vendredi 30 janvier 2009

La science est merveilleuse

Pourquoi la science a-t-elle la réputation d'être «froide, ennuyeuse et vide de sens»? Personnellement, je la trouve merveilleuse.

Quand je regarde autour de moi toutes les merveilles de la technologie : Nous pouvons construire des bâtiments plus hauts que les montagnes. Nous déplacer de par le monde plus vite que le plus rapide des chevaux. Communiquer instantanément avec n'importe lequel de nos congénères, où qu'il soit sur Terre. Nous avons la lumière la nuit, la chaleur l'hiver. Nous pouvons voler plus haut que n'importe quel oiseaux tout comme descendre plus profondément dans l'océan que n'importe quel poisson des abysses. Nous vivons plus vieux que tous les animaux sur Terre (exception faite, peut-être, de certains spécimens de tortues) et les maladies qui décimaient nos ancêtres sont désormais bénignes. Tous ces «miracles» dépassent ceux que les anciens attribuaient aux dieux.

Et quand je contemple l'univers à travers l'œil éclairé de la science, mon émerveillement est suscité davantage. La théorie de l'évolution et le Big-Bang m'apparaissent de loin plus élégantes que tous les mythes cosmogoniques. La danse des planètes autour du soleil est plus gracieuse que celle du géocentrisme. Les toutes-puissantes forces aveugles qui régissent l'univers sont plus grandioses que les grotesques divinités anthropomorphes des vieux panthéons. L'univers tel que modélisé par la science est de loin plus complexe et merveilleux que tout ce que nos ancêtres ont pu s'imaginer. Leurs théories primitives qui prêtaient des caractères humains à toutes choses et qui ne voyaient rien derrière l'horizon ont l'air de contes pour enfants à côté des nôtres qui appréhendent l'univers dans sa grandeur par-delà l'échelle des galaxies et qui scrutent la matière dans son essence profonde jusqu'aux confins de l'atome.

J'ai l'impression que certaines gens ne sont émerveillés que par ce qu'ils ne comprennent pas. Aussitôt qu'ils comprennent les causes optiques de l'arc-en-ciel ou les causes neurologiques de l'amour, ils ont l'impression que «la magie s'envole». Pourtant, ce n'est pas parce qu'une chose est explicable scientifiquement qu'elle ne peut pas être merveilleuse en même temps. Mon hypothèse est que l'émerveillement face à une chose découle de la complexité perçue de cette chose, et que le fait de ne pas comprendre son fonctionnement nous laisse croire que la chose en question est très complexe. Or, la science nous permet de révéler la réelle complexité des choses. Elles ne devraient donc nous en paraître que plus merveilleuses. D'autant plus que le degré de complexité des réalités scientifiques est souvent supérieur à ce que l'on aurait pu s'imaginer.

Apprenons à cultiver un sentiment d'émerveillement face à l'élégante cohérence et l'incroyable complexité de la réalité telle que nous la dévoile la science. Elle le mérite davantage que tous les mythes.

Le temps est une dimension

Le temps est l'une des dimensions qui composent l'univers au même titre que les dimensions spatiales (longueur, largeur, profondeur). Le temps existe immuablement dans toute son immensité; qu'il soit infini, fini ou bouclé. On peut voir les différentes époques comme des «lieux» placés sur cet axe temporel. Nous sommes des maillons sur cette chaîne causale intangible.

Tout comme je suis un être limité spatialement dans une zone appelée «mon corps», je suis limité temporellement dans une période appelée «ma vie». Il ne peut en être autrement, car tout ce qui existe est défini par ses limites dans le continuum universel. Exister c'est être limité.

Se représenter le temps comme de l'espace nous aide à accepter l'aspect éphémère de toute chose. Une chose n'a pas besoin d'être omniprésente pour qu'on l'apprécie et qu'on la considère importante pour nous. Transposons cette conception sur l'axe du temps. Le fait qu'une chose ne soit pas éternelle ne la rend pas «vide de sens» si elle a une valeur dans le présent. On doit apprendre à apprécier le moment pour ce qu'il est.

Une autre conséquence du fait que le temps soit une dimension, c'est que le passé existe indépendamment du souvenir qu'on en a et qu'il est inaltérable. Conséquemment, se souvenir du passé n'apporte rien au passé. Cela ne peut être utile que pour le présent et l'avenir. Cela implique également que l'on ne doit pas s'attarder à ressasser inutilement des souvenirs douloureux; on doit apprendre à tourner la page. Inversement, on peut plus facilement faire le deuil du passé si l'on pense au fait qu'il n'a pas «cessé d'exister» mais que nous ne sommes tout simplement plus dedans.


La mort ne doit pas être une source d'angoisse inapaisable. Nos proches trépassés existent mais dans le passé (voyez cet autre époque comme un lieu inaccessible). Pour une conscience donnée, «le présent» se trouvera toujours à l'intérieur de la période que constitue sa vie. Nous sommes éternels pour nous-mêmes. Comme le disait Épicure : «la mort n'est rien pour nous». Ce qui est à craindre dans la mort n'est donc pas son inévitable imminence mais simplement qu'elle arrive avant que l'on ait accompli notre quête de sens.

Si le passé existe et est inaltérable indépendamment de nous, il en va de même du futur. Il n'y a qu'un futur, une seule séquence d'événements se produira et elle est prévisible pour quiconque dispose des données. Cela n'entrave aucunement notre liberté, car liberté et libre-arbitre font deux. Étant donné que la prise de conscience de l'inexistence du libre-arbitre trouble notre quête de liberté, notre ignorance des événements à venir accroisse ironiquement notre sentiment de liberté.

Les questions comme «Qui avait-il avant le début du temps?» sont vides de sens. Indépendamment de la forme de l'axe temporel, tout lien causal n'existe qu'à l'intérieur du temps. Conséquemment, si l'on remonte la chaîne des événements et qu'on arrive à un «début», on pourra avoir l'illusion que l'univers est apparu «à partir de rien». On recherche intuitivement un rapport causal mais notre démarche est vaine. Tous les maillons d'une chaîne ont un maillon avant eux et un maillon après eux, sauf le premier et le dernier. Cela n'a rien d'aberrant. Il ne le serait pas davantage que l'univers n'ait pas de cause. À moins que les dimensions soient bouclées, de sorte que le premier maillon serait attaché au dernier. C'est également concevable.

La mort n'est rien pour nous

Accepter sa mortalité et celle de tout ce qui nous est cher n'est pas une chose facile; c'est en quelque sorte le sens de notre vie. Il faut un haut degré de sagesse et de sérénité pour être constamment en paix avec cette fatalité.

Je cède quelques instants la parole au célèbre philosophe grec Épicure (341–270 av. notre ère) qui a exprimé très sagement cette réflexion sur la mort :
«Accoutume-toi à considérer que la mort n'est rien pour nous, puisque tout bien et tout mal sont contenus dans la sensation; or la mort est la privation de sensation. Par conséquent, la connaissance de cette vérité que la mort n'est rien pour nous, nous rend capables de jouir de cette vie mortelle, non pas en y ajoutant la perspective d'une durée infinie, mais en nous enlevant le désir de l'immortalité. (…) Ce serait (...) une crainte vaine et sans objet que celle qui serait produite par l'attente d'une chose qui ne cause aucun trouble par sa présence. (…) Tant que nous existons la mort n'est pas, et quand la mort est là nous ne sommes plus. Donc la mort n'existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu'elle n'a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus. (…) Le sage (…) ne craint pas la mort car (…) il ne considère pas la non-existence comme un mal.»

