'une situation douloureuse, et que l'on justifiait ainsi de le maintenir dans cette situation douloureuse. Indépendamment de l'alternative sauvage, on peut questionner pour elles-mêmes les conditions de vie que nous imposons aux animaux d'élevage. Même si nous sauvons la vie d'un être, cela ne nous donne pas le droit de lui faire vivre ce que l'on veut ensuite. L'homme dans ma petite histoire du début, a tué son animal non parce qu'il l'avait sauvé au préalable, mais parce que cela lui était nécessaire. Nous est-il nécessaire d'imposer de telles conditions de vie aux animaux d'élevage?
Mais une autre question en amont rend inutile toute tentative de répondre à ces questions-ci. Pour l'illustrer, reprenons ma mise en situation du début mais modifions-la légèrement. Imaginons que l'homme n'ait pas trouvé un seul animal dans les bois mais un couple d'animaux, et qu'il ait en réserve un peu plus de nourriture. Supposons qu'après avoir constaté qu'il avait tout juste assez de nourriture pour eux trois pour tout l'hiver, l'homme ait tout de même choisi de laisser ses deux bêtes se reproduire. Bref, il a décidé de faire venir au monde plus de bêtes en sachant qu'ils finiraient par manquer de nourriture et qu'il serait donc contraint de les manger. Ainsi, pour ces nouveaux-nés, le dilemme éthique n'est pas de savoir s'il leur aurait été plus avantageux de vivre dans la nature ou chez cet homme, c'est tout simplement de savoir si cette vie est préférable à la non-existence.
La situation de l'élevage moderne ressemble plus à cette version altérée de mon histoire d'origine. La reproduction des bêtes est totalement contrôlée par les éleveurs. Ce ne sont pas des individus qui ont été retirés de la vie sauvage, ils ont été créés sciemment dans le but d'être abattus et mangés. Comme je le disais dans ma réflexion sur nos devoirs envers les générations futures et dans celle sur les droits de l'enfant, amener un être à l'existence ne nous donne pas de droit sur lui. Au contraire. Les êtres qui n'existent pas encore ne sont pas en train de souffrir ou de désirer exister. L'inexistence devrait être traitée par notre éthique comme un état de béatitude ou, disons, un état «neutre», c'est-à-dire sans bonheur ni souffrance. Donc pour qu'amener un être à l'existence soit éthique, il faut que l'on s'assure au préalable qu'il puisse avoir une vie où le bonheur domine largement sur la souffrance. Ce n'est manifestement pas le cas dans l'élevage intensif.
Bref, ma position n'est pas qu'il est en tout temps et en tout contexte contraire à l'éthique de retirer un animal de son environnement puis de prendre soin de lui avant de l'abattre et de le manger. C'est surtout la forme spécifique que revêt cette activité dans notre civilisation que je trouve indéfendable.
dimanche 29 mai 2011
Les liens du sang
J'avais une discussion dernièrement avec un de mes amis à propos d'un fait divers: C'était l'histoire d'un homme qui découvrait que son fils de treize ans n'était pas son enfant biologique. Comme cet homme avait perdu la garde de l'enfant en question quelques années plus tôt, la question était de savoir si, maintenant qu'il savait n'avoir aucun lien génétique avec lui, il devait continuer de lui verser une pension alimentaire ou s'il devait, au contraire, exiger d'être remboursé par la mère pour toute ces années de pensions alimentaires illégitimes.
Je trouve personnellement que l'on accorde une trop grande importance aux «liens du sang» dans notre culture. Tant au niveau de la relation entre le parent et son enfant, qu'au niveau de la relation entre le Québec moderne et son Histoire. Qu'un enfant adopté utilise l'expression «ma vraie mère» pour parler de la personne qui l'a engendré plutôt que de celle qui l'a élevé, m'apparaît aberrant. De même qu'il m'apparaît aberrant que l'on utilise l'expression «nos ancêtres» pour parler des colons français du seizième siècle, alors que même la plupart des «de souche» ont d'autres ascendants (des Anglais et des autochtones par exemple).