Je pense que ça dit pas mal tout. Ça nous permet de ne plus craindre notre propre mort ni d'être triste pour ceux qui sont morts. Une autre manière de voir ça, et qui m'aide encore plus à ne plus craindre la mort, est de me représenter le temps comme une dimension. Cela me permet de voir le passé comme un «lieu» ou vivraient les défunts et de considérer que ma conscience existera «éternellement» mais toujours à l'intérieur de cette zone du temps qu'on appelle ma vie.

jeudi 29 janvier 2009

La liberté et le déterminisme

Nous avons un désir viscéral d'être libre. Mais qu'est-ce qu'être libre?

Personnellement, je fais une distinction entre la liberté et le libre-arbitre. Pour l'illustrer, j'ai inventé cette petite histoire que j'intitule «l'allégorie des deux moutons». Ça va comme suit:

Imaginez un vaste enclos circonscrivant une prairie verdoyante. On place deux moutons en son centre. Tous deux commencent à paître en suivant chacun un parcours différent. Le premier s'en va en ligne droite et finit par croiser la clôture. Il est alors contraint de changer de cap pour brouter dans une autre direction. Le second suit un parcours sinueux, et tournant de temps en temps aléatoirement, de sorte qu'il ne se rend jamais jusqu'aux limites de l'enclos. Il ne se rend même pas compte de la présence de la clôture.

Je définis la liberté comme une absence d'obstacles entre ses désirs et leur concrétisation. Est libre celui qui peut faire ce qu'il veut. On pourrait formuler cela en l'équation:

désirs – contraintes = degré de liberté

Pour acquérir la liberté, il faut donc balancer l'équation entre ses fins et ses moyens de sorte que l'on ne désire rien que l'on ne puisse avoir. Bien sûr, une totale et pleine liberté est asymptotique, de même qu'une absence totale de liberté.

Le libre-arbitre, quant à lui, se définit comme l'opposé du déterminisme. Les philosophes et les théologiens en ont souvent parlé. C'est le fait de pouvoir faire ses choix sans être déterminé par autre chose que soi-même. Être sa cause ultime. Bien sûr c'est une chose totalement impossible – autant empiriquement que conceptuellement. Nous faisons partie du tissu causal de l'univers. Rien dans l'univers n'existe sans l'influence de facteurs qui lui sont extérieurs et antérieurs. On peut toutefois parler d'un libre-arbitre relatif pour exprimer que l'on fait nos choix sans être manipulé par une autre personne.

Dans mon analogie des deux moutons, les deux étaient objectivement soumis aux mêmes contraintes et donc disposaient du même niveau de libre-arbitre. Toutefois, alors que le premier était prisonnier d'un enclos, le second était totalement libre de paître où il voulait. Simplement parce que le désir du premier a rencontré un obstacle mais pas celui du second. La moralité que l'on pourrait tirer de cela, c'est d'abord qu'il est vain de chercher à «s'affranchir» de toutes contraintes si ces dernières n'interfèrent pas avec nos désirs. Et, qu'avoir des objectifs accessibles et de se réjouir de ce que l'on a est la meilleure liberté à laquelle on puisse aspirer.

Le pari de Pascal

Blaise Pascal (1623-1662) fut un grand scientifique à qui l'on doit l'invention de la calculatrice et la découverte de la pression atmosphérique (que l'on mesure en kilopascals). Si je me souviens bien de son histoire, il a eu, à un moment donné dans sa vie, un accident qui lui a fait frôler la mort et cela causa chez lui par la suite une sorte de crise mystique existentielle qui le fît sombrer dans la religion. On peut donc dire qu'il est un sage déchu. C'est d'ailleurs dans cette phase de sa vie qu'il a énoncé son fameux pari.

Son pari est sur l'existence de Dieu. En gros, il dit que, même si on ne peut en être certain, on doit faire comme si Dieu existe (le prier, exécuter les rituels, suivre ses commandements, etc.). Car s'il existe effectivement, on y gagne la vie éternelle, et que s'il n'existe pas, on y aura pas perdu grand-chose. La mise est donc faible et le gain potentiel est énorme.

Il y a d'énormes faiblesses dans ce raisonnement. La première qui saute aux yeux est qu'il existe plusieurs religions. On ne peut pas savoir sur quel dieu parier parmi cette multitude de déités et de panthéons. Leurs commandements divergent. Comment savoir lesquels suivre? La seconde faille est sur l'aspect soi-disant «minime» de la mise. Faire comme si Dieu existe peut impliquer, par exemple, de ne pas copuler hors du mariage, de s'abstenir de boire de l'alcool ou de se lever tôt le dimanche matin pour aller à la messe. Tous ces rites et interdits peuvent sérieusement nous empêcher de jouir de la vie. Et, finalement, la troisième faille que j'y vois c'est que le risque pour que Dieu existe est si faible que cela ne vaut même pas la peine d'en tenir compte.

Miser sur l'existence de Dieu c'est donc comme de s'acheter un billet de loterie par semaine : on a très peu de chance de gagner, on finît par dépenser beaucoup là-dedans et il faut choisir les bons numéros. La différence c'est qu'avec la loterie on est sûr qu'il y a des gagnants de temps en temps…

Le côté obscur de l'obscurantisme

On me dit souvent «Qu'est-ce que ça peut faire qu'Untel ait telle croyance? Si ça le rend heureux, laisse-le vivre dans son monde!»

C'est une attitude assez répandue et que l'opinion générale considère comme la seule qui soit respectueuse de l'individu que de ne pas heurter ses croyances personnelles, aussi fictives soient-elles. J'ai déjà donné ma définition de l'obscurantisme et la façon dont on peut procéder, en tant qu'individu, pour ne pas y sombrer. Maintenant, je vais vous expliquer pourquoi il est si important selon moi de ne pas être obscurantiste.

En fait, c'est tout simple, l'obscurité est dangereuse parce qu'elle nous voile des données qui auraient pu influer significativement sur nos décisions. Si je marche dans une caverne sombre, je peux tomber dans un précipice. En m'éclairant, je vois où je vais. L'analogie se transpose telle quelle. Si je crois que travailler le dimanche va m'envoyer en enfer, je vais m'abstenir de secourir l'homme qui est tombé au fond du puits. Si je crois que recevoir une transfusion sanguine va souiller mon âme ou que la biologie totale ou la pensée positive sont suffisante pour guérir d'une maladie grave, je vais refuser le traitement qui aurait pu me sauver la vie. Si on me dit que tel peuple est «maudit par Dieu», je risque d'être injustement discriminatoire envers ces gens. Et ainsi de suite.

L'obscurantisme est donc à la fois potentiellement nuisible pour son porteur, mais aussi pour ceux avec qui il entrera en contact.

De nos jours l'obscurantisme est toujours vivace. J'ai même l'impression qu'il connait un regain de popularité. Le fait, par exemple, que des livres attrape-nigauds comme Le Secret soient des best-sellers en dit long sur le niveau de pensée critique de notre société. Mais c'est surtout la fermeture systématique au dialogue dont font preuve la plupart des gens sur les questions d'ordre religieux ou spirituel qui empêche leur raison d'intervenir dans certaines sphères. Par exemple, si l'on a le droit de discuter politique ou sport, d'expliquer pourquoi on aime tel athlète ou pourquoi l'on vote pour tel parti, nous n'avons jamais à justifier devant qui que ce soit le choix de notre religion. Pire, nous ne pouvons pas demander à quelqu'un de nous expliquer ses croyances et de discuter de la pertinence de ses fondements sans que cela ne passe pour un manque de savoir-vivre. La croyance est étanchéisée contre la raison.

Je crois que l'on doit essayer de vaincre cette tendance. C'est le devoir éthique de tout être rationnel et altruiste que de partager ses connaissances avec son prochain lorsque cela peut lui éviter de se causer à lui-même du malheur ou d'être une source de souffrance pour autrui. Bien sûr, il faut utiliser son bon jugement. On ne peut transplanter un vieil arbre qui a pris racine au mauvais endroit; on ne peut qu'élaguer ses branches lorsqu'il fait trop d'ombre. Il serait inutilement cruel de dire «Dieu n'existe pas!» à un vieillard en phase terminal qui trouve du réconfort en se disant qu'il s'en va au paradis. Mais il est charitable d'expliquer à une personne voulant suivre un traitement d'homéopathie qu'elle s'apprête à payer une fortune pour des gélules d'eau…

samedi 24 janvier 2009

L'esprit est fort mais la chair est faible

J'ai déjà expliqué plus tôt l'indéniable réalité du "moi" et les conceptions que l'on a sur ce "moi" dues aux illusions inhérentes à toute conscience. Nous avons donc compris d'où pourrait venir la croyance en un dualisme matière/esprit. À la suite de ces réflexions, je me suis demandé pourquoi associait-on certains de nos traits à l'esprit et d'autres à la matière.

Par exemple, ma main est clairement «matérielle» et ma mémoire définitivement «spirituelle». C'est intéressant toutefois de noter que la frontière entre ce qui relève de la chair et ce qui fait partie de l'âme fluctue selon le contexte culturel. Par exemple, nos pulsions profondes – bien sûr des traits psychologiques – étaient considérées par les théologiens comme étant sous la juridiction du corps et non sous celle de l'esprit.

Je pense que, fondamentalement, l'individu sera enclin à considérer ses traits qui lui sont tangiblement perceptibles comme «corps matériel» et ses traits psychologiques se confondront avec sa conscience pour former l'esprit. Peut-être parce que nos pensées, nos sentiments, nos souvenirs et nos traits de personnalité sont trop «intimement connectés» à notre conscience pour qu'elle puisse s'en dissocier. Ou peut-être qu'elle ne les enregistre pas comme appartenant au «monde matériel» simplement parce qu'ils ne sont pas perçus par les organes sensoriels. Peu importe.

À partir de cette base, l'individu retranchera ensuite de la zone «esprit» tous ses propres traits psychologiques qu'il n'assume pas pour les associer à son corps de chair. Comme pour s'absoudre.

Mais en vérité, je vous le dis, il n'existe pas d'âme. L'esprit est un pur phénomène de la chair. Mes pensées font partie de mon corps au même titre que ma respiration, ma digestion et ma circulation sanguine.

Du mal et du mauvais

J'ai déjà défini mon éthique en vous expliquant qu'elle se basait uniquement sur le bonheur et la souffrance. Maintenant, j'aimerais ici vous faire part de la distinction que je fais entre la dualité bien/mal et celle bon/mauvais.

Si «le mal» se définit comme une action causant plus de souffrance que de bonheur, cette même action doit être, disons, «transitive». C'est-à-dire, faite par un individu A sur un individu B. Nous devons être libres de disposer de nous-mêmes. Conséquemment, on ne peut parler de bien ou de mal pour qualifier une action intransitive, c'est-à-dire qui n'aurait d'impact que sur celui qui la commet. Par exemple, si quelqu'un choisit de consommer une drogue dangereuse pour la santé, je ne peux pas dire «C'est mal!» puisqu'il ne nuit à personne d'autre qu'à lui-même. Je peux toutefois lui rappeler que «C'est mauvais!» car, effectivement, il risque d'y trouver plus de souffrance que de bonheur. À première vue, «le mauvais» peut sembler être aberrant. Pourquoi un individu choisirait-il sciemment de s'infliger à lui-même de la souffrance? Mais je vois plusieurs causes à l'existence de ce mauvais.

D'abord l'ignorance. L'individu croyait faire un choix lui apportant du bonheur mais il s'est trompé, il était mal informé, il était conditionné, trompé, manipulé ou victime d'un biais cognitif. On peut vaincre cette source de «mauvais» (et donc de souffrance) en éduquant les gens pour qu'ils fassent des choix éclairés. J'irais même jusqu'à dire que s'abstenir d'aviser une personne qu'une action qu'elle s'apprête à commettre lui causera de la souffrance est aussi contraire à l'éthique que de lui infliger soi-même cette souffrance.

La deuxième origine du mauvais est l'addiction. Une personne peut être instruite des conséquences néfastes de son action mais y être tellement habituée ou dépendante qu'elle ne puisse imaginer sa vie sans. Guérir d'une addiction est plus compliqué, c'est pourquoi la prévention demeure le meilleur moyen. Il peut également y avoir d'autres causes psychologiques mais je pense que ce sont les deux principaux fondements du mauvais ou que les autres peuvent toute être considérées comme des dérivés de ces deux-là.

Il demeure toutefois que le mauvais est intrinsèquement subjectif et donc plus difficile à évaluer. Une personne peut agir d'une manière qu'une autre croirait mauvaise pour elle sans que ce ne soit le cas. Par exemple, un malade qui souffre beaucoup pourrait évaluer que telle drogue, même si elle est mauvaise pour sa santé à long terme, lui épargnera une forte douleur à court terme. S'il estime que la souffrance encourue vaut le bonheur obtenu (sans être victime d'une addiction ou d'une erreur de jugement), c'est que ce geste n'est pas mauvais pour lui.

Le philosophe utilitariste John Stuart Mill (1806-1873) disait que le pouvoir coercitif de l'État n'était légitime que pour empêcher l'individu de nuire aux autres, et non pour l'empêcher de disposer librement de lui-même. Comme lui, je pense que l'on ne devrait pas interdire aux gens de se nuire à eux-mêmes. Simplement les aviser des conséquences pour qu'ils puissent faire eux-mêmes leurs choix de vie de façon éclairée. Comme vendre des cigarettes mais écrire «Fumer tue!» sur les paquets.

Évidemment, cette logique ne s'applique que pour les êtres lucides et rationnels. Il est donc normal, par exemple, de ne pas vendre de cigarettes aux enfants. Également, certaines actions dont on pourrait dire qu'elles sont nécessairement le fruit d'un manque de lucidité, mériteraient peut-être ce genre de prohibition. Par exemple, on peut assumer que de ne pas mettre sa ceinture de sécurité dans une voiture est un acte de négligence qui n'apporte aucun avantage, et donc rendre le port de la ceinture obligatoire. Même chose pour une personne qui voudrait se suicider sans qu'elle ne soit en phase terminale d'une maladie douloureuse; on peut assumer qu'elle a un problème psychologique et que, par conséquent, son choix n'est pas éclairé.