Si l'on en croit l'hypothèse Sapir-Whorf, la façon dont on nomme les choses affecte notre conception des choses. Qu'un enfant ne se perçoive pas comme «le vrai enfant» de ses parents simplement parce qu'il a été adopté ou qu'un citoyen ne se perçoive pas comme «un vrai Québécois» simplement parce qu'il n'avait pas d'ancêtres ici au seizième siècle, me semble être un symptôme d'une terminologie qui a abusivement recours aux «liens du sang». Je propose donc de redéfinir certains mots, de la manière suivante:
À partir de cette base qui définit les liens de parentés fondamentaux (filiation et germanité) de deux manières différentes (génétique et sociale), on peut redéfinir aussi les autres liens de parenté: les grands-parents, les oncles, tantes, cousins, cousines, neveux et nièces. Par exemple, le grand-parent pourrait être celui qui a élevé la personne qui a élevé l'enfant, tandis que le géniteur du géniteur pourrait être désigné par un néologisme tel que «métagéniteur». Et pour poursuivre cette idée, les termes «oncle» et «tante» pourraient aussi inclure des amis proches des parents.
En plus de raffermir le lien de filiation des enfants adoptés, cette terminologie contribuerait à démarginaliser la monoparentalité, l'homoparentalité et même la polyparentalité. En effet, dans le modèle actuel on présume que tout enfant a un père et une mère. L'enfant peut sentir qu'il lui manque quelque chose s'il n'a pas de père. Or, si l'on se contentait de dire que tout enfant a un géniteur et une génitrice, mais que son nombre de père ou de mère peut varier, il n'y aurait plus rien d'aberrant à n'avoir qu'un parent ou à avoir deux pères. Par ailleurs, les enfants adoptés rechercheraient peut-être moins à trouver et connaitre leurs parents biologiques et n'auraient pas d'attachement affectif gratuit envers eux.
Pour les liens plus lointains, comme celui entre les Québécois modernes et les fondateurs, je propose simplement que l'on privilégie des expressions comme «nos prédécesseurs» plutôt que «nos ancêtres». C'est beaucoup plus réaliste et inclusif. Que j'aie des origines françaises, autochtones ou issues d'une vague de migrations très récente, si je vis au Québec les colons français sont indéniablement mes prédécesseurs.
Pour la plupart d'entre nous, cette nouvelle terminologie ne changerait rien puisque la mère d'une personne est souvent aussi sa génitrice et sa gestatrice, mais cela nous rappellerait que ce que l'on a hérité de nos parents est moins un génotype qu'une éducation. Mon opinion est qu'une société moderne devrait moins focaliser sur l'apport génétique (à moins qu'il soit atypique) que sur l'apport intellectuel d'une filiation. Génétiquement, la plupart des humains sont à peu prêt semblables. Que je conçoive mon enfant moi-même ou que je l'adopte ne changera pas grand-chose à ce qu'il deviendra. C'est l'ensemble des traits non innés (culture, connaissances, valeurs) transmis d'un parent à son enfant ou d'un ancien à un moderne qui font la spécificité de ce genre de relation. Oublions les liens du sang, concentrons-nous sur les liens de l'esprit.
Je trouve personnellement que l'on accorde une trop grande importance aux «liens du sang» dans notre culture. Tant au niveau de la relation entre le parent et son enfant, qu'au niveau de la relation entre le Québec moderne et son Histoire. Qu'un enfant adopté utilise l'expression «ma vraie mère» pour parler de la personne qui l'a engendré plutôt que de celle qui l'a élevé, m'apparaît aberrant. De même qu'il m'apparaît aberrant que l'on utilise l'expression «nos ancêtres» pour parler des colons français du seizième siècle, alors que même la plupart des «de souche» ont d'autres ascendants (des Anglais et des autochtones par exemple).
Si l'on en croit l'hypothèse Sapir-Whorf, la façon dont on nomme les choses affecte notre conception des choses. Qu'un enfant ne se perçoive pas comme «le vrai enfant» de ses parents simplement parce qu'il a été adopté ou qu'un citoyen ne se perçoive pas comme «un vrai Québécois» simplement parce qu'il n'avait pas d'ancêtres ici au seizième siècle, me semble être un symptôme d'une terminologie qui a abusivement recours aux «liens du sang». Je propose donc de redéfinir certains mots, de la manière suivante:
parent, père, mère : Personne qui élève l'enfant.
géniteur, génitrice : Personne qui transmet ses gènes à l'enfant.
gestateur, gestatrice : Personne ayant porté l'enfant dans son ventre.
enfant, fille, fils : Personne que l'on élève.
progéniture, rejeton : Personne que l'on a engendrée.
frère, sœur : Personne ayant été élevé par la ou les même(s) personne(s) que l'enfant.
demi-frère, demi-sœur : Personne ayant d'abord été élevé séparément puis ayant partagé plus tardivement un ou plusieurs parents avec l'enfant.
germain(e) : Personne ayant été engendrée par le même géniteur et/ou la même génitrice que l'enfant.