Et ce ne serait même pas une entrave à sa liberté. Supposons qu'une personne veut commettre une action X parce qu'elle croit, à tord, que cela aura un effet Y alors que cela aura en réalité des conséquences négatives pour elle. L'empêcher de faire X ne brimera pas ses désirs, puisque ce qu'elle désire vraiment n'est pas de faire X mais d'avoir Y; or elle n'aura pas Y qu'on la laisse faire X ou non. Par contre, il ne faudrait pas trop abuser de ce type prétexte pour entraver la liberté individuelle des gens. Il faut tenir compte du fait que de se sentir brimer dans sa liberté d'agir est une souffrance que l'on doit inclure dans la balance. Certains choix de vie qui pourraient nous paraître irrationnels, ont un sens pour ceux qui les font. Nous n'avons pas tous les mêmes besoins. La limite logique c'est qu'il ne faut pas que la contrainte qu'on impose à quelqu'un, soi-disant pour son bien, lui occasionne davantage de souffrance que la conséquence contre laquelle on tentait de le prémunir.

L'esprit vu par l'esprit

Lorsque l'on fait la régression du doute systématique de Descartes qui nous ramène au «Je pense donc je suis», on réalise que tout autour de nous existe au moins en tant que perceptions, comme je l'ai expliqué plus tôt. Mais du lieu où se rencontrent ces perceptions – notre «nature profonde», le «noyau central de notre esprit» – que sait-on? J'appellerai conscience ce «programme» dans notre psyché chargé de reconstituer la réalité extérieure à l'intérieur de notre tête.

N'oublions pas que l'univers est un continuum. Si l'on prend pour acquise cette hypothèse, on peut également assumer que notre conscience siège dans le même univers que les sources de ses perceptions et qu'elle s'inscrit dans la continuité de ces dernières. Qu'il n'y a pas de rupture nette entre ce «moi profond» et son environnement. Ce n'est pourtant pas ce que l'on perçoit. On a l'illusion que l'esprit se distingue de la matière.

Cela n'est pas complètement faux. En fait, le monde dans lequel on croit évoluer n'est qu'une construction de notre esprit (construction purement mentale mais basée très vraisemblablement sur la réalité extérieure à nous-mêmes dans laquelle on évolue effectivement). Notre «programme de construction de la réalité» – la conscience – va nécessairement se percevoir lui-même comme une chose totalement distinct de l'environnement qu'il construit. Cela constitue donc une inclination naturelle à croire en une dualité matière/esprit.

Pour faire une analogie, prenons une caméra qui filme quelque chose. Il y aura une distinction entre la réalité filmée et l'enregistrement de cette réalité à l'intérieur de la caméra. Si je compare la caméra à la réalité, je constate qu'elles appartiennent toute deux à un même monde objectif où tout est éphémère et décomposable. Mais si elle se compare au film qu'elle contient, la caméra se verra comme quelque chose de distinct. Elle semblera plus tangible, éternelle et indivisible, extérieure à l'enregistrement qu'elle renferme. La caméra transcende les données qu'elle contient. C'est pareil pour notre esprit. Donc, pour résumer cette partie, on peut dire que le monde tel qu'on le perçoit existe dans notre conscience qui elle-même se trouve dans le monde tel qu'il est. Je poursuivrai ce point ultérieurement.

On pourrait se demander pourquoi certains de nos attributs sont vus comme appartenant au «corps matériel» et d'autres au «corps spirituel. J'élabore là-dessus plus loin.

Autre faiblesse de notre conscience c'est qu'elle ne peut se concevoir elle-même que comme un tout homogène et inaltérable. Nous ne pouvons concevoir ce que c'est que de ne pas être (c'est logique, c'est un paradoxe). Conséquemment, on a l'illusion d'être éternel (évidemment, l'éternité nous est tout aussi inconcevable quand on essaie de se l'imaginer tout entière mais, si on se l'imagine à plus court terme, il est plus facile de se dire à chaque jour «Je serai encore là demain!» plutôt que de concevoir notre propre annihilation).

On ne peut pas non plus s'imaginer, par exemple, ce que ce serait si une conscience se fusionnait avec une autre pour ne devenir qu'une. «Laquelle des deux serait-elle vraiment?» se demanderait-on. On ne peut pas s'imaginer une conscience qui se scinderait ou se dupliquerait de sorte qu'à partir d'une on en aurait deux. «L'une des deux serait nouvelle et l'autre la même qu'avant…» penserait-on intuitivement.

Mon point ici est simplement d'exprimer que la conscience étant le programme de perception du monde, elle échappe elle-même à sa propre loupe. Et, que les biais que j'associe à cet état de fait sont très certainement la cause des attributs que pratiquement toutes les cultures associent à l'âme. Cette croyance universelle que l'on retrouve dans toutes les traditions serait donc la conséquence d'une inclination inhérente au fonctionnement de notre conscience (en plus d'être un inhibiteur pratique contre notre quête de sens).



L'«âme» (ou l'esprit) c'est un mot qu'on utilise pour désigner l'ensemble des activités du cerveau. Mais ce n'est qu'un phénomène du corps au même titre que la respiration et la digestion. On pourrait faire la même chose avec un autre organe et inventer, par exemple, le mot «hépatessence» pour désigner l'ensemble des activités du foie… puis se mettre à croire que l'hépatessence est immatérielle, qu'elle survit à la mort du corps et va dans un paradis de bile pure. On ne peut pas extraire l'esprit du corps, pas plus qu'on ne peut extraire la vitesse d'un guépard, la petitesse d'une fourmi ou la beauté d'un coucher de soleil.
 

Mon éthique

L'éthique que j'utilise pour guider mes choix de vie est purement utilitariste. C'est-à-dire qu'elle prend pour pilier la variable bonheur/souffrance et évaluera le taux de «maléfique» d'une action en fonction du résultat de l'équation entre le bonheur qu'elle procure et la souffrance qu'elle engendre.

Ce qui ne fait pas de mal n'est pas mal. Pour moi, un code d'éthique considérant des variables arbitrairement choisies et construites telles que la souillure, le péché, le devoir, la vertu, la loi, l'ordre, la valeur, la hiérarchie sociale, la hiérarchie naturelle, le sacrifice, l'honneur, la justice, le mérite, les principes, la propriété, la dignité, des catégories, la vengeance, la volonté des dieux, la réussite, le respect de la tradition ou celui de l'ordre naturel des choses, ne peut être considérée comme «rationnelle». Même si certains de ces éléments peuvent être corrélés avec un bilan positif de bonheur, ils ne doivent en aucun cas devenir la base d'une éthique. La justice, par exemple, s'incorpore aisément à ce modèle «mathématique» de la moralité. Je peux mettre un criminel en prison si c'est pour éviter qu'il ne commette de nouveau crime, mais pas pour venger les victimes de ses anciens crimes. Même chose avec «l'ordre social» qui existe pour l'éthique et non le contraire.

Certains trouveront arbitraire le fait de considérer la variable bonheur/souffrance plutôt qu'autre chose et de rejeter tout le reste. Mais pourtant, être heureux est l'ultime but qui meut les actes de tout être. Quand on y réfléchit bien, on s'aperçoit que chacune de nos fins n'est qu'un moyen d'atteindre une autre fin, à l'exception du bonheur qui est une fin en soi. Ainsi, il est parfaitement logique, pour amener les êtres à vivre harmonieusement, de faire converger leurs intérêts vers ce qui est déjà leur objectif à tous.

Techniquement, causer une souffrance ne peut se justifier que si c'est pour en éviter une autre d'une valeur supérieure ou égale. Cela est vrai autant pour une souffrance que l'on causera activement que pour une souffrance résultant de notre inaction volontaire. Il est donc éthique de tuer, à condition que cela soit pour éviter de mourir. Autrement, l'équation est négative, c'est-à-dire en faveur de la souffrance. À l'inverse, on doit apprendre à se sacrifier soi-même lorsque le préjudice pour nous est inférieur au bénéfice pour autrui. Donner de l'argent aux pauvres, par exemple, est clairement un bilan positif vers le bonheur, puisque le 10$ que j'aurais pu gaspiller dans une futilité servira à assouvir les besoins vitaux d'autrui.

Le calcul utilitariste consiste à mesurer un bonheur/souffrance en étudiant ses attributs : sa durée, son intensité, le taux de certitude qu'elle se manifeste, sa proximité temporelle, son étendue (le nombre de bénéficiaires ou de victimes) et ses conséquences à plus long terme (à savoir si ça engendre d'autres bonheurs ou d'autres souffrances). Dans ma manière de calculer, je me distingue légèrement des utilitaristes traditionnels - Jeremy Bentham (1748-1832), John Stuart Mill (1806-1873), etc. - par le fait que mon utilitarisme est individualiste, c'est-à-dire focalisé sur l'entité ressentant le bonheur (l'individu) plutôt que sur le groupe ou sur la somme des individus. Concrètement:
  • Pour moi, l'étendue doit passer après les autres variables. Par exemple, si l'on décide de tuer une personne dans un combat de gladiateurs pour divertir cent spectateurs, je considérerai que cette action n'est pas justifiable éthiquement. Car, le besoin «ne pas mourir» qu'a le gladiateur passe avant le besoin «voir quelqu'un mourir» du spectateur. Donc le nombre de spectateurs ne change rien. Même si tout l'univers assistait à ce spectacle et que tous pourrait se réjouir de voir quelqu'un mourir, leur besoin de sadisme devrait passer après le besoin de survivre du gladiateur.
  • Je considère qu'il y a une certaine légitimité à ce qu'un individu fasse passer son propre bonheur (et, par ricochet, celui de ses proches) avant celui d'autrui. Reconnaissons qu'il est, de toute façon, impossible dans la pratique pour un individu donné d'accorder la même importance et d'investir autant d'efforts dans le bonheur de chaque conscience de l'univers; il faut donc se donner des priorités. Je ne vois donc rien de contraire à l'éthique dans le fait de payer son loyer avant de donner de l'argent aux pauvres. Toutefois, je pense qu'un tel biais égoïste ne se justifie pas lorsque l'on sacrifie les besoins primaires d'autrui au profit de nos besoins secondaires.

Notre seul devoir éthique est donc d'éviter de causer la souffrance si ce n'est pas nécessaire à un bonheur. Mais je pense que l'on a des devoirs éthiques indirectes qui sont les préalables nécessaires à accomplir notre devoir éthique. Il s'agit de:
  • Accroître nos connaissances et se conscientiser;
  • Sublimer les inclinations nous poussant à causer de la souffrance (cruauté, colère, haine) et cultiver les inclinations nous poussant à créer du bonheur (amour, empathie);
Considérant qu'une méconnaissance de la réalité peut entraîner un mauvais calcul du rapport de bonheur/souffrance de nos agissements, l'accroissement de la connaissance (donc le progrès scientifique) devient un devoir éthique indirect et l'obscurantisme un méfait. Même si l'on n'est pas malintentionné, on peut tout de même causer du tord si l'on ne prend pas la peine de bien étudier et comprendre les situations. C'est une forme de négligence que de se voiler les yeux sur une réalité et de causer ainsi de la souffrance. Personnellement, je ne crois pas aux «monstres». Je pense qu'il y a plus de mal fait par ignorance que par pure méchanceté. La progression de la connaissance doit donc être une priorité pour quiconque se veut éthique. Évidemment, une souffrance causée pour faire progresser la science ne peut se justifier éthiquement que si l'on a de bonne raison de croire que la connaissance acquise évitera une souffrance supérieure.

Également, je considère qu'étant donné que l'on agit souvent en suivant des inclinations (émotions, habitudes, etc.) plutôt que notre raison, il est requis que l'on s'efforce de «dompter» ses inclinations de façon à ce que les gestes que l'on pose spontanément répondent aussi aux exigences éthiques que l'on impose à nos gestes commis de sang-froid. Quand j'apprenais à conduire, mon professeur me disait : «Mets toujours ton flasher quand tu tournes, même quand y a personne pour le voir, comme ça ça devient un automatisme pis t'as pu besoin d'y penser.» C'est la même chose pour l'éthique, il faut cultiver les habitudes qui ont tendance à générer du bonheur autour de nous et sublimer celle qui pourraient causer de la souffrance.

(modifié par Feel O'Zof le 15 août 2009)

Je pense donc je suis

Le philosophe René Descartes (1596-1650) a introduit l'idée du doute systématique, c'est-à-dire l'exercice philosophique d'essayer de douter de tout ce qui peut l'être. Descartes remis ainsi tout en question dans sa tête mais se buta à un cul-de-sac lorsqu'il réalisa qu'il ne pouvait pas douter du fait qu'il est en train de douter. C'est le cogito ergo sum, «Je pense donc je suis». Mes sens pourraient me tromper, ma vie pourrait n'être qu'un rêve, mais comme je suis indéniablement en train de penser à ça, il est clair que j'existe. J'en ai parlé précédemment.

Il y a des choses que j'ai trouvées dommages dans la suite de sa réflexion que l'on peut lire dans Discours de la méthode. D'abord il saute un peu sur des conclusions hâtives en faisant un raisonnement que je pourrais paraphraser en : «Puisque mon esprit existe irréfutablement pour lui-même, mais que mon corps pourrait être une illusion, alors j'ai nécessairement une âme qui existe indépendamment de mon corps.» Ce qui n'est, bien sûr, pas nécessairement le cas.