À partir de cette base qui définit les liens de parentés fondamentaux (filiation et germanité) de deux manières différentes (génétique et sociale), on peut redéfinir aussi les autres liens de parenté: les grands-parents, les oncles, tantes, cousins, cousines, neveux et nièces. Par exemple, le grand-parent pourrait être celui qui a élevé la personne qui a élevé l'enfant, tandis que le géniteur du géniteur pourrait être désigné par un néologisme tel que «métagéniteur». Et pour poursuivre cette idée, les termes «oncle» et «tante» pourraient aussi inclure des amis proches des parents.
En plus de raffermir le lien de filiation des enfants adoptés, cette terminologie contribuerait à démarginaliser la monoparentalité, l'homoparentalité et même la polyparentalité. En effet, dans le modèle actuel on présume que tout enfant a un père et une mère. L'enfant peut sentir qu'il lui manque quelque chose s'il n'a pas de père. Or, si l'on se contentait de dire que tout enfant a un géniteur et une génitrice, mais que son nombre de père ou de mère peut varier, il n'y aurait plus rien d'aberrant à n'avoir qu'un parent ou à avoir deux pères. Par ailleurs, les enfants adoptés rechercheraient peut-être moins à trouver et connaitre leurs parents biologiques et n'auraient pas d'attachement affectif gratuit envers eux.
Pour les liens plus lointains, comme celui entre les Québécois modernes et les fondateurs, je propose simplement que l'on privilégie des expressions comme «nos prédécesseurs» plutôt que «nos ancêtres». C'est beaucoup plus réaliste et inclusif. Que j'aie des origines françaises, autochtones ou issues d'une vague de migrations très récente, si je vis au Québec les colons français sont indéniablement mes prédécesseurs.
Pour la plupart d'entre nous, cette nouvelle terminologie ne changerait rien puisque la mère d'une personne est souvent aussi sa génitrice et sa gestatrice, mais cela nous rappellerait que ce que l'on a hérité de nos parents est moins un génotype qu'une éducation. Mon opinion est qu'une société moderne devrait moins focaliser sur l'apport génétique (à moins qu'il soit atypique) que sur l'apport intellectuel d'une filiation. Génétiquement, la plupart des humains sont à peu prêt semblables. Que je conçoive mon enfant moi-même ou que je l'adopte ne changera pas grand-chose à ce qu'il deviendra. C'est l'ensemble des traits non innés (culture, connaissances, valeurs) transmis d'un parent à son enfant ou d'un ancien à un moderne qui font la spécificité de ce genre de relation. Oublions les liens du sang, concentrons-nous sur les liens de l'esprit.
mercredi 18 mai 2011
Statut du mariage
Il y a quelques années nous avons légalisé le mariage gay au Canada. À l'époque, le sujet semait beaucoup de controverse. Il y avait des gens qui tenaient à maintenir la «définition traditionnelle» du mariage, à cause de leurs croyances religieuses. J'avais alors eu une idée pour réconcilier l'opinion des intégristes et celle des progressistes. Je proposais de:
Puisque c'est surtout le terme «mariage» qui était sacralisé par les ultracroyants, je me disais qu'en leur laissant, tout le monde serait content. Mais finalement, on a tout simplement légalisé le mariage gay et les religieux ont fini par se calmer. Toutefois, réfléchir sur le concept de mariage demeure d'actualité. En effet, si j'ai bien compris, depuis l'affaire d'Éric et Lola, il n'est plus nécessaire d'être marié (religieusement ou civilement) pour être légalement considéré comme un couple marié. Le simple fait de vivre en union de fait (c'est-à-dire, de cohabiter depuis un certain temps avec une personne avec qui l'on vit aussi une relation amoureuse) suffit pour acquérir ces droits.
Évidemment, cette situation est aberrante (particulièrement, dans la situation d'Éric et Lola… je ne comprends pourquoi l'ex-femme au foyer d'un millionnaire mériterait plus d'argent que l'ex-femme au foyer d'un commis de dépanneur; sa définition de tâche était la même). L'argument principal est qu'il serait discriminatoire envers les couples non mariés de ne pas leur accorder les mêmes droits qu'aux couples mariés… c'est un peu comme si l'on disait à une compagnie d'assurance qu'en ne dédommageant que ses clients, elle discrimine les gens qui n'ont pas de contrat d'assurance avec elle.