Ensuite les choses empirent. Il nous sort que Dieu existe irréfutablement – je pense qu'il dit «Puisque Dieu est parfait, c'est qu'il existe!» – et qu'il est infiniment bon donc qu'il ne nous trompe pas donc que le monde existe (!). Ensuite, il nous dit que les humains ont tous des âmes immortelles qui sont connectées au corps par l'épiphyse mais que les autres animaux sont des automates créés par Dieu qui imitent les réactions de douleurs quand on les abîme mais qui ne ressentent strictement rien. Bref, un petit relâchement dans la rigueur de sa réflexion…

Donc, comme j'ai dit, je trouve dommage qu'il finisse son discours comme ça parce que son postulat de départ sur le doute est l'une des bases de la pensée scientifique. Mais je vais lui donner le bénéfice du doute : Peut-être craignait-il l'Inquisition ou la censure? Ce ne serait pas surprenant à son époque. Après tout, Discours de la méthode était à l'origine l'introduction d'un livre qu'il a finalement choisit de ne pas publier (sauf quelques fragments). Peut-être a-t-il délibérément trafiquée sa propre réflexion pour accommoder le clergé en disant que Dieu existe et que l'humain se distingue des bêtes par la présence d'une âme immortelle. On ne le saura jamais. Une chose est sûre : si ce texte avait été plus rationnel, il ne se serait peut-être pas rendu jusqu'à nous.

mercredi 21 janvier 2009

L'allégorie de la licorne invisible

Je ne sais pas exactement qui est l'auteur de la version originale de cette parabole, mais c'est une histoire que l'on retrouve souvent sur le web, sur des sites prônant l'athéisme. Il en existe de nombreuses versions, alors voici ma version personnelle.
Imaginez que je vous dise qu'il y a une licorne dans mon garde-robe. Vous en ouvrez la porte et ne voyez rien. Je vous explique alors que ma licorne est invisible. Vous essayez de l'attraper mais ne touchez rien. Je vous explique alors qu'elle est intangible. Vous essayez de lui parler mais elle ne répond rien. Je vous explique alors qu'elle est sourde et muette. Et ainsi de suite : Chaque fois que vous tentez quelque chose pour démontrer que la licorne est là, le test échoue et je trouve une excuse pour justifier l'échec du test.

Dans cette situation, il serait normal d'être sceptique face à l'existence de ma licorne. Mais modifions un peu notre scénario…
Cette version commence de la même manière, avec moi qui prétend avoir une licorne dans mon garde-robe. Mais quand vous venez pour ouvrir la porte, vous constatez qu'elle est barrée. Vous me demandez de l'ouvrir mais je refuse tout en continuant de prétendre qu'il y a là une licorne. Lorsque vous manifestez votre scepticisme, je m'en offense, je vous rétorque que vous ne respectez pas mon intelligence ou que vous doutez de mon honnêteté, puis je me mets à vous insulter agressivement.

Cette fable nous rappelle que celui qui prétend quelque chose doit le démontrer, et cela est d'autant plus vrai si ce qu'il affirme est incroyable. C'est à celui qui affirme qu'il a vu un OVNI, que les anges existent ou que les cristaux ont des pouvoirs magiques, qu'il revient le fardeau de prouver ses dires et non à celui qui ne le croit pas de justifier son scepticisme.

Cela ne veut bien sûr pas dire que les anges, les extraterrestres, etc. soient nécessairement des hallucinations ou des mensonges. Mais, tant que ces événements inexpliqués demeureront des anecdotes invérifiables et non-reproductibles, il serait hâtif de les incorporer à notre conception du monde. Une preuve scientifique est requise, sans elle il est plus sage de conserver un agnosticisme prudent ou un scepticisme légitime. Le philosophe David Hume (1711-1776) disait que le témoignage d'un miracle ne serait crédible que si le fait que le témoin soit trompeur ou trompé semblerait encore plus miraculeux.

L'allégorie de la flèche empoisonnée

C'est une parabole utilisée par Bouddha (624-544 av. notre ère) dont j'aimerais vous faire part et que j'aimerais commenter. Je vais la formuler dans mes mots.
Si un homme reçoit une flèche empoisonnée, il va d'abord tenter de se soigner. Retirer la flèche, désinfecter la plaie et trouver un antidote au poison seront légitimement ses priorités. Mais imaginez que l'homme se dise : «Je refuse de me faire soigner tant que je ne sais pas précisément qui m'a tiré la flèche, pourquoi il me l'a tirée, de quelle région il est originaire, de quelle couleur sont ses yeux, etc.»

Ce que Bouddha voulait nous dire avec cette fable, c'est qu'il y a des questions plus essentielles que d'autres et qu'il y en a même dont la réponse nous est inaccessible et sans importance. Les questions métaphysiques ne sont finalement que triviales. Par exemple, «Qui a créé l'Univers?» ou «Qui a-t-il après la mort?» sont des questions vaines puisque l'on ne peut y répondre.

Par ailleurs, Bouddha nous rappelle également que les réponses potentielles à ces questions ne devraient pas avoir d'impact sur la vie d'ici-bas. L'existence de la souffrance et le fait qu'elle soit désagréable sont des faits attestés. On peut échafauder une éthique sur cette seule base, sans avoir besoin de faire intervenir un hypothétique démiurge ou une éventuelle vie après la mort.

L'allégorie de la caverne

C'est une parabole utilisée par le philosophe Socrate (470-399 av. notre ère) et son disciple Platon (427-346 av. notre ère) dont j'aimerais vous faire part et que j'aimerais commenter. Je vais la résumer dans mes mots.
Imaginez quelqu'un qui soit attaché dans une caverne, de dos à l'entrée, et qu'on l'ait entièrement immobilisé de sorte qu'il ne puisse même pas bouger sa tête. Son regard est fixé en permanence sur la paroi rocheuse qui fait face à l'entrée et tout ce qu'il peut voir ce sont les ombres qui bougent sur cette paroi. Il y a une route qui passe devant l'entrée de la caverne, de sorte que le prisonnier voit sur le mur les ombres des gens qui passent sur cette route ainsi que celles des objets qu'ils transportent.

Un prisonnier ayant passé toute sa vie dans cette situation prendra les ombres pour la seule vraie réalité. S'ils sont plusieurs individus dans la même position, ils discuteront entre eux de ce monde des ombres et se conforteront dans leurs croyances sur les origines des ombres et les lois qui gouvernent leurs mouvements. Mais disons que l'un des prisonniers soit libéré, qu'on lui montre la réalité dans la lumière. Il sera d'abord ébloui et ne distinguera pas les objets autour de lui. Ensuite, il croira que cette réalité est «moins vraie» que celle des ombres dont il vient. Puis, finalement, s'il accepte que le monde de la lumière est la réalité et qu'il retourne dans la caverne aviser ces anciens codétenus qu'ils vivent dans l'illusion, ceux-ci le prendront pour fou. S'il insiste et tente des les forcer à voir la lumière et à quitter le monde des ombres, ils le tueront.

Le point défendu par Socrate dans cette fable, c'est que l'on est enclin à prendre pour acquis la réalité de nos perceptions. Mais Socrate démontre qu'il peut y avoir un écart entre le monde tel qu'on le perçoit et le monde tel qu'il est. Ou, le «monde sensoriel» versus le «monde intellectuel». Il nous dit ensuite que, comme nos sens sont faillibles, c'est par la raison (on dirait aujourd'hui la science) que l'on peut s'approcher de cette «lumière». Par exemple, si nos sens nous indiquent que la Terre est plate et fixe, nous savons par une analyse plus en profondeur de nos perceptions (dont celles du mouvement des astres) et grâce à l'acquisition de nouvelles donnée, que ce n'est pas le cas.

Socrate nous mets aussi en garde en nous rappelant que ceux qui vivent dans les ténèbres tiennent souvent à y rester et peuvent répondre agressivement si on tente de les éclairer. J'y reviendrai.