Mais ce que je réalise surtout c'est que le rite ou le contrat du mariage devient encore plus obsolète puisque c'est l'état de fait qui change l'état civil. Par ailleurs, je trouve aussi très ambiguë la démarcation entre une union de fait et deux colocataires qui sont juste amis. Comment fait-on pour prouver qu'ils vivent une relation amoureuse? Doit-on mesurer le taux d'affection qu'ils éprouvent l'un pour l'autre? Mais pourquoi serait-il pertinent de considérer quelque chose d'aussi intangible que l'amour dans une telle situation? Il me semble qu'un sentiment comme l'amour conjugal est d'une nature trop volatil pour servir de fondement à ce genre de contrat. À quoi sert au fond la reconnaissance légale du mariage? C'est surtout fiscal, on veut savoir si la personne doit s'autosuffire financièrement ou si elle collabore avec une autre personne. C'est donc seulement la collaboration entre individus qui devraient avoir un statut légal, et non pas l'amour.
Bref, suite à ça, j'ai une nouvelle proposition pour réformer le mariage. En fait, je ne fais que réitérer mon ancienne proposition mais je vais un peu plus loin. Je propose que la mariage ou l'union cesse d'exister légalement et qu'il soit substitué par trois types d'«alliances» différentes et indépendantes:
Les droits du mariage seraient répartis dans ces trois sortes de contrat informel. Ainsi, deux personnes qui vivraient ensemble, qui auraient des enfants en commun et qui posséderaient des biens en commun seraient dans la même situation qu'un couple marié actuellement. Lorsqu'ils cesseraient de cohabiter, ils seraient comme un couple divorcé. La reconnaissance du lien de copropriété permettrait à un couple qui se sépare d'avoir recours au système judiciaire pour se répartir leurs biens s'ils ne parviennent pas à le faire par eux-mêmes sans conflit. Deux personnes partageant un lien de coparentalité (qui ne se romprait que lorsque les enfants deviendrait adultes ou décéderaient, ou si l'un des deux perds totalement la garde de l'enfant), sans partager de lien de cohabitation ou de copropriété, seraient légalement dans la même situation qu'un couple divorcé avec enfants en ce moment. Les tribunaux pourraient donc leur imposer la garde partagée ou une pension alimentaire.
Il me semble que réviser dans ce sens la nature légale du contrat de mariage présenterait de nombreux avantages. En plus d'être mieux adapté à la gestion des ruptures (ce qui, finalement, me semble être la seule fonction du mariage désormais), il posséderait la plasticité nécessaire pour répondre aux besoins de toute la diversité des ménages de nos jours. Qu'un foyer soit composé d'un couple hétérosexuel marié à l'église, d'un couple homosexuel marié civilement, d'une unité polygame ou de simples colocataires, la loi n'en aura rien à faire. Ce qui serait considéré serait uniquement ce qui est pertinent pour évaluer comment ils collaborent et comment la rupture de cette collaboration devrait être gérée.
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*C'est la cohabitation qui me semble être la forme la plus intime de collaboration, mais c'est également celle qui est le plus difficilement gérable. Comment, en effet, peut-on savoir si deux personnes qui cohabitent se partagent les tâches ou si elles font leurs choses indépendamment chacune de leur côté? Peut-être serait-il souhaitable de rendre obligatoire un «contrat de cohabitation» qui spécifierait à l'avance à quel niveau les deux personnes prévoit collaborer. On saurait, par exemple, lorsque l'un des deux ne travaille pas, si c'est parce qu'il est prévu qu'il se concentre sur les tâches ménagères.
- Laisser le mot «mariage» aux religions et n'utiliser que le terme «union» pour les mariages civils;
- Retirer toute reconnaissance légale aux mariages religieux;
- Donner aux couples homosexuels et aux unités polygames le droit de s'unir civilement de la même façon que les couples hétérosexuels monogames;
Puisque c'est surtout le terme «mariage» qui était sacralisé par les ultracroyants, je me disais qu'en leur laissant, tout le monde serait content. Mais finalement, on a tout simplement légalisé le mariage gay et les religieux ont fini par se calmer. Toutefois, réfléchir sur le concept de mariage demeure d'actualité. En effet, si j'ai bien compris, depuis l'affaire d'Éric et Lola, il n'est plus nécessaire d'être marié (religieusement ou civilement) pour être légalement considéré comme un couple marié. Le simple fait de vivre en union de fait (c'est-à-dire, de cohabiter depuis un certain temps avec une personne avec qui l'on vit aussi une relation amoureuse) suffit pour acquérir ces droits.