L'évolution

Cette année, cela fait 200 ans que le naturaliste Charles Darwin (1809-1882) est né et 150 ans que son oeuvre maîtresse, L'Origine des espèces, a été publiée. En cet honneur, je vais vous faire part ici d'une vulgarisation personnelle de sa théorie. Pas seulement en cet honneur, en fait, car la prise de conscience de ce fait scientifique est l'un des piliers de ma philosophie. À cause de l'obscurantisme religieux, certains persistent à demeurer créationnistes, mais même les gens acceptant la réalité de l'évolution ne la saisissent pas toujours entièrement et conservent certaines croyances ne tenant pas compte de ce fait. Je vais tâcher, au mieux de mes capacités, de vous vulgariser la théorie moderne de l'évolution.

L'évolution est le résultat de deux phénomènes antagonistes : la diversification et la sélection. Les mutations aléatoires qui surviennent parfois lors de la méiose causent un accroissement de la diversité. L'individu mutant naîtra avec une différence – pouvant être très voyante ou imperceptible – par rapport à ses congénères. La plupart du temps ces mutations sont bénignes, souvent elles sont nuisibles mais quelques fois elles sont utiles. Parallèlement, les contraintes imposées par le milieu de vie feront en sorte que certains individus d'une population auront plus de facilité à survivre et à se reproduire que d'autres. Par exemple, les pinsons ayant le bec un peu plus gros que leurs frères pourront picorer des grains plus gros inaccessibles aux autres. C'est la sélection naturelle. Les traits (issus des mutations) sont «sélectionnés» par des pressions (issus de l'environnement) ce qui engendre la transformation progressive de la population.

Lorsque deux populations d'une même espèce se retrouvent séparées l'une de l'autre par une barrière géographique, elles ne pourront plus s'échanger du matériel génétique. Elles vont donc cumuler leurs propres mutations chacune de leur côté. Si leur environnement est différent, la sélection naturelle choisira des mutations différentes dans chaque population, les faisant évoluer différemment. Si la situation persiste, à un moment donné les deux populations auront cumulés tant de différences qu'elles ne seront plus compatibles génétiquement. Elles auront perdu leur fécondité réciproque. C'est la spéciation. Une espèce en devient deux. Une fois que ce point est franchi, les deux populations devenus deux espèces ne pourront plus jamais s'échanger leurs gènes, ce qui fait qu'elles vont continuer à diverger l'une de l'autre même si la barrière géographique qui les séparait disparaît.

Il faut comprendre que dans tout ça il n'y a pas de bien ou de mal, de supérieurs ou d'inférieurs, de forts ou de faibles. Cette théorie scientifique n'a pas pour but de nous donner un repère moral, de justifier une quelconque pratique ou de donner un sens à nos vies. Elle fait juste expliquer comment les espèces se sont divisées et transformées.

L'évolution n'est pas unilinéaire. L'humain n'est pas «l'espèce la plus évoluée» (expression totalement vide de sens…) ni le but de la Vie ou de l'univers. Le parcours de la vie est multilinéaire, formant un arbre semblable à un arbre généalogique. C'est sans doute justement parce qu'elle nous faisait perdre notre statut de «roi de la Création» que cette théorie a eu de la difficulté à percer. C'est pour la même raison que le géocentrisme a eu de la difficulté à laisser sa place. L'humilité est une rare vertu. Aujourd'hui, seuls quelques extrémistes religieux nient encore la réalité de l'évolution.

L'obscurantisme

Nous avons une motivation que j'appelle «quête de vérité». C'est un désir viscéral qui nous pousse à vouloir que notre façon de nous représenter le monde soit conforme à la réalité telle qu'elle est vraiment. C'est pour répondre à cette question canonique de la philosophie - Qu'est-ce que le vrai? - que l'on a développé une méthode rigoureuse d'expérimentation et d'induction pour se construire collectivement une représentation du monde, en constante évolution, qui modéliserait adéquatement la réalité. C'est ce qu'on appelle la science. Notre quête de vérité est donc une inclination positive qui nous permet de faire des choix éclairés et d'anticiper les événements futurs dont les conséquences de nos actes. Mais la quête de vérité n'est pas notre seule quête. Il se peut qu'elle entre en conflit avec un autre de nos besoins et que l'on choisisse ainsi de la suspendre au profit d'une motivation plus importante pour nous.

Par exemple, il n'est pas rare que notre quête de sens interfère avec notre quête de vérité. Cela mènera l'individu à un déni puissant et une réponse agressive envers une nouvelle donnée. Si le sens de ma vie dépend de la croyance «La Bible est intégralement vraie!» et que ce livre sacré contient un passage disant explicitement que la Terre est fixe et plate, je vais être réticent à accepter la donnée «La Terre tourne autour du Soleil» et j'irai peut-être même jusqu'à brûler vif quiconque l'affirmera. Cela rejoint la morale de l'allégorie de la caverne de Platon.

Être obscurantiste c'est se fermer les yeux sur une réalité parce que l'on estime être plus heureux sans. C'est préférer les ténèbres de l'ignorance à la lumière de la connaissance. Pour éviter de m'engluer dans un tel piège, il est souhaitable que je donne à ma vie un sens qui n'interférera pas – ou peu – avec ma conception du monde. Donc qui n'entravera pas ma quête de vérité. Par exemple : s'accomplir artistiquement, faire avancer la science, vivre certaines expériences, fonder une famille, instruire, aider, aimer et être aimé. Si mon but dans la vie est de peindre un magnifique tableau, il m'importera peu que la Terre soit ronde, plate ou géodésique.

Il est important d'éviter l'obscurantisme, car cette attitude peut être le germe de conséquences fâcheuses.

lundi 19 janvier 2009

L'univers est un continuum

L'univers qui nous entoure est un continuum. La façon dont on le «découpe» est donc toujours plus ou moins arbitraire. Cependant, si l'on ne se dote pas d'ensembles et de catégories, il nous est impossible de nous représenter la réalité. Le découpage de l'univers n'est donc pas nécessairement à éviter, il faut simplement demeurer conscient des biais inhérents à notre système de classification.

J'aimerais beaucoup réussir à vous faire comprendre ce point car c'est l'un des piliers de ma philosophie. Je risque donc d'y revenir souvent sur ce blogue. Les conséquences de ce constat sont multiples. Par exemple, cela nous révèle que toute discrimination considérant le groupe d'appartenance comme un critère suffisant est fallacieuse. Les groupes et les catégories n'existent qu'en tant que concepts; ils n'ont pas d'existence empirique. C'est vrai autant pour la frontière hommes/femmes, que pour celles entre les races humaines ou les orientations sexuelles, la frontière humains/bêtes, vivant/inerte, corps/esprit, etc. sont toutes aussi abstraites. On doit considérer les individus selon leurs caractéristiques intrinsèques et non selon les catégories dans lesquelles ils seraient d'après un système de classification quelconque.

Même si on les définit souvent en nous basant sur des critères réels, les ensembles sont, finalement, de pures fictions. Par exemple, en biologie une espèce animale est un ensemble d'individus interféconds. Donc même si l'interfécondité existe réellement, et même si c'est un critère tout à fait pertinent pour circonscrire un groupe, l'ensemble que constitue ce groupe n'existe pas comme une chose tangible et empirique.