Évidemment, cette situation est aberrante (particulièrement, dans la situation d'Éric et Lola… je ne comprends pourquoi l'ex-femme au foyer d'un millionnaire mériterait plus d'argent que l'ex-femme au foyer d'un commis de dépanneur; sa définition de tâche était la même). L'argument principal est qu'il serait discriminatoire envers les couples non mariés de ne pas leur accorder les mêmes droits qu'aux couples mariés… c'est un peu comme si l'on disait à une compagnie d'assurance qu'en ne dédommageant que ses clients, elle discrimine les gens qui n'ont pas de contrat d'assurance avec elle.
Mais ce que je réalise surtout c'est que le rite ou le contrat du mariage devient encore plus obsolète puisque c'est l'état de fait qui change l'état civil. Par ailleurs, je trouve aussi très ambiguë la démarcation entre une union de fait et deux colocataires qui sont juste amis. Comment fait-on pour prouver qu'ils vivent une relation amoureuse? Doit-on mesurer le taux d'affection qu'ils éprouvent l'un pour l'autre? Mais pourquoi serait-il pertinent de considérer quelque chose d'aussi intangible que l'amour dans une telle situation? Il me semble qu'un sentiment comme l'amour conjugal est d'une nature trop volatil pour servir de fondement à ce genre de contrat. À quoi sert au fond la reconnaissance légale du mariage? C'est surtout fiscal, on veut savoir si la personne doit s'autosuffire financièrement ou si elle collabore avec une autre personne. C'est donc seulement la collaboration entre individus qui devraient avoir un statut légal, et non pas l'amour.
Bref, suite à ça, j'ai une nouvelle proposition pour réformer le mariage. En fait, je ne fais que réitérer mon ancienne proposition mais je vais un peu plus loin. Je propose que la mariage ou l'union cesse d'exister légalement et qu'il soit substitué par trois types d'«alliances» différentes et indépendantes:
- Cohabitation (vivent ensemble),*
- Coparentalité (sont ensemble les tuteurs légaux d'un ou de plusieurs enfants),
- Copropriété (ont des propriétés communes),
Les droits du mariage seraient répartis dans ces trois sortes de contrat informel. Ainsi, deux personnes qui vivraient ensemble, qui auraient des enfants en commun et qui posséderaient des biens en commun seraient dans la même situation qu'un couple marié actuellement. Lorsqu'ils cesseraient de cohabiter, ils seraient comme un couple divorcé. La reconnaissance du lien de copropriété permettrait à un couple qui se sépare d'avoir recours au système judiciaire pour se répartir leurs biens s'ils ne parviennent pas à le faire par eux-mêmes sans conflit. Deux personnes partageant un lien de coparentalité (qui ne se romprait que lorsque les enfants deviendrait adultes ou décéderaient, ou si l'un des deux perds totalement la garde de l'enfant), sans partager de lien de cohabitation ou de copropriété, seraient légalement dans la même situation qu'un couple divorcé avec enfants en ce moment. Les tribunaux pourraient donc leur imposer la garde partagée ou une pension alimentaire.
Il me semble que réviser dans ce sens la nature légale du contrat de mariage présenterait de nombreux avantages. En plus d'être mieux adapté à la gestion des ruptures (ce qui, finalement, me semble être la seule fonction du mariage désormais), il posséderait la plasticité nécessaire pour répondre aux besoins de toute la diversité des ménages de nos jours. Qu'un foyer soit composé d'un couple hétérosexuel marié à l'église, d'un couple homosexuel marié civilement, d'une unité polygame ou de simples colocataires, la loi n'en aura rien à faire. Ce qui serait considéré serait uniquement ce qui est pertinent pour évaluer comment ils collaborent et comment la rupture de cette collaboration devrait être gérée.
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*C'est la cohabitation qui me semble être la forme la plus intime de collaboration, mais c'est également celle qui est le plus difficilement gérable. Comment, en effet, peut-on savoir si deux personnes qui cohabitent se partagent les tâches ou si elles font leurs choses indépendamment chacune de leur côté? Peut-être serait-il souhaitable de rendre obligatoire un «contrat de cohabitation» qui spécifierait à l'avance à quel niveau les deux personnes prévoit collaborer. On saurait, par exemple, lorsque l'un des deux ne travaille pas, si c'est parce qu'il est prévu qu'il se concentre sur les tâches ménagères.
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