Imaginons que nous contemplons un arc-en-ciel. On nous a appris à y voir sept couleurs distinctes et étanches mais ce n'est qu'une illusion. Le spectre lumineux est un continuum parfait et c'est par simple convention que l'on décrète qu'à tel point s'arrêtent les nuances de verts et commencent les nuances de bleus. Mais même s'il fait partie des verts, le vert perroquet est plus proche du bleu des mers du sud que du vert bouteille. Il y aurait même d'ailleurs des langues dans lesquelles le bleu et le vert ne sont que des nuances d'une seule et même couleur. Toute chose s'inscrit dans une vaste continuité et nous choisissons de placer les frontières de la manière la plus facile pour nos esprits ou la plus avantageuse pour nos intérêts personnels.

Sans toutes ces divisions et ces regroupements, l'univers serait insaisissable pour nos esprits humains. Nous serions bien fous de nous passer de tels raccourcis mentaux. Il nous faut simplement conserver la vigilance intellectuelle nécessaire afin que nos systèmes de représentations demeurent des outils pour faciliter notre compréhension de la réalité, et non des œillères nous voilant la réalité.

Je vous donnerai sans doute ultérieurement plus de détails sur ma conception des choses à ce propos. Entre autres, je vous expliquerai l'arbitraire de nos catégories mentales et les bases qu'utilisent nos esprits pour les façonner.

jeudi 15 janvier 2009

Qu'est-ce que le réel?

Le monde qui m'entoure existe-t-il «réellement» ou n'est-il qu'un rêve ou une hallucination?

C'est une question tout à fait légitime. On sait, via l'expérience du rêve, que l'on peut temporairement vivre dans un environnement donné et découvrir par la suite qu'il n'était qu'une construction chimérique faite par notre esprit. On sait également, par exemple avec le phénomène de l'illusion d'optique, que nos sens peuvent nous tromper. Comment avoir la certitude que je suis vraiment ici en train d'écrire ces lignes et que tout cela n'est pas qu'un rêve? Comment être certain que j'existe vraiment?

Commençons par établir nos certitudes. La base est le cogito cartésien : «Je pense donc je suis». La réflexion que fît le philosophe René Descartes (1596-1650) à ce propos c'est que je puis douter de bien des choses mais pas du fait que je suis en train de douter. Et si je doute, c'est que j'existe. Peut-être pas sous cette forme… peut-être suis-je un papillon en train de rêver qu'il est un humain, mais le fait est que j'existe!

À partir de là quoi d'autre? Si j'approche ma main d'une flamme, je ressens de la douleur. Je puis douter de la réalité de la flamme (peut-être qu'elle n'est qu'une hallucination?), je puis douter de la réalité de ma main (peut-être que je rêve que j'ai une main?), mais je ne peux pas douter du fait que lorsque ma main (réelle ou pas) touche à la flamme (réelle ou pas), je ressens une douleur. Cette douleur est réelle! C'est le cas de toutes mes perceptions d'ailleurs. Je peux me demander si la brocheuse devant moi existe vraiment ou si elle n'est que le fruit de mon imagination, mais je ne peux douter du fait que je suis en train de percevoir une brocheuse.

Peut-être que toute cette vie n'est qu'un rêve et qu'elle n'a pas d'existence réelle… mais ce genre de questionnement est futile en fait. Si je suis dans un rêve, j'en suis prisonnier depuis longtemps. Il est clair également que certaines «lois» semblent gouverner cet univers – onirique ou empirique – et qu'en les comprenant partiellement je puis établir des prédictions sur la succession des événements. Par exemple, je puis prédire qu'en touchant une flamme je vais me brûler. Il est tout aussi indéniable que les événements survenant dans cet univers ont un impact direct sur mon bonheur et ma souffrance.

Alors, peu importe que le monde autour de moi soit une réalité, un rêve, une matrice virtuelle ou des ombres sur la paroi de la caverne, je pense que nous pouvons faire une sorte de pari de Pascal et miser sur le fait que cet univers soit réel. Son impact sur notre bonheur et sa cohérence le rendent «suffisamment réel» pour que l'on puisse «faire comme si» il l'était, au lieu de penser au fait qu'il ne l'est pas nécessairement. Si la flèche empoisonnée m'atteint, l'urgence est de trouver un antidote et non de me demander de quel bois elle était faite. Et si je perds mon pari, cela ne m'enlèvera rien. Tandis que celui qui déciderait d'agir comme si sa vie n'était qu'un rêve, risque de trouver les conséquences fâcheuses dans l'éventualité où il se tromperait…

Le sens de la vie

La question «Quel est le sens de la vie?» peut être interprétée de nombreuses façons. Le mot «sens» peut vouloir dire «but», «cause», «raison d'être» ou «direction» tandis que le mot «vie» peut faire référence à la vie d'un individu particulier, à l'ensemble des êtres vivants ou même à l'univers tout entier. Cette ambiguïté fait en sorte que l'individu sera enclin à croire que le sens qu'il donnera à sa vie doit nécessairement être lié à la raison d'être de l'univers lui-même (donc soit l'univers est téléologique, soit nos vies n'ont aucun sens). Rien n'est plus faux, selon moi. Mais laissez-moi d'abord vous expliquer comment je définis le sens de la vie.

La sélection naturelle a favorisé chez l'humain le développement de l'intelligence. Il y a moult réalités dont l'humain est conscient et qui échappent à l'esprit des bêtes. L'une d'elle étant la fatalité de la mort. Nous sommes conscients qu'en dépit de tous les efforts que nous mettrons pour repousser la mort – bien s'alimenter, faire de l'exercice, ne pas prendre de risque inutile – cette dernière nous rattrapera inévitablement. Ce constat entre en conflit direct avec ce qu'on appelle souvent «l'instinct de survie», c'est-à-dire notre viscéral désir d'autoconservation. Nous sommes enclins à vouloir continuellement perpétuer notre existence individuelle mais nous savons que nous échouerons tôt ou tard dans cet éternel combat contre la mort.

Cet antagoniste donne naissance à un nouveau besoin que j'appelle «la quête de sens». C'est un mécanisme de défense psychologique qui nous permet de sublimer cette angoisse et d'accepter notre propre mortalité. Le «sens» de notre vie, d'après ma définition, c'est l'ensemble des accomplissements, des projets ou des expériences qui nous font apprécier nos vies en dépit de leur caractère éphémère. Lorsque l'on a l'impression que notre vie est «complète» ou que l'on a laissé dans le monde une part de nous-mêmes qui nous survivra, mourir devient moins angoissant.

La sélection naturelle a «recyclé» ce besoin en l'orientant de façon à ce qu'il optimise la propagation des gènes de l'individu. Ainsi, fonder une famille sera pour beaucoup de gens un accomplissement satisfaisant et donnera un sens à leur vie. Mais l'on peut assouvir notre quête de sens de bien des façons. En s'accomplissant artistiquement par exemple, ou en faisant progresser la science. Bref, ma vie a le sens que je lui donne.

On peut assouvir notre quête de sens mais on peut aussi se contenter de neutraliser l'antagonisme dont elle est issue en niant l'existence de la mort. C'est le principal pilier des croyances religieuses. Elles prolifèrent sur cette base en nous racontant que la mort n'est pas une fin mais une étape vers une autre vie bien meilleure que celle-ci. Bien sûr, pour y accéder, il faut obéir aveuglément aux commandements divins dont les prêtres de tout acabit se disent les porte-parole exclusifs…